CARNETS DE JUSTICE. C’est un homme fatigué qui se présente à la barre ce mercredi 6 novembre au matin pour l’audience correctionnelle. Encadré de gendarmes, Saindou A. s’avance avec ses béquilles jusqu’à la barre avant de s’assoir sur une chaise. Il est amputé de la jambe gauche. Pour la deuxième fois, il baille bruyamment, de quoi énerver le président : «vous arrêtez de bailler, vous êtes devant le tribunal, il ne faut pas exagérer non plus !»
C’est la deuxième fois en deux semaines que Saindou A. se retrouve devant le tribunal. Le 23 octobre dernier, il faisait une demande de remise en liberté.
– Quel âge avez-vous ? demandait ce jour-là le président.
– J’ai 66 ans
– Si je regarde votre dossier, vous êtes né en 1966, vous avez donc 47 ans.
Visiblement, le vieux monsieur est plus proche des 70 ans que des 50.
Saindou A. est incarcéré depuis le mois d’octobre 2012 à la maison d’arrêt de Majicavo pour des atteintes sexuelles sur mineures. Il a eu beau faire valoir des conditions d’incarcération insupportables compte tenu de son état de santé, la justice avait préféré le laisser en prison. A deux semaines du jugement de l’affaire, le tribunal craignait une récidive «en raison des faits multiples» qui lui sont reprochés, des «craintes corroborées par des éléments de personnalité».
Des fillettes de 4 ans
Les faits pour lesquels Saindou A. est poursuivi dans deux affaires distinctes sont particulièrement graves. En octobre 2012, il aurait volontairement commis des atteintes sexuelles sur deux petites filles. Il aurait frotté son sexe en érection sur leurs cuisses. Elles étaient alors âgées d’à peine 4 ans. La seconde affaire est plus ancienne. Elle remonte à 2005 mais les faits sont les mêmes. La jeune victime de cette agression a alors 12 ans.
Aussi graves que soient les faits, les familles des petites filles décident de ne pas se porter partie civile et ne réclament aucune indemnité en dommages et intérêts, à la surprise du tribunal. «Elles ne se constituent pas partie civile dans la mesure où leurs filles n’ont pas été déflorées» tient à préciser le président pour que la greffière le note dans le dossier. En cas de non constitution de partie civile dans ce type d’affaires, le dossier est en effet transmis au juge de tutelle qui peut être amené à le reprendre pour que les enfants soient représentés.
Une audience à huis clos
L’adolescente en revanche est devenue majeure depuis les faits. Elle demande 2000 euros de dommages et intérêts et un huis clos pour que l’affaire, sensible, soit débattue à l’abri des regards, que les mots soient dits et les situations décrites en évitant la gêne que peut provoquer la présence du public.
A l’issu des débats, Saindou A. est finalement reconnu coupable de l’intégralité des faits qui lui sont reprochés. Il écope de 5 ans d’emprisonnement après lesquels il devra se plier à un suivi socio-psychologique de trois ans, une obligation de soins rendue nécessaire aux yeux du tribunal par «ses pratiques particulières avec les enfants».
«Si vous ne respectez pas cette obligation de soins, vous repartirez un an en prison» prévient le président avant d’expliquer que le condamné sera inscrit au fichier FIGES des délinquants sexuels.
L’adolescente obtient les 2000 euros de dommages et intérêts qu’elle réclamait.
Saindou A. est reparti, avec ses béquilles et encadré par les gendarmes, pour quatre nouvelles années à Majicavo.
RR
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