CARNET DE JUSTICE DU JDM. Ce mercredi 18 mars, le juge Jean-Pierre Rieux présidait sa dernière audience correctionnelle. A 63 ans et après quatre ans passés à Mayotte, il terminait ainsi sa carrière sur une matinée relativement calme au tribunal de Mamoudzou : l’affaire d’emplois fictifs présumés au conseil général qui devait occuper l’essentiel de l’audience a immédiatement été renvoyée à une période électoralement plus calme.
Ce sont des questions d’identité qui ont marqué cette audience avec d’abord une affaire de faux passeport. Un Grand-Comorien s’est fait arrêter à l’aéroport alors qu’il voulait prendre un vol pour Paris. Depuis, il a disparu dans la nature mais la femme qui l’a hébergé et aidé dans ses démarches écope de 4 mois avec sursis, sur fond de filière d’immigration.
L’affaire suivante concerne deux jeunes gens poursuivis pour vol aggravé et recel : ils s’étaient introduits au domicile d’un homme avant d’en repartir avec un ordinateur, 5 téléphones portables, un IPad, un collier en or et un sac à dos pour transporter le butin. Problème de double date de naissance, le plus jeune est relaxé au bénéfice du doute sur sa minorité. Le second prend 6 mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende.
Pierre Desproges au service du réquisitoire
Le temps de condamner un homme à 4 mois de prison avec sursis pour 24 chèques émis (5.534 euros) alors que sa banque avait fermé son compte pour cause de découvert, voici l’affaire de quatre jeunes femmes. Ces colocataires se sont fait cambrioler alors qu’elles faisaient la fête à l’extérieur. Le suspect a rapidement reconnu qu’il se trouvait sur les lieux du délit. Il vient souvent le soir au pied de ce bâtiment pour télécharger des jeux grâce au wifi.
Un soir, un 2e individu l’aurait appelé depuis le 2e étage : il redescendait en escaladant la façade et avait besoin d’un coup de main pour transporter le sac contenant les objets volés… Cette histoire est évidemment bidon, sur les lieux de l’effraction, les traces de doigts ont parlé.
«Les empreintes mentent moins que les prévenus», remarque le procureur avant de citer Pierre Desproges en l’honneur de la dernière audience du président Rieux, amateur de bons mots : «Soit le prévenu nous prend pour des imbéciles et ça m’étonnerait un peu. Soit il ne nous prend pas pour des imbéciles et ça m’étonnerait beaucoup !»
Le jeune homme âgé de 25 ans est condamné à une peine que le président Rieux fait claquer dans la salle, vide en cette fin d’audience : 8 mois ferme !
Le jeu des 7 familles à lui tout seul
Très exceptionnellement, le magistrat s’offre un tout dernier dossier. A 14 heures, un détenu arrive de Majicavo. Il n’avait pu être amené à l’audience du matin pour cause de problème d’identité… On ne s’y retrouve tellement pas que le dossier est référencé au nom de M. X Ahmed.
Salime, Youssouf, Faridi, Ousseni, Ahmed… Il dispose d’au moins 5 noms différents et probablement autant de dates de naissance. Même son village de naissance aux Comores peut s’écrire de plusieurs manières… Comme le fait remarquer le procureur, il est le jeu des 7 familles à lui tout seul… «Il est aussi le roi au bal des menteurs».
Son histoire est banale, celle d’un scooter volé dans une cour de Tsoundzou avant une course-poursuite avec la police qui se termine dans la mangrove d’Ironi Be. Quel que soit son véritable nom, la punition sera de trois mois ferme. Il est reparti pour Majicavo où il avait déjà été placé en détention provisoire pour une affaire de coups de couteau présumés donnés dans le dos.
Au cours de l’audience, le procureur lui a promis de sortir d’autres dossiers le concernant. D’ici là, le juge Rieux sera déjà loin.
RR
Le Journal de Mayotte