L’ensemble des autorités civiles et militaires de Mayotte avait fait le déplacement au tribunal de Mamoudzou ce matin pour l’installation du nouveau Procureur de la République. L’occasion pour lui d’esquisser ses objectifs et de recevoir des conseils amicaux.
«L’installation d’un procureur, le premier depuis la départementalisation, est un événement majeur dans la vie judiciaire de Mayotte», indiquait Marie-Laure Piazza, la présidente du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Mayotte ce matin. De fait, la salle d’audience de Kaweni, trop petite pour l’événement, rassemblait l’ensemble des autorités judicaire et préfectorale, des élus, les magistrats, les avocats, les greffiers, les fonctionnaires de l’institution judiciaire… Une liste interminable de personnalités et de corps de métier venus saluer la prise de fonction officielle de Joël Garrigue, le nouveau Procureur de la République de Mayotte.
Il remplace Philippe Faisandier, parti à La Réunion, qui a officié à Mayotte les quatre dernières années.
Doter Mayotte d’une juridiction du 21e siècle
Dans un beau réquisitoire, la vice-procureure Véronique Compan invitait le nouveau procureur à «poursuivre l’œuvre édificatrice» entamée par son prédécesseur. En avril 2011, avec la départementalisation, le tribunal de première instance est devenu un TGI, le plus jeune de France. Mais ce n’était pas un aboutissement. Ce matin, la vice-procureure rappelait à Joël Garrigue les multiples chantiers qui l’attendent : «La construction d’un nouveau bâtiment» destiné à ressembler à l’image «d’un véritable tribunal» ou encore, en plus de la réponse judiciaire, «impulser le dynamisme qui manque en matière de prévention de la délinquance».
Elle l’invitait aussi à entamer des réflexions nouvelles sur la place des victimes ou le traitement de l’immigration clandestine que vont permettre les nouvelles dispositions en cours de préparation.
S’attaquer aux receleurs et aux filières d’immigration
Joël Garrigue est attendu sur ces dossiers, il le sait. Né à Sarlat, diplômé de l’IEP de Paris, il a occupé durant 14 ans des fonctions pénales à Reims, Carcassonne et Montpellier. Arrivé depuis trois semaines, il s’est bien gardé de faire «un discours programme». Mais certaines de ses volontés laissent déjà apparaître certains changements à venir. Pour lui, lutter contre la délinquance, c’est aussi s’attaquer aux receleurs. Lutter contre l’immigration clandestine, c’est viser les «organisateurs des filières d’immigration».
Il est également fermement décidé à s’attaquer à tous les faits qui auraient pour but «de troubler la paix sociale et la sérénité entre les communautés», une référence à l’affaire de la profanation de la mosquée de Labattoir, son premier dossier important.
Quant à la question des violences, il en appelle à la responsabilité «des élus, des enseignants, des parents, des autorités institutionnelles, morales, religieuses et citoyennes». «Mon action est vouée à l’échec si elle reste isolée», a-t-il affirmé.
Pédagogie et humilité
La vice-procureure Véronique Compan rappelait qu’occuper un tel poste à Mayotte implique de concilier deux attitudes. D’abord, «une volonté d’aller de l’avant pour le bien de tous, pour que les lois de la République française s’appliquent et qu’elles soient comprises. Une leçon d’éducation de tous les jours », relevait-elle. La seconde est de faire preuve d’humilité. «Il ne faut pas vouloir révolutionner les choses ou les brusquer.» La politique des petits pas est souvent bien plus judicieuse pour aller de l’avant. Ce message-là, aussi, semble avoir été entendu.
«J’aime les défis», avait confié Joël Garrigue à Véronique Compan il y a quelques semaines. «Vous ne serez pas déçu !» lui a-t-elle répondu ce matin.
RR