CARNET DE JUSTICE DU JDM. Pour des délinquants inconnus des services de police et de la justice, les peines sont lourdes. Il faut dire que le récit des faits reprochés aux trois prévenus était particulièrement effrayant. Il ne manquait que le 4e complice qui n’a pas pu être attrapé.
A Passamainty, dans la nuit du 9 au 10 octobre 2014, ils sont entrés dans une maison que partageaient deux amis en colocation. Les malfaiteurs ont arraché les grilles de protection et dégradé une fenêtre pour entrer.
Pendant que «le petit» fait sa récolte dans le séjour, les trois autres ouvrent la porte de la chambre dans laquelle dort leur première victime. «Vers une heure du matin, j’entends la porte de ma chambre qui s’ouvre alors que je dormais. J’ai vu trois types sur le pas de ma porte», déclare l’homme aux policiers.
Il a à peine le temps de comprendre ce qui se passe que le plus costaud des trois lui saute dessus, le plaque dans son lit et le retourne vers le mur pour ne pas qu’il voit les deux autres vider la pièce : disques durs, ordinateur, casques audio, clé USB… Et l’agresseur est d’autant plus convaincant, qu’il a pris le temps de passer par la cuisine pour y prendre un couteau qu’il fait passer devant les yeux de la victime pour mieux faire peser une lourde menace.
Ils défoncent la porte
Dans la chambre à côté, la colocataire a entendu du bruit. Pas encore tout à fait réveillée, elle va voir ce qui se passe. «En voyant les 3 individus, j’ai compris que nous étions cambriolés», dira-t-elle. Elle se précipite dans sa chambre, ferme la porte à clé et appelle la police. Elle a encore son téléphone dans les mains lorsque la porte cède sous les coups des agresseurs. Ils entrent toujours avec le couteau en main.
A son tour, elle est jetée sur lit, le visage recouvert d’un drap. Les malfaiteurs quitteront la pièce au bout de quelques minutes emportant un IPad, une carte bleue, 30 euros, une pochette de papiers… Elle restera encore un moment sans bouger, terrifiée, «tétanisée» selon ses mots avant que son colocataire ne vienne la réconforter : ils sont partis.
Un policier blessé
La BAC ne tarde pas. Lorsque les policiers déboulent, ils trouvent les deux amis en état de choc. Les policiers prennent position dans les rues autour espérant apercevoir les agresseurs. C’est le bon choix. 20 minutes après les faits, trois individus arrivent à proximité des forces de l’ordre. A la vue des fonctionnaires, ils prennent la fuite et l’un d’eux s’engage dans une ruelle… où il va se faire coincer. L’interpellation est violente, elle va d’ailleurs amener le prévenu à porter plainte contre les policiers.
L’individu qui a gardé le couteau blesse le policier à la main pendant qu’il tente de le maîtriser. L’intervention de ses collègues est nécessaire, ils lui font une balayette et parviennent à le faire tomber. Le prévenu chute la tête la première. Il ne pourra pas faire sa garde à vue au commissariat. Il sera amené au CHM avec mâchoire cassée et dents en moins.
Pas des misérables
«Bien sûr, on va venir philosopher sur la fin justifie les moyens. Mais s’il n’y a plus de policiers, il n’y a plus de sécurité, même pour vous», s’emporte Me Ousseni, l’avocate du policier blessé, en apostrophant les prévenus.
Puis, elle tranche : «Ce ne sont pas des délinquants de la misère». Elle relève le nom de toutes les marques que portent les prévenus sur eux, des baskets aux tee-shirts. «Il y a un tel sentiment d’impunité qu’on se fait votre maison parce qu’on s’ennuie le soir !» dénonce-t-elle.
«Quand on commence une carrière de délinquant, il ne faut pas s’étonner d’être blessé par la police», relève le procureur Alik.
De fait, deux de ces jeunes gens âgés de 20 à 22 ont des casiers vierges. Le 3e est en état de récidive légale pour avoir été condamné à deux reprises par le tribunal des mineurs pour des faits similaires.
«On ne vous demande pas de juger votre propre sentiment d’insécurité à Mayotte, on vous demande de juger des jeunes gens, des primo-délinquants, qui ne demandent qu’une seule chose : c’est de s’en sortir et de travailler», plaide Me Gaem, l’avocate d’un des prévenus. Le message ne passe pas auprès de la cour.
Les deux principaux agresseurs sont condamnés à 4 ans de prison dont deux ferme et des obligations de formation, de travail et d’indemnisation des victimes. Le 3e écope de 3 ans de prison dont la moitié ferme, l’autre moitié étant du sursis avec une mise à l’épreuve pendant 2 ans.
Placés en détention provisoire depuis 9 mois, ils sont repartis pour Majicavo.
RR
Le Journal de Mayotte