Un modèle économique qui mettrait en avant la solidarité, tout en créant des emplois… un concept qui existe depuis un siècle, et qui prend consistance avec un projet de loi. Mayotte possède des atouts.
Pour la première fois, un ministère est dédié à l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), et confié à Benoit Hamon. Son projet de loi va être étudié en fin d’année au Parlement. Ce thème qui semble réconcilier l’économie et le social n’est pas facile à aborder. C’est pourtant ce débat que l’association Tama avait choisi de programmer pour fêter ses 10 ans, à Mtsangabeach, ce vendredi 20 septembre.
Répondre collectivement à des besoins partagés, pourrait être une définition de l’ESS qui est, en fait, connue de tous : « elle se définit par ses statuts et prend la forme de coopérative, de mutuelle, d’association ou de fondation » retraçait Jean-Marc Borello, président et fondateur en 1984 du groupe SOS dont fait partie l’association de réinsertion Tama (*). « Je me suis interrogé il y a 30 ans sur cette main invisible du marché qui doit nous conduire vers le bonheur… » se souvient-il sarcastique.
La crise de 2008 a prouvé qu’un modèle alternatif devait être pensé, « nous avons de plus en plus de personnes en difficulté et de moins en moins de fonds publics ». A lui tout seul, SOS prouve que c’est possible : une croissance annuelle de 20%, plus de 4000 salariés au sein de 37 entreprises sociales et un concept exporté dans une trentaine de pays. C’est dire si le projet de loi est attendu, « avec 40 000 créations d’emploi à la clef » indique Monique Grimaldi, directrice de la Dieccte.
A Mayotte, plusieurs associations intermédiaires existent telle que le rappelait Sylvie Espécier, Sous-préfète chargée de la Cohésion sociale, « elles ont accompagné prés de 600 demandeurs d’emploi », sans compter deux chantiers d’insertion portés par l’OIDF.
Entre coutume et tribunal
Il apparaît d’ailleurs que l’histoire de l’île tourne autour de l’Economie sociale et solidaire comme le doctorant en Géographie Humaine Ahamadi Darousi le soulignait : le chicao (groupes), la moussada (l’entraide), le vala « qui permettait de projeter des films, une sorte d’ancêtre des MJC qui sont un échec par méconnaissance de ces traditions ». La plus spectaculaire étant le chicoa, la tontine, où un groupe de personne se prête de l’argent sans intérêt.
La législation française, renforcée avec la départementalisation de l’île, affaiblit ces pratiques considérées alors comme hors la loi (frontière ténue entre entraide et travail illégal dans la moussada)… alors qu’en métropole l’ESS revient en force, notamment avec un cousin du troc, « l’Accorderie, un échange de temps de travail ou de service non monétisé ».
Une Chambre de l’ESS semble indispensable pour structurer les acteurs, et les fonds européens attendent les porteurs de projet, « le social est une compétence majeure du Conseil général, nous ne pouvons en permanence nous substituer à lui » glissait le sénateur et fondateur de Tama, Thani Mohamed Soilihi, qui invitait malgré tout chaque Mahorais à innover en la matière, avant que le législateur n’intervienne, « ne laissons pas les autres prendre les mauvaises décisions à notre place ! ».
A. P-L.
(*) Tama en genre et en nombre :
Président et cofondateur : le sénateur Thani Mohamed Soilihi
Directeur et autre cofondateur : Philippe Duret
117 salariés qui sont intervenus auprès de 10 700 personnes
4,5M€ de budget à 95% Etat
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