Le président Zaïdani aspergé de purin de zébu dans l’hémicycle. L’opération commando de quatre jeunes agriculteurs avait fait grand bruit en janvier. Ils ont été condamnés ce matin à l’audience correctionnelle.
Ils étaient quatre à comparaître, poursuivis pour «avoir fertilisé le président du conseil général à l’aide d’un support organique», le 22 janvier dernier. Dans cette affaire, on ne parle pas d’engrais chimique… «A Mayotte, on fait du bio !» s’amuse Me Matoir.
Dans l’hémicycle Younoussa Bamana, les quatre hommes avaient surgi avec des bouteilles remplies de purin de zébus et en avaient déversé sur Daniel Zaïdani. Les quatre hommes sont membres du syndicat des jeunes agriculteurs, l’un d’eux est le président, deux autres sont trésoriers adjoints.
Une fois n’est pas coutume, le président Ballu juge bon de faire un préambule à l’instruction de l’affaire. Pour lui, cette affaire revêt un caractère symbolique et pose «des questions de principe». Jusqu’où peut-on aller dans une action syndicale ? A-t-on le droit de souiller les lieux de la démocratie et, à Mayotte, le lieu symbolique de la démocratie par excellence qu’est l’hémicycle qui porte lui aussi un nom qui résonne dans l’Histoire du département?
Les moyens de la lutte
Le premier agriculteur a rempli les bouteilles avec les effluents d’élevage de ses zébus. Le second a transporté l’équipe dans sa voiture et les deux derniers ont aspergé le président.
Les quatre n’ont aucun casier judiciaire mais un mois avant l’agression présidentielle, ils avaient déjà mené une attaque au conseil général en déversant de la bouse de vache au pied des bureaux de plusieurs élus de la collectivité.
«Depuis deux ans, nous avons pris la décision de ne plus jeter des aliments devant des préfecture ou des services du conseil général pour protester, parce que dans le monde, des gens sont dans la famine. Choisir du fumier, c’était une action forte parce que derrière, à Mayotte, il y a des agriculteurs qui souffrent, qui sont dans la misère.»
«Le tribunal ne remet pas en question le contenu du message que vous souhaitiez faire passer, ce n’est pas son rôle», indique le président. «Ce sont les moyens de la lutte qui sont en cause, des moyens non violents existent et certains sont d’ailleurs restés dans l’Histoire de Mayotte.»
Attentat contre la démocratie
«Un geste de lâcheté», pour Nadjim Ahamada, l’avocat du président qui n’assistait pas à l’audience. «Pour moi, ce n’est pas une action syndicale. Le président du conseil général représente tous les Mahorais et lorsque vous l’agressez, vous vous en prenez à tous les Mahorais», fait-il valoir, ne demandant qu’un euro de dommages et intérêts symboliques en signe d’apaisement.
«Est-ce que vous l’auriez fait contre vos pères si vous n’étiez pas d’accord sur la façon de s’occuper de la famille ?» interroge le procureur Alik. «C’est une sorte d’attentat contre la démocratie», lance-t-il, avant de requérir un mois de prison avec sursis et six mois d’interdiction des droits civiques.
Les difficultés du monde paysan
Les deux avocats des jeunes agriculteurs, Me Mattoir et Me Andjilani, vont rappeler le contexte et la vie des jeunes agriculteurs à Mayotte qui se sentent «abandonnés» par le conseil général. Ils reviennent sur ces terres que le conseil général «ne distribuerait qu’aux amis» et pas à ceux qui pourraient les exploiter. Ils racontent les difficultés pour décrocher des subventions. Bref, ils expliquent le geste sans rien minimiser de sa gravité. L’un et l’autre vont demander une dispense de peine qu’ils n’obtiendront pas.
Le président Ballu va finalement condamner les 4 hommes à 120 heures de travail d’intérêt général à effectuer en 18 mois. Le président Zaïdani se voit aussi accorder un euro de dommages et intérêts symboliques.
La peine ne sera pas inscrite sur le casier judiciaire B2 des prévenus, leur permettant de continuer à déposer des dossiers de subventions.
Les 4 hommes ne devraient pas faire appel de la décision. Ce dossier malodorant semble à présent clos.
RR
Le Journal de Mayotte