Volontaires civiques: Nos jeunes veulent s’engager contre la délinquance

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Seymour Morsy invitait à la multiplication des volontaires en service civique
Seymour Morsy invitait à la multiplication des volontaires en service civique

Le constat est simple et dressé par le conseiller départemental de Koungou Bourouhane Allaoui : « Avec 9.000 naissances enregistrées en 2015, on peut estimer le nombre d’enfants par femme à 4 ou 5 ici. De nombreux jeunes qui peuvent facilement basculer dans les violences à répétition s’il ne s’engage pas dans leur avenir. » La seule présence de deux conseillers départementaux doublée de l’annonce de leur participation active est déjà une première en soi.

C’était la grande Journée de l’engagement vers le Service civique ce samedi à Mamoudzou, à l’initiative de la DJSCS, la direction régionale de la jeunesse, du sport et de la cohésion sociale. Elle répond à un double objectif : occuper et former cette jeunesse dont l’errance est synonyme de délinquance, et répondre à l’objectif présidentiel d’inverser la courbe du chômage en insérant au maximum, « le gouvernement est arcbouté vers les réussite des jeunes », appuiera le préfet Morsy, présent ce samedi avec son sous-préfet à la cohésion sociale.

Réduits à 8 mois

Ely VSC
Ely présentait ses trois petits films vantant les contrats VSC

Le volontariat en service civique est proposé aux jeunes de 16 à 25 ans, contre une indemnité avoisinant les 600 euros par mois. A Mayotte, 169 jeunes volontaires ont été engagés en service civique en 2015, « ils ne doivent pas suppléer un emploi déjà créé, mais pallier plutôt une déficience », prévient Bernard Rubi, Directeur de la DJSCS de Mayotte.

Cette grand-messe du volontariat en service civique (VSC) rassemblait dans l’hémicycle du conseil départemental les jeunes volontaires de l’île, tous de tee-shirts bleus vêtus, invités à sensibiliser autour d’eux pour « consommer » les 300 contrats proposés sur 2016. D’une durée de 6 à 12 mois, leur moyenne a été réduite à 8 mois, touchant mathématiquement un plus grand nombre de jeunes, mais raccourcissant de fait leur formation et leur expérience professionnelle, et risquant malgré tout d’accroitre leur précarité.

Scolarisés puis expulsés

Ali Ahmed Combo très applaudi après son intervention-choc
Ali Ahmed Combo très applaudi après son intervention-choc

Une action à ne pas brader pourtant au regard des bénéfices dont les jeunes peuvent en tirer : c’est Ely, timide au début de son volontariat, qui aura tourné les trois petits films présentés à un hémicycle plein ce samedi, c’est Thomas, dont l’expérience du VSC lui aura permis de trouver un emploi dans une association locale, c’est encore ce jeune qui attend de signer un contrat définitif dans l’institut qui l’accueille depuis 6 mois.

Au cours d’un échange mené par Ahamadi Daroussi, socio géographe, qui a démarré en tant que militant associatif détenteur d’un BAFA, tous les jeunes présents témoignaient de leur évolution grâce au VSC. Mais à Mayotte, le chômage n’est pas le seul mal de la société. Et le débat s’orientait sur la délinquance.

Mu il faut le dire par l’intervention véhémente d’Ali Ahmed Combo, maire de Ouangani : « Nous échangeons avec des jeunes sans problèmes aujourd’hui. Mais revenons à la réalité de nos villages et au flux de population qu’on ne maîtrise pas : on nous oblige à les scolariser pour nous dire quelques années plus tard, et alors qu’ils ont fait leur vie à Mayotte, qu’il faut les expulser ! Donnez-nous la possibilité d’intégrer tout le monde », sous-entendant de les régulariser, concluait-il, regrettant le départ quelques minutes plus tôt du préfet.

Actions pour contrer la délinquance

Bernard Rubi: "Une carte de séjour autorise à décrocher un contrat VSC"
Bernard Rubi: « Une carte de séjour autorise à décrocher un contrat VSC »

Bernard Rubi apportait une réponse nuancée, expliquant qu’ « il n’y a pas besoin d’être français pour décrocher un VSC, mais posséder un titre de séjour d’au moins un an. » Donc un moyen de toucher une partie des jeunes, pas tous, loin de là. Un jeune volontaire civique de la commune de Chiconi rapportait son expérience de contact avec de jeunes délinquants : « Ce sont des jeunes comme nous, mais qu’on délaisse et qui se sentent exclus. Il faut lutter contre l’ignorance, c’est la pire des choses. »

Abdou de Mtsamboro décrivait l’absence de terrains de foot et de plateaux sportifs dans sa commune, « il y a des chefs, et des jeunes de 12 ans qui sombrent dans la drogue ». « Il n’y a pas assez de communication sur les dangers de ces substances », clamait son voisin. La conception de films pédagogiques serait la bienvenue. Une ouverture possible pour des contrats de VSC. De son côté Daroussi revenait sur ces structures vidées de leur sens, si tant est qu’elles en aient eu : « Sur 20 maisons des jeunes émergées dans les années 70, seules 5 fonctionnent aujourd’hui. En trouver la cause et y remédier semblent aussi des pistes d’actions. »

Ahamadi Daroussi aux côtés d'Adrien Michon, un des organisateurs de la Journée
Ahamadi Daroussi aux côtés d’Adrien Michon, co-organisateur de la Journée

Le socio-géographe citait le rapport national de Mohamed Mechmache et d’Hélène Bacqué, qui invite à mettre en place des politiques impliquant les habitants. « Or, Mayotte détient déjà en son sein beaucoup de ressources, comme nos espaces de solidarité, nos pratiques socioreligieuses soufies, et les danseuse de Debah ont sont un exemple, ou encore le Chicao, que les jeunes ne connaissent plus, et très pratiqué à Bouéni. »

Il s’agit de plusieurs groupes sociaux de différentes tranches d’âges « qui gèrent les affaires de la cité. Il y a par exemple le chicao des 25-30 ans. Sont recherchés la responsabilisation et l’autonomie des jeunes pour qu’ils ne soient pas en attente des autres, mais acteurs de la vie de leur village. » Il rappelait que le 4 février, le président Ramadani avait fait voter un rapport pour « affirmer l’identité mahoraise pour promouvoir notre culture. On attend des actes maintenant messieurs les élus ! »

Mais peut-être faudrait-il créer un chicao des élus, parlementaires, départementaux et communaux, pour qu’ils deviennent acteurs de leur île ?!…

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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