L’association «Fikira» poursuit sa mission consacrée au partage des réflexions autour de la santé mentale à Mayotte. Elle propose une conférence et crée des groupes de travail pour rassembler un véritable corpus de connaissances.
Nous entendons parler de l’association Fikira à l’occasion des conférences de grande qualité qu’elle organise régulièrement. La prochaine* est annoncée le 7 mai prochain au centre universitaire. Elle portera sur « les comportements sexuels problématiques, conduites sexuelles à risque et violences sexuelles chez les mineurs ».
Mais le travail de l’association créée en 2011 est loin de se résumer à ces moments. Des groupes de travail sont par exemple en cours de constitution pour approfondir des sujets précis. «Nous avons décidé de les créer après de nombreuses sollicitations d’adhérents et de sympathisants de Fikira qui souhaitent s’inscrire dans une démarche de recherche», indique Faïne Docaigne, membre de l’association.
Pour l’association dont l’objet initial est de réfléchir sur la santé mentale, créer de tels groupes, c’est d’abord favoriser des échanges entre professionnels. «Que l’on travaille dans la santé, l’éducation ou le social, on peut disposer d’un espace pour ne plus se sentir seul face à des questions auxquelles on est confronté. Il s’agit, au contraire, d’en faire une matière à travailler», explique Faïne Docaigne.
La langue mahoraise, objet de réflexions
Trois thèmes se sont dégagés, chacun accaparé par un groupe. Le premier porte sur le rapport à la langue. «On est parti d’une représentation du ‘niveau’ de chaque langue et nous nous sommes rendu compte que beaucoup perçoivent le shimaoré comme une langue inférieure au français. Les enfants en particulier ont souvent cette idée-là», relève Faïne Docaigne. De nombreux professionnels sont aussi confrontés à la difficulté de la traduction, particulièrement dans des circonstances où les enjeux personnels sont importants comme à l’hôpital ou face à la justice. Des termes précis en français doivent trouver leur juste équivalent en langue mahoraise.
«La réflexion autour de la langue est essentielle car elle implique énormément de choses dans la perception de soi et de son environnement. Nous avons la volonté de rassembler les travaux de sociolinguistique déjà réalisés pour les confronter et les approfondir.»
Quels mots pour la violence
«Par exemple, ce qui est intéressant, c’est que le mot ‘violence’ n’existe pas en shimaoré. Tous ceux qui traduisent doivent employer des mots comme ‘frapper’ ou ‘insulter’… Et là, c’est important de prendre le temps de se poser et de réfléchir à la façon de communiquer le bon message.»
Les violences à Mayotte sont justement le thème choisi pour un 2e groupe de travail. Les angles d’approche sont multiples : que peut-on considérer comme violence, quelle perception en ont les victimes et les auteurs, de quelle façon en parle-t-on… ?
«Pour ces deux sujets comme le 3e qui porte sur le handicap, peu de travaux ont été menés. L’autre particularité à Mayotte est liée à l’important turn-over des professionnels. Certains commencent à travailler dans la culture et la société mahoraise puis ils sont obligés de partir. L’objectif de Fikira est aussi de permettre une continuité et que les réflexions ne se perdent pas», insiste Faïne Docaigne
Restitution et transmission
Pas d’agenda précis pour boucler la première étape de ce travail, mais l’idée est évidement de proposer des restitutions lorsque les choses auront bien avancé. Cela pourrait aller de l’article à la table ronde en passant par des conférences.
On peut ainsi imaginer que Mayotte se dote, peu à peu, d’une masse de connaissances sur ces sujets médicaux et sociaux, que de nouveaux professionnels pourront s’accaparer et continuer à enrichir.
RR
Le Journal de Mayotte