Les «chiffres catastrophiques» de la délinquance à Mayotte

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"Des actes plus violents", notaient le préfet Seymour Morsy (à droite) et le procureur Joël Garrigue
« Des actes plus violents », notaient le préfet Seymour Morsy (à droite) et le procureur Joël Garrigue

De la bouche même du procureur Joël Garrigue, « les chiffres sont catastrophiques pour 2015 » : en additionnant les données des zones police (commune de Mamoudzou) et gendarmerie (le reste de l’île), on note +50% d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, +51% d’escroqueries et +19% d’atteintes aux biens.

En prenant en compte le double enregistrement de certains faits, un vol avec violence étant à la fois une atteinte aux biens et à la personne, le procureur indiquait que l’ensemble des infractions a augmenté de 15% en 2015.

« Une situation comparable avec un département métropolitain de même taille », pondérait le préfet Morsy, «  mais avec des actes plus violents ici. C’est un vrai problème. » Des augmentations à mettre notamment en lien avec une hausse des dépôts de plainte, « la parole se libère, la dénonciation devient moins anormale, notamment pour les viols intrafamiliaux. » Mais pas seulement.

Etude sociologique de la violence à Mayotte

Une hausse spectaculaire des agressions en zone police et gendarmerie
Une hausse spectaculaire des agressions en zones police et gendarmerie

Le commissaire Miziniak expliquait que sur la commune de Mamoudzou, l’ensemble des infractions avait augmenté de 23% en 2015, « sauf le nombre de cambriolages, que ce soit d’habitations, d’entreprises ou d’administrations, qui a chuté de plus de 3%. » Un progrès lié à l’énergie de ces services selon lui, « mais aussi à l’implication de la marie de Mamoudzou et du Medef. » La vidéo protection et l’amélioration de l’éclairage public sont au programme. En revanche, les violences crapuleuses explosent, +100%, « composés pour moitié par des arrachages de portables », qu’il vaut donc mieux garder dans nos poches.

Une délinquance en hausse aussi en zone gendarmerie, +62%, « notamment les atteintes à l’intégrité physique dont les coups et blessures volontaires », explique le colonel Jean Gouvart qui évoque les bagarres entre villages, « trop souvent légitimées », une sorte de tradition, et qui livrait une juste analyse : « ces faits de violence sont plus du domaine de la sociologie que de la criminologie », en incitant à en comprendre l’origine.

Le chimique, une drogue officieuse qui ravage

Le "chimique" mis en cause par le procureur Joël Garrigue
Le « chimique » mis en cause par le procureur Joël Garrigue

Si les chiffres des atteintes aux personnes et aux biens, qui étaient stable jusqu’en 2013, ont explosé en 2015, « c’est à mettre en lien avec l’arrivée du chimique », pour Joël Garrigue, « c’est une vraie drogue dure, bien que classée comme cannabinoïde de synthèse, qui provoque violences et effet de manque. »

Un paradoxe puisque le chimique n’est pas considéré comme un stupéfiant, bien que les molécules qui le composent le soit. Ce qui ne permet pas aux policiers de détecter facilement cette substance qui arrive le plus souvent par la Poste, notamment par la brigade cynophile, « nous avons malgré tout démantelé un réseau en 2014 sur la base d’un produit dangereux pour la santé », indique Joël Garrigue.

Notre territoire est isolé puisque la substance est quasiment inconnue dans le reste de la France, « les produits sont importés de Chine ». Pour pouvoir agir malgré tout, la directrice de cabinet du préfet, Florence Ghilbert-Bezard, s’appuie sur la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), « qui s’est engagée à faire activer les recherches dans ce domaine. »

+30% de mineurs jugés

Denis Lacouture et Florence Ghilbert-Bezard
Denis Lacouture et Florence Ghilbert-Bezard

Une violence qui s’exporte facilement dans les établissements scolaires, « mais il est rare qu’un phénomène prenne naissance à l’intérieur même de l’établissement », explique Denis Lacouture, Secrétaire général du vice-rectorat, qui avance 45 postes de surveillant à la prochaine rentrée, 10 équipes mobiles de sécurité, 5 établissements placés sous vidéosurveillance, et des poses de clôtures un peu partout, « pour 1,2 million de travaux ».

Des services de gendarmerie et de police qui travaillent bien, puisque le nombre de faits élucidés sur les atteintes aux biens et aux personnes sont respectivement de 7% et 25%. Les services judiciaires aussi, souvent accusés de laxisme envers les mineurs, puisque « le nombre de mineurs déférés au juge a augmenté de 30% », indique le procureur alors que 15% personnes supplémentaires sont passées par le tribunal.

Face à cette situation, peu de moyens supplémentaires sont envisagés chez les forces de l’ordre, excepté l’arrivée de 42 gendarmes avec la création d’une antenne du GIGN à Mayotte, annoncée par Bernard Cazeneuve, « non pour lutter contre le terrorisme, mais pour s’attaquer aux problèmes de fond », souligne le préfet.

Il rappelait ce qu’il a dit de nombreuses fois aux maires : « La sécurité est une question de coproduction. Et quand des personnes bloquent un établissement scolaire, c’est une double peine pour les enfants qui doivent étudier, alors que les gendarmes placés sur le dispositif ne peuvent pas être déployés ailleurs. » La soirée se poursuivait sur une opération police-gendarmerie, « dans les quartiers difficile de Passaminaty et Vahibé, et reconduitedemain. »

Une situation sur laquelle va se pencher ce 25 février une mission de l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale dépêchée, à la demande du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve.

Anne Perzo-lafond
Le Journal de Mayotte

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