Photographie : le grand pas de la réalité à l’art

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Ponctuant la semaine de la photographie, et les Master class pour élèves et enseignants, organisée par le Centre Universitaire de Mayotte, une conférence se tenait ce vendredi soir dans l’hémicycle de Dembéni. Annonciatrice de l’exposition qui se tient ce samedi matin à la Bouquinerie de Passamainty. On retiendra essentiellement les clichés de Pierrot Men.

Des mahorais en banlieue
Des mahorais en banlieue

Les visiteurs et potentiels acheteurs à un mois des fêtes de Noël, pourront découvrir ce matin à la Bouquinerie de Passamainty les clichés de 7 photographes professionnels qui ont présenté hier au soir leurs travaux. De qualité très inégale.

De Madagascar à l’Afrique noire, les objectifs ont capté les pérégrinations de leurs auteurs. Ce sont souvent des scènes de désolation, accentuées par le choix du noir et blanc, et l’état d’âme de leur auteur : Beyrouth en 2010, « entre reconstruction et manque de vision d’avenir. Mais j’avais moi-même du mal à donner un sens à ma vie à cette époque », témoigne le premier photographe à projeter ses œuvres.

Le choix se portera pour un autre sur les difficultés de vivre pour la communauté comorienne à Marseille, puis sur les « Territoires d’outre Tombe », tel qu’il évoque les quatre îles de l’archipel des Comores : alcool, drogue, la souffrance est mise à nue, sans souci particulier d’y mêler l’art, une sorte de reportage, davantage un travail de journaliste rapportant la réalité.

La réalité sans l’art

Naissance
Naissance

Toujours les « Migrants oubliés du Canal du Mozambique », pour un troisième photographe : photos de barques sur une plage d’Anjouan, de passeports des « 10.000 disparus en mer depuis 1995 », alors que « cette année on devrait dépasser les 20.000 reconduites de l’année dernière », croit-il savoir.

Un témoignage, de la douleur, on est toujours dans le reportage, comme cette série sur les portraits de rue, « que je volais, parce que j’avais peur d’aller vers les autres. Or, on ne peut prendre de bonnes photos de quelqu’un que si on le connaît bien », croit pouvoir affirmer le photographe qui indique s’être rapproché de ses sujets, et qui a parfaitement réussi à « casser l’image d’exotisme de La Réunion », en photographiant les banlieues, encore l’alcool, un flacon d’Artane, drogue bon marché.

Une volonté de garder un œil neuf sur une réalité de l’Océan Indien qui peut sembler inédite en métropole, mais que ces îles vivent comme un combat au quotidien. « Je cherche à m’imposer des difficultés, c’est introspectif pour moi la photo. Beaucoup de clichés montrent mes propres angoisses, la photo est comme une thérapie », explique au micro un professionnel. A laquelle tout le monde n’est pas obligé de participer. Là, c’est la sensibilité de chaque visiteur qui fera la différence. Mais l’art est délaissé.

La générosité de Pierrot Men

Quand le port de tête du jeune garçon est un écho à la fierté des baobabs
Quand le port de tête du jeune garçon est un écho à la fierté des baobabs, par Pierrot Men

Au milieu de ce qui ressemble à un chaos, l’expression de Karine Gougerot ressemble à un sourire, celui que l’on voit sur les visages d’enfants d’une vidéo pédagogique sur l’apport de la photo pour l’apprentissage du français à l’île Maurice, et les tout-nouveaux nés de la « Main tendue vers l’enfant à naître ».

On attendait beaucoup de Rijasolo, photographe malgache, correspondant pour France presse et des grands quotidiens nationaux. Son premier fichier vidéo de photojournaliste porte sur des images de grèves, de colère, de guerres, de souffrance encore. Et le second, sur la nuit, encore la drogue, l’alcool, mais davantage sur le côté festif, « j’étais un grand noctambule. »

On a reçu beaucoup par contre de Pierrot Men, le photographe franco-sino-malgache, qui préfère livrer ses diaporamas, « plutôt que mes paroles. » Là éclatent le graphisme, l’esthétisme, le travail, destiné plus à faire plaisir à celui qui va visionner la photo, qu’à une recherche thérapeutique, en tout cas, on ne le saura pas. Des yeux rieurs de la petite fille mangeant à même l’écuelle, on retiendra à la fois la pauvreté, et la générosité de l’auteur de donner à voir de belles choses. Pierrot Men n’essaie pas de se raconter à travers la vie de l’autre. Nous sommes passés de la réalité à l’Art.

Pelletées et nuages, photographiés par Pierrot Men
Pelletées et nuages, photographiés par Pierrot Men

Outre la master class, l’objectif du séjour des 7 photographes professionnels était la publication en 2016 d’un ouvrage avec leurs meilleures photos des professionnels, mais aussi de leurs élèves.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

1 COMMENTAIRE

  1. J’ai assisté à cette conférence, vous avez parfaitement retranscrit ce que j’ai ressenti. Tout en finesse et en justesse, vous consacrez ce long article à un événement qu’il faut saluer. En revanche, ce n’est pas parce que ces événements sont rares que nous n’avons pas le droit d’exprimer de la déception. Je retiendrai moi aussi l’incroyable beauté dans l’art de Pierrot Men, ses photos parlent d’elles-mêmes…J’ai été touchée aussi par le travail de Karine Gougerot, ses idées m’ont inspirée. Bravo pour cet article!

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