« Prison ferme ! » Lorsque tombe le jugement, c’est un monde qui s’écroule pour beaucoup de prévenus. C’est le cas de Mahamoud* qui est parti à la maison d’arrêt de Majicavo. Il purge actuellement sa peine dehors, grâce au bracelet électronique.
« Avant, j’avais un bon boulot, une vie tranquille… j’ai tout gâché ! » Mahamoud, 33 ans, est un homme calme, posé, même quand il raconte ses douleurs. Car depuis 4 ans, sa vie passe par la case prison. En 2009, il travaille pour une entreprise privée de Mayotte dont il gère les stocks. A la suite de détournements de marchandises, la direction porte plainte. S’il est le principal suspect, il n’est pas inquiété. Trois ans plus tard, la justice va de nouveau s’intéresser à lui : une carte bleue tombe de la poche de son propriétaire, «je lui ai redonnée, après en avoir noté les numéros». Il passe des commandes sur internet, se fait pincer et c’est la prison.
Quatre mois à la maison d’arrêt de Majicavo, «je ne le souhaite à personne. Le regard ne tombe que sur des murs, et ma petite fille de 18 mois me manquait tellement» murmure-t-il un sanglot dans la voix. «Muidzi !» (voleur !), crient les autres détenus à son arrivée dans le quartier 3, «le plus tranquille pourtant». Quatrième d’une cellule de trois, il dort sur un matelas à terre, suit les activités proposées «sport, bibliothèque, musique», parle d’une nourriture «correcte», «mais heureusement je ne bois pas et ne fume pas car certains mendient pour pouvoir se payer des cigarettes». Sa femme tient bon, lui rend visite, «je me suis senti épaulé, je veux oublier ce passage».
Il est convoqué devant le juge d’instruction, sort sous caution de 2 500€ payée par son frère. Mais il est rattrapé par la première affaire : convoqué au Tribunal, il est condamné à 8 mois de prison ferme. Le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) qui a pour mission de prévenir la récidive, s’active alors à travers sa responsable Rose-France Reynes, pour lui éviter un retour en prison.
Une main tendue
Plusieurs solution s’offrent à lui : «la Juge d’Application des Peines m’a proposé une liberté conditionnelle, ou d’effectuer un travail d’intérêt général, ou encore le port du bracelet électronique». Il opte pour cette dernière solution qui est conditionnée à l’obtention d’un emploi. C’est sa mairie et Pôle emploi qui vont l’orienter, il obtient une promesse d’embauche : «après avoir mené son enquête, mon patron actuel m’a dit ‘l’erreur est humaine !’», heureux de le remettre dans le circuit, «lui qui avait également été aidé». Il est actuellement en CDI.
Le bracelet est posé sur sa cheville le 12 août 2013. Il émet un signal silencieux vers un boitier récepteur installé au domicile de Mahamoud qui doit respecter des horaires stricts, «je dois être chez moi en dehors des horaires de travail quotidien, jusqu’à 7 heures du matin et après 19 heures le soir». Un aménagement est prévu pour son entrainement sportif et les matchs du samedi. Tout écart est immédiatement détecté, déclenchant les appels répétés vers le téléphone fixe installé chez lui par les services judiciaires : «ça m’est arrivé une fois, un retard d’une heure le vendredi et j’avais oublié mon portable à la maison !»
Un secret chevillé au corps
Il est assigné à résidence le dimanche, «mais c’est très vivable. Je suis avec ma famille». Il doit encore le garder à la cheville pendant 5 mois. «Parmi mes amis certains savent, d’autres pas. J’ai informé mon coach et quelques dirigeants du club». Il se débrouille toujours pour être seul lorsqu’il enfile ses chaussettes dans les vestiaires.
La loi prévoit que la surveillance électronique peut être accordée lorsque la condamnation est inférieure ou égale à deux ans. Le bracelet électronique est évidemment un outil des peines de probation inscrites à la réforme pénale Taubira. Actuellement, 7 personnes bénéficient de la surveillance électronique à Mayotte, 4 avant jugement, 2 après condamnation, et un mineur.
Mahamoud a une peur, celle de retourner en prison lorsque la deuxième affaire sera jugée, «je ne veux plus m’éloigner de ma famille» dit-il d’une voix posée. Une rencontre l’a aidée, celle de la psychologue, «on se dit la vérité»… même s’il est tourmenté : «je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai basculé. »
Anne Perzo-Lafond
*Prénom d’emprunt