Le député de Mayotte propose de miser sur les productions agricoles locales pour lutter contre la vie chère en faisant renaître les tobe, ces villages ruraux d’autrefois. Il a réuni des associations agricoles et la Chambre d’agriculture (CAPAM) à sa permanence pour présenter le projet.
La lutte contre la vie chère. Pour Boinali Saïd, le combat syndical est difficile à traduire en proposition politique concrète. Mais il ne baisse pas les bras, bien au contraire. Le voici qu’il présente un projet particulièrement étonnant. Comme annoncé lors de ses vœux de début d’année, il entend à présent bouleverser l’agriculture mahoraise.
Son constat est simple : alors qu’une liste de produits alimentaires de consommation courante a été établie, à Mayotte à peine «2% seulement des produits locaux faisaient partie du panier», indique le député contre «50%» dans les autres DOM. Or, pour lui, «la baisse des prix (…) ne passera pas par des importations massives». Boinali Saïd l’affirme, «si les prix baissent dans les autres DOM, c’est qu’il existe une production locale, des producteurs locaux, des exploitations agricoles viables, aménagées, soutenues par des politiques communales, départementales, régionales, de l’Etat ou des politiques européennes.»
Redessiner les espaces ruraux
C’est donc une nouvelle politique ambitieuse que propose Boinali Saïd. Elle consiste ni plus ni moins à redessiner les espaces ruraux de Mayotte. «Il nous faut reprendre les fondamentaux de nos vies communes, les moderniser en les intégrant dans les critères européens», affirme Boinali Saïd.
Et ces fondamentaux, ce sont les tobe. Il s’agirait de faire renaître les anciens hameaux et petits bourgs de campagne dans lesquels les gens vivaient pendant la saison des pluies avant de rentrer au village pour le nourrir pendant la saison sèche. «Ces tobe vont devenir dans chaque commune des outils et des forces de lutte contre la vie chère», affirme Boinali Saïd. Trois ou quatre exploitants s’y installeraient pour cultiver la terre aux alentours.
Les tobe seraient donc des sortes de coopératives avec une dimension sociale dans lesquelles les terres seraient mises à disposition par la puissance publique via une société foncière départementale. Cela impliquerait un remembrement voire une politique publique d’acquisition foncière pour réaménager les campagnes.
La recherche comme la formation des exploitants occuperaient une place essentielle dans ce projet.
Le 1er tobe sur l’îlot Mtsamboro
Boinali Saïd ne lance pas ce projet en l’air pour tenter de reprendre la main sur un combat politique où des solutions ont déjà été tentées comme le bouclier qualité prix ou l’encadrement des marges des hydrocarbures de Victorin Lurel. Boinali Saïd veut embarquer le monde agricole de Mayotte avec lui en faisant valider la démarche par les associations et les organismes agricoles.
Il veut également créer un comité de pilotage avec l’Etat et les communes et obtenir l’accompagnement des porteurs de projets «jusqu’à leur financement».
Ce projet peut surprendre tant il semble décalé mais il a le mérite de poser les questions de la production, la productivité, l’aménagement de l’espace rural, la professionnalisation de l’agriculture mahoraise. Le député y croit dur comme fer et un des premiers tobe qu’il souhaite voir émerger serait situé sur l’îlot Mtsamboro. Boinali Saïd s’y rendra d’ailleurs le 7 mars prochain pour visiter le site et demander au maire qu’un «tobe pilote» y soit créé.
RR
Le Journal de Mayotte