L’évolution des normes aéroportuaires fait beaucoup parler à Mayotte, car c’est effectivement l’avenir de notre aéroport qui se joue. L’espace contraint de l’infrastructure de Pamandzi a conduit les différents acteurs du dossier à réfléchir à de nombreuses options et les réflexions mahoraises trouvent des échos à La Réunion.
L’extrémité des pistes des aéroports doit être allongée de 90 mètres avant le 1er janvier 2018 pour se conformer aux normes européennes. La mesure a pour objectif de réduire les risques au cas où un appareil dépasserait l’extrémité de la piste en fin d’atterrissage ou lors du décollage.
A La Réunion, le premier scénario envisagé pour adjoindre à la piste de Gillot une aire de sécurité de 90 mètres de long, consistait à combler partiellement le port de Sainte-Marie. La société aéroportuaire aéroport Roland Garros (SAARG), qui gère l’infrastructure réunionnaise, prévoyait de remblayer jusqu’à trois rangées de bateaux et le port devait se déplacer vers l’est, financé par l’aéroport.
Mais une autre piste de travail a émergé avec la construction d’un «lit d’arrêt» en bout de piste en remplacement de l’aire de sécurité. Ainsi, Le port de Sainte-Marie ne serait plus impacté. La société en charge de l’aéroport et l’aviation civile océan Indien, suivent ainsi les études menées pour notre département.
Les bonnes idées de Mayotte
«A Mayotte, le problème pour installer une aire de sécurité s’avère extrêmement aigu», a confié Lionel Montocchio, le directeur de la sécurité et de l’aviation civile océan Indien (DSAC OI) à nos confrère du Quotidien de La Réunion. «Nous avons travaillé plus en amont sur ce principe à Dzaoudzi. Les bonnes idées ont jailli. Nous avons voulu voir comment on pourrait les appliquer à l’aéroport Roland Garros et ne pas passer à côté de cette solution nouvelle tout à fait présentable».
Il existe deux dispositifs de ce type dans le monde et c’est celui du constructeur franco-américain Zodiac aerospace qui aurait les faveurs réunionnaises. «Cette technique appliquée à Mayotte et à La Réunion constituera une première au plan national», indique Lionel Montocchio. L’aéroport de Nice, également confronté à des contraintes fortes, réfléchit à la solution mais se trouve actuellement à un stade bien moins avancé en termes de réflexion.
Béton ou caoutchouc
Cette solution est imaginée dès 1984, à New-York, lorsque l’aéroport JFK est confronté à une sortie en bout d’un piste d’un avion. La Federal aviation administration (FAA) met alors au point ce système d’arrêt EMAS pour «engineered material arresting system». Zodiac aerospace présente le procédé comme un «lit de blocs de béton cellulaires», du béton soufflé préfabriqué qui «s’écrase de façon contrôlée et fiable sous les roues d’un avion, lors d’une sortie de piste, le ralentit et l’arrête de façon sécurisée.»
Un autre dispositif comparable a été mis au point par une société suédoise. Le principe reste le même mais le béton est remplacé par un système de boudins en caoutchouc remplis de billes de verre. «Les deux systèmes sont efficaces et notre service ingénierie à Montréal regarde celui qui serait le mieux adapté à Mayotte, compte tenu des contraintes liées au soleil et aux fortes pluies», explique Daniel Lefebvre, le directeur de la SEAM Lavalin, la société d’exploitation de l’aéroport de Mayotte.
L’absence de financement
Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte comme l’installation, les zones de stockage et la maintenance. Mais c’est une autre donnée qui pose problème : le financement. «Nous avons une enveloppe de 16 millions d’euros pour ce chantier et on ne sait pas qui va pouvoir la financer», indique Daniel Lefebvre. Lavalin met en place un groupe de travail avec les compagnies aériennes, la collectivité, l’Etat et la préfecture pour voir quel montage financier pourrait être envisagé.
«Ca fait un moment qu’on alerte sur ce dossier mais personne ne bouge». La crainte, c’est tout simplement de voir la piste rognée de 180 mètres si aucune décision n’est prise à temps… Un retour 20 ans en arrière qui interdirait quasiment l’arrivée de gros porteurs !
L’avenir de Pamandzi
A La Réunion, l’état et les collectivités sont prêts à financer, ce qui n’est pas encore acquis chez nous. L’aéroport de Mayotte se donne jusqu’au mois de juin pour prendre une décision, sachant qu’à défaut d’être bouclés, les travaux doivent être très clairement lancés au 1er janvier 2018.
L’organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a validé les technologies. En 2015, alors que plus de 70 aéroports dans le monde sont déjà dotés de l’équipement, l’OACI a recensé 9 incidents de dépassement de piste lors desquels un EMAS a arrêté l’avion en toute sécurité, sauvant ainsi de nombreuses vies.
A Mayotte, avec le bras de fer du financement, pour l’instant c’est un peu la survie de l’aéroport dont il est question.
RR
www.lejournaldemayotte.com
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