Alerte à l’explosion sociale: Des solutions «made in» Mayotte

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El Mamouni Mohamed Nassur
El Mamouni Mohamed Nassur, co-organisateur de la Jounrée

Alors que le préfet Seymour Morsy impliquait les parents, les appelant notamment à s’assurer du contenu du cartable de leur enfant, la responsable de l’Unité départemental d’action sociale de Petite Terre faisait une réponse décalée, « fouiller dans le cartable de mon enfant, c’est une violence que j’exercerais contre lui ». « Vous êtes censée préparer son sac avec lui », rétorquait Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président de l’action sociale du département.

Un échange qui est la preuve s’il en est que beaucoup de choses sont à expliquer, et par le détail, en matière d’éducation à Mayotte. Les familles ont eu beaucoup d’informations nouvelles à ingurgiter, souvent sans mode d’emploi. Du châtiment violent à la crainte de fouiller le sac de son propre fils, il y a un grand écart parfois incompréhensible aux cerveaux métropolitains en charge de faire appliquer les lois.

Et la première des incompréhension, c’est celle de la départementalisation pour ce citoyen présent dans l’hémicycle : « On a posé une question complexe du changement de statut et seulement en français à une population qui ne maitrise pas la langue. Essayez de leur reposer la question en shimaoré maintenant, et on verra !! » L’explication doit en effet se faire dans les dialectes locaux, par des élus… absents de cette Journée sur la délinquance organisée par les cadis.

L’expression vindicative des élus

Archimède Saïd Ravoay impliquait les élus
Archimède Saïd Ravoay impliquait les élus

Après le constat et les explications du basculement vers la délinquance, des propositions sont venues de toute part. Du préfet Seymour Morsy tout d’abord, qui annonçait la signature prochaine d’un plan d’action entre la mairie de Mamoudzou et les représentants des entreprises de sa zone industrielle, « qui mettra à contribution tous les acteurs du périmètre. » Il interpelait les maires sur les logements, les routes, les lieux publics, « pour que l’urbain accompagne l’humain. »

Il appelait les associations à investir les MJC. Ce qu’encourageait le fondateur du COSEM, Elad Chakrina, « elles doivent être de lieux de vie, de jeux, de partie de scrabble, avec pourquoi pas une distribution de repas. »

Mais Archimède Said Ravoay, représentant des Céméa, déplorait l’absence d’élus qui doivent aussi encourager ce genre d’initiatives, « ce sont eux qui doivent porter les actions politiques en réponse aux besoins de ces jeunes. Mais attention à leur comportement. Parfois, lorsque ces élus s’expriment à la télé pour réclamer des avancées, on dirait qu’ils déclarent la guerre. Or, tels pères, tels fils, les jeunes les copient. »

Postuler pour encadrer un travail d’intérêt général

Joël Garrigue prêt à accueillir toutes les bonnes volontés
Joël Garrigue prêt à accueillir toutes les bonnes volontés

Il appelait à organiser des actions collectives d’éducation, « en intégrant les Comoriens sans qu’ils aient peur de se faire pourchasser », alors que le représentant de la Communauté comorienne appelait à son tour les parents à orienter leurs enfants vers l’école coranique. Une école que Chaharoumani Chamassi, président de l’association « Deux mains pour les enfants », vante pour être l’école du civisme, l’école où les jeunes apprenaient les règles.

Saïd Bastoi, président de la CGPME, déplore les nombreux cambriolages d’entreprises, « or la création de richesse est le moteur du développement du département », et indique qu’ils étaient prêts à participer, dans le cadre de l’Economie sociale et solidaire, quand elle sera applicable à Mayotte, « et en matière d’insertion des jeunes dans l’activité économique. »

Justement, le procureur Joël Garrigue ne demande que ça, « je ne distribue pas assez de travaux d’intérêt général, faute d’encadrement suffisant. » Collectivités, entreprises ou associations sont les bienvenues pour aider ces jeunes à se réinsérer par le travail. Pour éviter la case prison dont les jeunes ressortiront de toute manière un jour sans être véritablement grandis, le magistrat demandait également un Centre éducatif fermé, pour suppléer Tama, et un centre éducatif renforcé.

« Travaillons avec les mineurs qui ont un référent »

Pour Nafissata Mouhoudhoire il faut accompagner les parents
Nafissata Mouhoudoire: « Un modèle sociétal qui nous échappe »

Les cadis ne demandent pas autre chose, « cela doit fonctionner comme un sas avant que le jeune reparte sur des bonnes bases. Ils sont perdus face à l’arrivée de la société de consommation. Ce sont eux par exemple qui interviennent lorsque la télé ou le téléphone tombent en panne, les parents les laissent faire », explique El Mamouni Mohamed Nassur, porte-parole du Grand Cadi, co-organisateur de la Journée

Une prise de pouvoir des enfants que dénonce Nafissata Mouhoudoire, Inspectrice à la DJSCS, « lors des remises de bulletins scolaires, les jeunes traduisent n’importe quoi. Nous aurions du nous soucier d’accompagner les parents dans ce processus. C’est un modèle sociétal qui nous échappe. » Et pour expliquer le décalage, évoque la présence de la grande distribution à côté de familles en situation précaire. « Evidemment, la présence de gendarmes et policiers est importante, mais les premiers éducateurs sont les parents. Sur les 3.000 mineurs isolés, seuls 10% le sont totalement, et sont pris en charge par les familles d’accueil. Travaillons déjà avec ceux qui ont un référent adulte ! »

Les deux causes de délinquance, l’oisiveté et la survie « le frigo est visité dans beaucoup de cambriolages », sont évoquées par le procureur, « sans qu’une étude ait été menée sur le sujet », précise-t-il.

Sujet déjà évoqué il y a 3 ans…

Philippe Duret s'interrogeait sur les suites de ces échanges
Philippe Duret s’interrogeait sur les suites de ces échanges

L’implication des cadis dans les structures existantes est acquise à l’unanimité, que ce soit « comme médiateurs de proximité », comme le suggère Elad Chakrina, ou au sein du Groupe local de traitement de la délinquance, mis en place sur Mamoudzou par le procureur. « Il faut aussi mettre en place des Jardins d’insertion qui forment les jeunes à l’agriculture, sur le même thème que les travaux d’intérêt général » explique El Mamouni Mohamed Nassur.

Du côté du conseil départemental, on travaille sur l’après rapport de l’IGAS, « avec l’élaboration du Schéma de l’enfance pour fin juin » , souligne Issa Issa Abdou, le 4ème VP, qui n’oublie pas l’amendement Thani, « par lequel nos besoins en matière de mineurs isolés peuvent être examinés par le Garde des Sceaux. »

La balle est dans le camp du département, et Issa Issa Abdou expliquait le travail en cours
La balle est dans le camp du département, et Issa Issa Abdou expliquait le travail en cours

Les associations ne restent pas les bras croisés, « à Chiconi, nous allons répondre à l’appel d’offre de la CAF sur la création de la Maison de la famille et de la parentalité », indique Zalifa Assani, Présidente de l’association de parents d’élèves.

Beaucoup de propositions, « qui seront actées et validées par des travaux entre les cadis, la préfecture et le procureur », indique El Mamouni Mohamed Nassur, en réponse à Philippe Duret, directeur de Tama, qui interrogeait, « demain , on fait quoi ?! ». Et surtout après la mise en garde de Nafissata Mouhoudoire, « Nous avions organisé les Rencontres de la parentalité il y a 3 ans, avec un protocole triennal qu’il a été impossible de faire vivre faute d’implication des acteurs ! »

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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