Alors que l’actualité met encore en lumière des parcours de migrants et de nouveaux drames de la mer, la BBC diffuse un double reportage réalisé en juin à Anjouan et Mayotte.
La BBC est fidèle à sa réputation: elle continue à proposer des reportages tournés dans le monde entier, d’une grande beauté, avec cette touche particulière pour évoquer les sujets même les plus graves. Pour raconter la question des migrants dans le Canal du Mozambique à une audience anglophone peu informée des problématiques de notre région, la journaliste Swahili Zuhura Yunus a choisi l’histoire de deux frères.
L’un est à Anjouan, le deuxième à Mayotte. Ils ne sont pas vus depuis qu’il y a 3 ans, l’un d’eux a pris un kwassa à la recherche d’une hypothétique vie meilleure dans notre département.
La productrice de la BBC Elise Wicker avait contacté l’équipe du JDM pour préparer ce reportage réalisé au mois de juin dernier. Elle était alors à la recherche d’une histoire simple et humaine pour raconter une situation difficile et souvent dramatique.
Le reportage est composé de deux éléments distincts. Une séquence multidiffusée hier sur les antennes de la «BBC World», le service télé mondial en anglais, et un article sur le site (en anglais) de la chaîne britannique qui revient sur l’histoire entre Mayotte et Anjouan.
Les responsabilités
Alors que l’Europe est focalisée sur les tragédies quasiment quotidiennes en Méditerranée, le reportage explique que «des milliers de personnes ont trouvé la mort sur le chemin de Mayotte» depuis 1975, un drame «causé par l’attraction magnétique de l’île française pour les habitants des Comores voisines».
Elise Wicker relève pourtant que les kwassas ne sont pas intrinsèquement dangereux. Ils permettent des liaisons entre les îles comoriennes. Mais pour Mayotte, ils sont obligés de choisir des parcours tortueux et de voyager de nuit pour éviter les interceptions des forces françaises, le tout sur des embarcations surchargées par des passeurs sans scrupules, «comme ils le font en Méditerranée».
Comme toujours, les Comores par la voix du gouverneur d’Anjouan Anissi Chamsidine rejettent la responsabilité du «cimetière marin» sur le «visa Balladur», se gardant bien d’évoquer les complaisances et les corruptions qui pérennisent voire favorisent ce véritable trafic d’êtres humains entre nos îles.
Mais Amirdine Mohamed, le maire nouvellement élu de Mutsamudu, la capitale anjouanaise, pointe aussi les raisons sanitaires de ces voyages vers un hôpital qui fait toujours défaut du côté comorien.
Une vie à Mayotte pas si facile
La BBC rappelle que si «les emplois disponibles sur Anjouan sont essentiellement agricoles», un dur travail pour un petit salaire, «la vie d’un migrant à Mayotte se révèle souvent beaucoup moins facile» qu’on ne se l’imagine aux Comores.
«Un porte-parole de ministère des Affaires étrangères a déclaré à la BBC qu’un groupe mixte franco-comorien, créé en 2013, tente ‘d’améliorer la sécurité maritime dans l’espoir de mettre un terme aux tragédies’». Et comme en Méditerranée, il faudra «surtout pour lutter contre les trafiquants et les personnes qui profitent de la détresse des migrants», a-t-il ajouté à nos confrères.
La BBC conclut que «pas une semaine ne passe, sans que les Anjouanais n’entendent ou ne lisent de nouvelles informations sur des naufrages et des corps rejetés sur leurs rives». Aujourd’hui en est encore la triste preuve.
RR
www.lejournaldemayotte.com
Voir le reportage : http://www.bbc.com/news/magazine-34548269