Le 1er salon destiné à la restauration scolaire s’est tenu hier à Coconi. Les cantines et les repas de nos enfants pourraient bien sauver l’agriculture de Mayotte.
Fournir 150 salades par semaine à une cantine, combien de maraîchers en sont capables actuellement à Mayotte? C’est pourtant avec des commandes aussi précises, que l’agriculture mahoraise pourrait avancer. Chantal Dubos, gestionnaire au lycée agricole de Coconi, en est persuadée. Partant du constat que d’un côté, les maraîchers mahorais n’arrivent pas à écouler leurs légumes, et que de l’autre, les cantines ne parviennent pas à s’approvisionner sur le marché local, elle a souhaité que tout le monde se rencontre.
Ella a organisé le 1er salon de la filière restauration collective «plaisir de cantine», pour mettre en contact les différents protagonistes du secteur… même si le terme «salon» était probablement exagéré.
«La DAAF (direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt) m’a demandé de travailler sur un projet qui permette de structurer les maraichers pour qu’ils arrivent à s’organiser et ne plus planter tous la même chose», précise Chantal Dubos.
4 cantines pourraient changer la donne
«L’idée était aussi de trouver des débouchés aux jeunes en formation. A Coconi, le lycée agricole a une pépinière d’entreprises qui fournit aux jeunes des tunnels de plantation, des itinéraires techniques, des aides à l’installation et à l’approvisionnement en eau… mais au final, ils ne s’installent pas, persuadés de ne pas pouvoir s’en sortir.»
Car il n’est pas facile pour eux d’écouler leur production, quand sur les bords des routes, les bouénis ne vendent quasiment que des légumes importés. Ils doivent aussi faire avec la grande distribution qui est capable de faire venir des containers entiers et propose des produits avec une relative régularité.
Il existe pourtant à Mayotte des clients importants qui pourraient changer la donne et parmi eux, les cantines. «Il existe 4 cantines actuellement, au lycée de Mamoudzou, à Sada, Kahani et Coconi avec des repas chauds cuisinés sur place ou livrés à partir d’une cuisine centrale. On peut considérer que cela représente près de 2.000 repas par jour à assurer», relève Chantal Dubos.
Malbouffe importée : Catastrophe nutritionnelle
Ces repas sont particulièrement normés. «Les chefs doivent essayer de mettre en place des repas équilibrés, explique Karine Assoumani-Saignié, diététicienne à l’IREPS. C’est ainsi que l’entrée est à base de crudités, le plat doit offrir un apport en protéines, il faut également un produit laitier et un fruit frais»… le tout pour un budget de 3,2€.
On sait aussi à Mayotte que ces repas doivent compenser les déséquilibres nutritionnels : «Il faut par exemple des repas assez allégés en féculents parce que les enfants en mangent beaucoup par ailleurs. En fait, on doit s’adapter à la période de transition alimentaire que connait Mayotte», relève Karine Assoumani-Saignié. L’alimentation traditionnelle a disparu et la malbouffe s’impose à vitesse grand V : il n’est pas rare de voir des enfants avec un paquet de chips et une canette de Cola «Dubaï» au petit-déjeuner… «une catastrophe nutritionnelle !»
Approvisionnements : de pire en pire
Moinaeacha Mze Soilihi est chef de cuisine au lycée de Mamoudzou. Elle sait aussi qu’il faut adapter les quantités, pour aller au-delà des recommandations, car à la cantine, pour beaucoup d’enfants, c’est parfois l’unique repas de la journée. «Moi je dois nourrir 500 élèves. Depuis 2008 que je suis chef de cuisine, je peux dire que le goût des enfants s’améliore, ils s’habituent aux saveurs nouvelles et aux légumes en particuliers. Par contre, pour les approvisionnements, c’est vraiment de pire en pire !»
Moinaecha a par exemple beaucoup de difficulté à s’approvisionner en bananes ou en manioc… alors que toutes les forêts de Mayotte semblent être victimes de ces cultures qui occupent toujours plus de place.
Un chef étoilé pour cuisiner dans les cantines
C’est la première fois qu’une initiative de cette ampleur tente de faire coller offre et demande et Chantal Dubos, du lycée agricole, sait que ça peut marcher : «On a déjà six familles qui vivent en répondant quasiment exclusivement aux demandes des cantines».
Dans deux semaines, dans le prolongement de ce «salon», les professionnels du secteur pourront suivre une formation en hygiène et sécurité alimentaires, qui consistera en une transmission de règles essentiellement techniques. Et cerise sur le gâteau, début janvier, une session sur les techniques alimentaires est prévue pour faire découvrir tout ce que l’on peut faire avec les produits mahorais. Les chefs de cuisine auront l’occasion de rencontrer… un chef étoilé qui viendra à Mayotte pour cuisiner, avec eux, dans une cantine.
RR
Le Journal de Mayotte