Un immense chantier arrêté pour permettre à des oiseaux de se reproduire. C’est ce qui est arrivé, il y a quelques mois, au rond-point du Baobab à Mamoudzou alors que le futur centre commercial du groupe Sodifram commençait à sortir de terre.
Actuellement, des études d’impact sont obligatoires avant le lancement de tout grand chantier. Des cabinets spécialisés sont chargés de recenser la faune et la flore installées sur des parcelles avant qu’elles ne connaissent un profond bouleversement. Mais sur le site du baobab, des oiseaux étaient passés entre les mailles du filet. Et lorsque l’entreprise d’élagage s’est rendue sur place, surprise : de nombreux «martinets des palmes» virevoltaient au-dessus des ouvriers. Le chantier est stoppé net.
«Ils ont été assez exemplaires et plus que volontaires en nous prévenant et en permettant de mettre en place un suivi des martinets», explique François Jeanne du Gepomay, le groupe d’étude et de protection des oiseaux de Mayotte. Car si cette espèce est assez largement répandue à Mayotte, elle est tout même protégée par arrêté préfectoral. Elle ne fait pas partie de la dizaine d’oiseaux menacées de notre île, mais elle est dans la liste des «vulnérables». D’où le comportement citoyen des entreprises qui ont interrompu leurs travaux.
Des mesures de compensation
«Le chantier a été arrêté le temps que les martinets terminent leur reproduction. Une fois qu’ils ont quitté le site, les travaux ont pu reprendre», explique François Jeanne. Et la préfecture a dû donner son accord. C’est ainsi qu’à la fin du mois de décembre, un arrêté préfectoral a autorisé la Sodifram à détruire «un site de reproduction d’espèce protégée». Les martinets partis, on peut imaginer qu’ils trouveront leurs habitudes dans d’autres palmiers.
Mais modifier l’habitat d’espèces préservées, cela a un coût. Selon le vieil adage «à toute chose, malheur est bon», l’Etat demande généralement des mesures de compensations pour que ces pertes puissent aussi avoir des conséquences positives.
Ainsi, au milieu du mois de novembre dernier, le conseil départemental a été autorisé par la préfecture «à détruire accidentellement des spécimens des espèces de faune protégée» sur le futur chantier d’une piste agricole à Mavingoni, en bordure des réserves forestières du Mont Benara. La nouvelle voie va sillonner sur 4,6km sur les hauteurs d’Hajangua.
Long suivi et replantation
Là, ce sont des arbres et des araignées qui sont concernés. Ainsi, la Nephila comorana ou encore l’araignée cerf-volant «Gasteracantha comorensis» vont être impactées. Résultat, le département est contraint de mettre en place des mesures pour surveiller sur une vaste zone, aussi bien les rivières, les insectes ou les oiseaux. Ce suivi environnemental devra également intégrer «l’observation à long terme de l’urbanisation et des pratiques agricoles sur une largeur de 500 mètres de part et d’autres de la voie» pour éviter que cette piste n’entraine une destruction massive de l’espace qui la borde.
Autres mesures de compensation demandées: pour 49 arbres abattus, 250 devront être replantés le long de la piste «en privilégiant les espèces locales». De même l’espace utilisé par la piste sera compensé, lui aussi, par une plantation sur 3 hectares.
Mayotte est donc entrée dans une ère où le souci du patrimoine naturel s’impose peu à peu. Et pourtant, beaucoup reste à faire, à commencer par affiner nos connaissances. Car si les araignées dont il est question à Mavingoni font l’objet de mesures de protection, on ne sait en réalité que très peu de choses sur elles à Mayotte. Encore plus que dans le lagon, les richesses naturelles terrestres de notre département restent encore largement à découvrir.
RR
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