Du «décasage» à l’expulsion à Ouangani: 200 personnes reconduites

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Arrivée des familles "décasées" de Ouangani avant les vérifications par la PAF
Arrivée des familles « décasées » de Ouangani avant les vérifications par la PAF

Ce fut l’hémorragie ce dimanche. Beaucoup de familles ont été chassées de leur logement, et comme ce fut le cas pour les « décasés » de Boueni, rapatriées ensuite vers la place de la République par des minibus affrétés par les associations comoriennes. Elles viennent grossir le lot des 150 à 200 personnes qui y dorment quotidiennement depuis maintenant 15 jours.

A Chirongui entre 30 et 50 familles ont été délogées et chassées. Quatre minibus les ont convoyées vers Mamoudzou. Dans le village, 20 à 30 bangas ont été détruits, les tôles arrachées.

Contrairement à ce qui s’est passé à Chirongui, les familles délogées par le collectif d’habitants de Ouangani n’ont pas été ramenées directement à Mamoudzou. Les minibus ont été bloqués vers 13h ce dimanche par la police nationale à Ironi Be, au niveau des bâtiments de la SCAM. Il s’agissait de vérifier avec la Polices aux Frontières, la nationalité des passagers.

Plus de 200 personnes au CRA

Les mamans atTendent sur le bas côté d'embarquer dans le bus qui les conduira au CRA
Les mamans atTendent sur le bas côté d’embarquer dans le bus qui les conduira au CRA

« Ils sont 200 à ne pas avoir d’autorisation de séjour », nous explique le capitaine Marc Hof, « nous en avons rapatriés 50 en situation régulière à Mamoudzou dans des minibus banalisés. » Pas précisément place de la République, mais on peut penser qu’ils en prendront le chemin.

Nous sommes donc de nouveau dans le schéma où la PAF assure le service après-vente, légitimant en quelque sorte les « décasages ». Même mieux, les habitants seraient plus performants, « quand la PAF arrive dans un village, tous les étrangers vont se cacher dans la brousse », explique un témoin.

C’est dans des bus grand format que sont montés les hommes, femmes et enfants qui étaient acheminés vers le Centre de rétention administrative. D’une capacité de 148 places, il a donc dû accueillir cette fois 200 nouveaux arrivant, en plus de la population déjà présente. « Ils seront très certainement reconduits demain à Anjouan, en fonction de places disponibles sur le Maria Galanta », explique le capitaine de police.

A 14 ans, elle ne connaît pas Anjouan

Départs groupés pour le CRA
Départs groupés pour le CRA

On s’attend en arrivant à trouver une population accablée d’avoir ainsi été chassée des habitations, et éloignée de leur quotidien. Sur le bas côté, une femme allaite son bébé, elle discute avec d’autres bouénis, rit, pendant que les enfants s’amusent en chahutant autour.

Pour Andruma, 14 ans, c’est le saut vers l’inconnu : « Je suis née à Mayotte et je n’ai jamais vu Anjouan. Je part avec ma maman, mais je suis juste triste de laisser mes amies de 4ème 8 du collège de Chiconi », explique dans un français hésitant la jeune fille.

Un petit garçon nous tourne autour : il a 13 ans, et était scolarisé en 6ème, lui aussi au collège de Chiconi, qui va décidemment perdre plusieurs élèves. « Je suis un peu triste parce que j’ai mes amis à Chiconi, mais je suis déjà allé à Anjouan, je connais. Je pars avec ma maman, et on va y retrouver sa famille », nous explique-t-il.

Blocage place de la République

Les familles qui dorment depuis deux semaines place de la République à Mamoudzou
Les familles qui dorment depuis deux semaines place de la République à Mamoudzou

La présence de sa maman assise sur l’herbe n’est pas étrangère à son sourire, qui traduit aussi l’inconscience de l’enfance pour l’inconnu, et l’impatience d’un voyage en bateau. Sa seule préoccupation est de manger, « j’ai faim, j’espère qu’on va nous donner du riz. » Le capitaine Hof nous rassure, au CRA ils auront droit à un repas.

Entretemps, de nouvelle vérification d’identité ont eu lieu, quelques uns vont repartir vers Mamoudzou : « ils ont un motif légitime de rester. «

La situation des « décasés » présents sur la place de la République n’a pas évolué. Tous ceux qui ont une attestation d’hébergement auraient du a minima retourner dans leur logement s’il n’était pas détruit, ou être relogés dans la commune. Selon le préfet, les maires s’y étaient engagés. Il n’en est rien. Ces derniers ayant constaté une majorité d’attestation de complaisance, demandent à l’Etat d’annuler l’attribution d’un titre de séjour qui régularisait jusqu’alors leur situation.

Le seul point de convergence entre les habitants et l’Etat semble donc être ce service spécial rendu à la PAF, qui n’a plus qu’à cueillir les étrangers en situation irrégulière.

Le collectif de soutien des délogés de Mayotte ainsi que les représentants locaux de la Ligue des Droits de l’Homme seront reçus en préfecture à 9h et appellent à un rassemblement pacifique à la même heure place de la République.

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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