Mahamoud Azihary, directeur de la SIM, semble prendre tout le monde à contre-pied, mais révèle la principale problématique de l’île : l’aménagement. Son frein, un partenariat trop souvent impossible avec l’Etat.
C’est la fuite en avant pour plusieurs propriétaires fonciers : dans certaines communes, seules deux ou trois personnes se partagent la terre et se voient obligés de vendre avec l’arrivée de la taxe foncière, « ça va forcément libérer des terrains ». Bâtir, Mahamoud Azihary connaît, et les nombreuses « cases SIM » qui ont fleuri dans les villages l’attestent. Mais il manque à Mayotte deux outils. Le premier permettrait de constituer des réserves foncières en vue d’opérations d’aménagement publics telle que la construction de logements sociaux : c’est l’Etablissement Public Foncier, qui devait voir le jour à Mayotte en 2012… l’EPF de Guyane a été créé en 1996 et détenait 10 252 ha de réserves foncières en 2011.
« Le projet est en débat au Parlement » nous informe-t-on du côté de la Préfecture. Renseignements pris, il est le fruit d’une guéguerre entre les élus locaux et Paris sur la gouvernance : les premiers demandent un EPF local, habituellement financé par une taxe qui n’existe pas encore à Mayotte, tandis que le gouvernement, en tant que financeur, appelle de ses vœux un EPF d’Etat. « Les terrains ainsi achetés auraient été revendus à la SIM, mais nous ne pouvions en décider l’aménagement puisque c’est une prérogative des collectivités » indique Mahamoud Azihary qui se souvient : « en 2007, je me battais pour faire sortir de terre une Zone d’aménagement concertée (ZAC) quand 30 émergeaient à la Réunion grâce au Fonds Régional d’Aménagement Foncier et Urbain (FRAFU) ». C’est François Mengin-Lecreulx, le sous-préfet de l’époque qui avait débloqué le dossier.
L’Etat, financeur et/ou décideur ?
En 2009, un décret retoilettant le FRAFU dans les DOM est publié et étendu à Mayotte. Il doit organiser les aménagements dans l’île sur une période de trois ans, mais n’a encore jamais vu le jour. Là encore, un problème de gouvernance bloque : « 19M€ ont été abondés par l’Etat, mais la logique de cofinancement n’est pas respectée par le Conseil général » invoquent les services de la Préfecture qui rajoutent que le logement social est financé jusqu’à 75% par l’Etat à Mayotte sans qu’aucun projet sorte de terre.
Mahamoud Azihary donne sa version : « au Comité de gestion du FRAFU, les élus du département sont majoritaires (2/3) sur ceux de l’Etat qui en tant que financeur principal voudrait prendre les décisions d’aménagement alors que c’est une prérogative des collectivités. Mais l’Europe qui abonde à 60% en Fonds Feder le FRAFU des autres départements n’exige pas un quelconque pouvoir de décision ! ». En l’absence de ce Fonds d’Aménagement, c’est une manne importante des fonds européens qui va passer sous le nez de Mayotte. A cela s’ajoute un autre problème de taille : « le retard pris en matière d’assainissement qui ne nous permet pas de boucler les projets en cours », notamment imputable à un défaut de paiement de la quotte part du Conseil général. « Mais quelque soit leur compétence, l’erreur majeure serait d’écarter les élus de Mayotte ».
Tout n’est pas sombre au pays de la gestion immobilière de Mayotte : « le dialogue est bon avec le représentant de l’équipe préfectorale actuelle». Au point de voir éclore EPF et FRAFU ?
A. P-L.