Ndzuwani, son nom en shimaoré est synonyme à Mayotte d’immigration, de chasse au clandestin, de pauvreté. Pas engageant donc dans l’imaginaire de qui vient d’arriver à Mayotte. Mais, île d’origine de beaucoup de mahorais, ils sont les premiers à la vanter et à inviter à la découvrir. Des échos totalement différents, qui appellent autant de perceptions. Le photographe Michel Forêt l’avoue d’ailleurs : son impression est toute personnelle et non généralisable.
Mais c’est par ses photos qu’il en parle le mieux. L’œil se laisse aller sur les perspectives, les lignes, et voyage au gré des deuxième plans ou des personnages croisées.
Un des plus beaux clichés est sans doute cette femme au panier de brèdes posé sur la tête, sortie de la brume, à laquelle répond une autre, alors que la perspective rectiligne de la route renvoie vers d’autres femmes imaginaires, au loin.
Caractéristique d’Anjouan cette rue de la Médina de Mutsamudu, où jouent les enfants, cette porte sculptée par un ébéniste ou cette crique aux courbes s’élargissant vers un minaret pointant vers le ciel.
Voyages initiatiques
Le Palais des Sultans en ruine, l’imposante citadelle, le mausolée d’Ahmed Abdallah, premier président et défenseur de l’indépendance des Comores… autant de bâtiments mis en valeur dans une atmosphère particulière. Et pour passer ensuite à des scènes de vie autour de pêcheurs dépeçant un énorme espadon. Pour en connaître l’atmosphère, prenez Michel Forêt sous le bras et ne le lâchez plus.
Il a collaboré pour l’ouvrage qui découle ce ses photos avec l’auteur anjouanais Kamaroudine Abdallah Paune. Il s’en explique : « La photo est assimilable pour moi à la poésie pour son instantanéité : lorsqu’un vers surgit, il peut disparaître aussi vite qu’une belle luminosité pour une photo. »
Un peu comme l’expo dans l’expo, il se fait le porte-parole de Chacri, peintre anjouanais, « qui tente depuis des années d’exposer à Mayotte, en vain. Il m’a donc demandé de relayer deux de ses tableaux, dont un notamment qui dépeint un chavirage de kwassas. »
S’il a intitulé son livre « Anjouan la mystérieuse », c’est que les multiples voyages de cet infirmier hospitalier furent initiatiques : « Je voulais comprendre pourquoi autant de gens migraient. Comprendre la phrase d’un habitant d’Anjouan, ‘le mal de là-bas vaut mieux que le bien d’ici’. » Il y a constaté un pouvoir d’achat « bien inférieur qu’à Mayotte », la déficience en soins et en scolarité, « mais contrairement à leur position à Mayotte, ils n’ont pas honte là-bas de dire qu’ils sont anjouanais, ils en sont même fiers. »
Les photos seront exposées à la Maison des Livres, place Mariage, du 20 février au 12 mars. Avec une date de signature, le 20 février de 10h à midi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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