Les cadis comme un de leur porte-parole, Mohamed Nassur El Mamouni, sont bien décidés à jouer pleinement leur rôle de médiation. Mayotte change vite mais ils démontrent, une fois encore, que leur autorité traditionnelle peut être un rouage essentiel de la société mahoraise d’aujourd’hui. A Sada, ils se sont spontanément portés au-devant des principaux protagonistes de l’affaire qui a déchaîné les passions depuis vendredi.
Cette nuit-là, 4 hommes interceptent un mineur qui vole des fruits dans un champ. Mais la correction qu’ils lui infligent prend de allures de grande violence. Pendant plusieurs heures, ils le frappent à coup de corde. Les blessures sont telles que l’adolescent doit se faire soigner et il est logiquement orienté vers la gendarmerie pour une plainte. La suite, c’est l’interpellation des 4 hommes suivie d’un déchaînement de colère de plusieurs centaines d’habitants contre la brigade de gendarmerie.
Ecouter pour guider
Pour Mohamed Nassur, pas question de donner crédit aux histoires colportées par d’autres. Pendant de longues heures samedi après-midi, il a écouté la famille du garçon, voleur présumé devenu victime. Puis hier dimanche matin, ce sont les auteurs présumés des violences avec lesquels il a longuement échangé.
«J’ai écouté les deux parties, ce qui était très important pour me faire une idée du déroulement des faits. La première chose, c’est que les prévenus ont reconnu leur culpabilité même s’il y a certaines différences dans les récits. La deuxième chose, très importante, c’est qu’ils vont tenir une réunion d’information, publique, pour dire qu’ils ne sont pas d’accord avec les événements qui se sont produits (aux abords de la gendarmerie). Agir contre la justice, ce n’est pas la meilleure manière de régler les problèmes dans un pays de droit.»
Les jours qui viennent et particulièrement la journée de mardi, pourrait donc être celle d’échanges passionnés à Sada comme à Mangajou, le village d’où est originaire le jeune garçon. Chacun pourra s’expliquer et peut-être arrêter de ruminer d’éventuelles idées de vengeances ou de représailles.
Pourquoi la violence
Au-delà de ces événements précis, pour Mohamed Nassur El Mamouni, «il y a une nécessité à décrypter des phénomènes de violence dans une population qui ne doit pas être dans ces dispositions-là». Et Mohamed Nassur de s’appuyer sur les Textes religieux mais aussi sur les traditions mahoraises.
D’un côté, il met en avant la religion musulmane «qui est contre le fait de se faire justice soi-même. La justice de la société doit être souveraine et chacun doit y apporter son concours», précise-t-il. De l’autre, il renvoie les Mahorais aux fonctionnements d’antan, lorsque les enfants étaient ceux de tout le village.
Pas de correction physique
Quant à la correction physique : «Je ne la conseille pas», dit-il simplement. «En ce qui me concerne, je ne donne jamais de coups à mes enfants. La façon d’éduquer ses enfants, c’est d’être au-dessus d’eux en termes de connaissance et d’accompagnement. Et si les parents ne peuvent pas suivre le travail scolaire par exemple, il faut que les enfants s’expliquent le soir en rentrant. Qu’ils rendent des comptes sur ce qu’ils ont fait, comme mes propres parents l’exigeaient avec moi. Ca permet d’avoir une prise sur eux .»
Pourtant, dans sa jeunesse, il y avait bien les corrections, celle du village et celle des parents… «Bien sûr qu’on donnait de petites leçons, des petits châtiments. Mais ce n’était pas de la torture. Il y a leçon et leçon…»
Il y aura donc matière à échanger, non plus des projectiles mais des mots, cette semaine à Sada et Mangajou.
RR
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