Un pont Sada-Rouen: la preuve par les maths

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Sachant que Mayotte est à 10.000 km de Rouen, en combien de temps le son arrivera-t-il ? C’est la question qu’auraient pu se poser les classes de 3e des collèges de Sada et de Cormeilles (Rouen) qui ont tenté une expérience originale en fin de Semaine des mathématiques : échanger par visioconférence autour d’équations mathématiques, et de leur culture.

Visioconférence entre Sada et Rouen
Visioconférence entre Sada et Rouen

Pour y arriver, les élèves se sont donnés « rencard » à 11 heures vendredi dernier, heure de Mayotte, ce qui invitait à une première question : « 2 heures de décalage, c’est dans quel sens ? »

Les deux classes de 3e de Carole Bidoi, professeur de mathématiques au collège de Sada, avaient concocté des exercices couleur locale pour les élèves Rouennais : Ben Wassion va pêcher à l’ilot de Sada de 15h55 à 17h45, et a réussi à attraper un mérou de 15 kg. Ensuite, il veut profiter du coucher du soleil en haut de l’îlot. Malheureusement, Ben a le vertige à partir de 17m. Il prend des mesures avec une corde et un bâton de 1,50m. De la pointe de la côte au bâton, il y a 15,6m et à l’îlot, 688,68m. Ben Wassion peut-il aller en haut de l’îlot de Sada ?

Le décor est planté côté lagon, les cerveaux s’agitent, « on s’est dit qu’il fallait sûrement utiliser le théorème de Thalès », suggère Nasrim. La classe rouennaise et ses élèves groupés, s’affichent en écran géant sur le mur blanc de la salle de réunion de l’établissement sadois, « c’est pas pareil chez eux, la classe est bien décorée », nous glisse une élève. Nathalie Costantini, la vice-recteur est présente pour l’occasion.

Voyages scolaires et école coranique

Le principal Fabrice Alvarez, Nathalie Costantini et Patrick Courtin

L’expérience n’est pas réalisée au moyen d’un matériel de visioconférence, « nous utilisons Skype et une webcam », explique le principal, Fabrice Alvarez, qui souligne la démarche, « que nous voyons comme une ouverture vers la métropole, et pour que les élèves envisagent plus sereinement ce possible déplacement lors de leurs études, en comparant aussi le programme et leur niveau ».

Les échanges, souvent peu fluides, intimidés, pourtant préparés, se poursuivent entre les deux classes de 3e du collège mahorais, et la 3e de Cormeilles, un collège Europe, qui questionne : « faites-vous des voyages scolaires ? », « non, vu que le billet coûte 1 000 euros, et vous ? ». Paris, l’Allemagne ou l’Angleterre ouvrent bien sûr leur bras à proximité de Cormeilles, avec des transports à prix réduit.

Les collégiens métropolitains apprendront tout des mercredis consacrés à l’UNSS (sport scolaire), « mais en Petite-Terre, il faut prendre la barge », de l’école coranique, « j’y apprends le Coran du lundi au jeudi, de 18h à 20h, et pendant les vacances aussi », explique Idrissa.

Quand la liaison s’éclipse

Découverte du chapeau de Sada
Découverte du chapeau de Sada

Les filles sont surprises, « elles sont pas pareil là-bas. D’abord, il n’y a que 4 filles, et leurs cheveux ne sont pas couverts ». S’en suit une question de métropole, « pourquoi vous avez un foulard ? », « ça met en valeur les filles, et la religion demande qu’on ait les cheveux couverts », lit une jeune fille qui explique la différence entre le foulard et le kishali.

Un long moment, la liaison s’est tue… « C’est à cause de l’éclipse ? », lance quelqu’un en boutade. Mais l’occultation du soleil par la lune qui avait bien lieu entre 9h30 et 11h30 à Rouen, n’y était apparemment pour rien, plutôt une interruption de la liaison Skype, « tout a parfaitement fonctionné lors des répétitions », déplorait le principal. Le téléphone prenait le relai pour un temps, avant que les têtes blondes ne réapparaissent sur le mur.

On a pu parler production agricole, « nous avons des ananas, des oranges, des prunes, des grenades, de l’ylang », énumère une élève, « nous, du lait, des céréales… et du pain », répondait un garçon.

Parfois, les réponses s’écartaient des sentiers préparés, « on a 7 enfants par famille », affirme Ahmed.

C’est la vice-recteur et l’inspecteur pédagogique de mathématiques qui auront le dernier mot, « outre la résolution de problèmes, nous avons développer des compétences transversales et provoquer des découvertes mutuelles ».

Une preuve qu’avec de petits moyens, deux classes n’en ont fait qu’une en ce vendredi matheux.

Une maquette du CDI par les 6ème
Une maquette du CDI par les 6ème

Plusieurs autres activités se déroulaient dans le même collège dans le cadre de la semaine des maths : M. Ferron professeur de mathématiques et ses deux classes de 6e ont accueilli deux classes de CM? de l’école de Sada 4 et les deux professeurs des écoles Mme Ahamada et M. Riffay. Il s’agit d’un défi Mathématiques où des équipes mixtes cours moyens/6e s’affrontent dans un challenge inscrit dans le cadre de la liaison école-collège.

Et une belle maquette, réalisée avec travail sur l’échelle et la géométrie, trône au CDI : elle est l’œuvre des 6es 1 et 9 du collège.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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