CARNET DE JUSTICE DU JDM. Il risquait 20 ans de prison. Le procureur en avait demandait 7. Ce sera finalement 3 ans et une interdiction à vie de territoire français pour ce jeune Comorien désigné comme le leader du groupe qui dépouillait les touristes au pied du Mont Choungui il y a 2 mois. Son audience en comparution immédiate avait lieu ce vendredi après-midi.
Les 21 et 28 juin puis le 2 juillet, il rodait aux abords de la promenade touristique avec trois complices. Ils se retrouvaient la veille, devant son banga, et décidaient des détails de leur expédition. Mais à chaque fois, le modus operandi était le même : entourer leurs victimes, généralement un couple ou des jeunes femmes, les menacer avec deux upangas (sabres) de 41cm et 50cm et repartir avec sacs, téléphone, caméra, appareil photo, paires de lunettes… et parfois même les chaussures des promeneurs.
Le 21 juin, la première victime est un homme en déplacement professionnel à Mayotte qui profitait d’une journée de repos. Lorsqu’il se présente à la gendarmerie, les gendarmes découvrent que certains de leurs collègues ont aussi monté le Choungui plus tôt dans la journée. Ils regardent leurs photos : 3 des agresseurs sont dessus, ils les ont croisé par hasard pendant leur descente. A la barre, ce vendredi, le meneur se reconnaitra sur un des clichés, sans difficulté.
Des menaces puis des blessures
Le 28 juin, un couple puis deux collègues sont agressés à leur tour. Les menaces avec les upangas sont de plus en plus pressantes. On demande aux victimes de se taire et de ne pas résister en brandissant l’arme. Le 2 juillet, les menaces finissent par des blessures. Un premier groupe de deux femmes et une fillette de 11 ans est pris à partie. L’arme va blesser légèrement l’une d’elles.
Viennent ensuite un père venu à Mayotte voir sa fille. Lorsque les agresseurs surgissent en brandissant l’upanga, elle prend peur et son geste réflexe est d’attraper le sabre à pleine main pour protéger son père. L’agresseur retire l’arme et entaille sérieusement ses deux mains. Le certificat médical mentionne 12 jours d’ITT. Le père dira son état de choc et ses vacances gâchées, passées à l’hôpital, au commissariat et à changer les serrures de la maison : les agresseurs étaient partis avec les clés.
Sa fille a depuis décidé de quitter prématurément Mayotte malgré un travail qui la passionne : après de tels événements, la peur ne se commande pas toujours.
Il est reconnu formellement
Toutes les victimes ont reconnu le prévenu. Parfois armé, parfois en retrait pour mieux diriger, dépouillant parfois une victime pendant que ses complices s’occupent des autres.
Les investigations avancent assez vite et sur les visages, les enquêteurs vont mettre de noms ou plutôt des surnoms. Mais lorsqu’ils procèderont à l’interpellation du prévenu, ses complices ne sont pas là. Lui a un logement, les autres sont sans banga fixe. Chez lui, les gendarmes retrouvent les deux upangas. A la barre, le prévenu explique qu’il ne gardait que l’argent pour ne pas avoir de problème. Les autres s’occupaient de revendre le butin des agressions.
Lors des interrogatoires, le jeune homme reconnaît les faits. Il s’accuse également de 5 autres agressions à Saziley mais les enquêteurs ne retrouveront pas de plaintes correspondantes. Et le jeune homme est déjà bien connu. Il a été condamné en 2012 par le tribunal pour enfants pour exactement le même type de faits, commis à Dzona Plage, sur la commune de Bandrélé. Et ses empreintes le relient à bien plus de délits encore.
Reconduite définitive
Le procureur se dit glacé par le comportement des agresseurs, «on a l’impression que lui et ses acolytes ne reconnaissent pas le statut d’êtres humains aux victimes». Glacé aussi par le casier judiciaire, par son nouveau rôle de meneur, par l’année de prison qu’il a déjà faite et qui ne lui a pas servi de leçon. Il requiert donc 7 ans, une peine sévère, rarement demandée en comparution immédiate.
Me Idriss, l’avocat du prévenu, ne va pas solliciter la clémence du tribunal. Jugeant les 7 années excessives, il va plaider pour «que justice soit rendue, qu’une peine juste soit prononcée».
Ce sera donc 3 ans d’emprisonnement ferme et une interdiction définitive du territoire français, malgré la présence de la femme du prévenu et de ses enfants à Mayotte. Son épouse, âgée de 19 ans, attend d’ailleurs en ce moment leur 3e enfant.
Les victimes se voient accordées 500 euros chacune de dommages et intérêts pour le préjudice moral auxquels s’ajoutent de 100€ à 610€ pour le préjudice matériel.
A l’issue de sa peine, le jeune homme, âgé de 19 à 24 ans (lui-même ne sait pas), devrait donc être reconduit définitivement à la frontière.
RR
Le Journal de Mayotte