Au moment où la crise des «décasés» continue de monter en intensité à Mayotte, le nouveau président comorien Azali Assoumani accorde une interview à nos confrères de RFI après son investiture. Il y réaffirme ses priorités pour son pays, énergie, sécurité et emploi: «J’attends du peuple comorien un accompagnement et une compréhension des mesures que l’on va prendre. Elles le seront dans l’intérêt supérieur de la nation», a-t-il indiqué.
Il a bien entendu été amené à réagir aux événements actuels à Mayotte. «Je n’aurais pas le choix», a-t-il répondu quand la journaliste lui demande s’il va prendre «le dossier à bras le corps».
Reprenant le vocabulaire traditionnel des Comores, pour lui, il n’est pas question de parler de Comoriens en situation régulière ou irrégulière à Mayotte : «Un Comorien qui est à Mayotte, il est chez lui», a-t-il affirmé.
C’est «l’éternel problème du contentieux entre la France et Mayotte. Il va falloir trouver les causes de cet état de fait». Mais pour lui, «rien ne peut se faire sans le dialogue avec notre partenaire privilégié qui est la France».
L’honneur du pays des droits de l’Homme
Azali Assoumani s’est ensuite référé aux paroles de l’ambassadeur de France aux Comores qui indiquait que des poursuites seraient lancées contre ceux qui commettent ces actes: «De ce côté-là, on fait confiance à la France pour une solution immédiate, qu’on arrête ça.» Car pour lui, la France, pays des Droits de l’Homme, ne peut tolérer une telle situation. «Même s’ils administrent un territoire d’une façon illégale, je ne pense pas que ça les honore que l’on dise que dans un espace où la France administre, il y a des problèmes de ce genre».
«C’est le problème de Mayotte, ce contentieux désagréable, comme l’a qualifié l’ancien président Mitterrand. Je pense que c’est le fond du problème et les autres sont des conséquences».
L’interview complète du président Azali Assoumani à écouter dans l’émission «Cap sur l’océan Indien» par ici.
Le temps du co-développement
Autre prise de positions, celle de l’ancien député réunionnais et ancien secrétaire général de la Commission de l’océan Indien, Wilfrid Bertile. Pour lui, «il faut maintenant passer aux actes», en matière de co-développement Mayotte/Comores/Réunion.
«Dans l’histoire des relations entre Mayotte, les Comores et La Réunion, nous venons de vivre un bon week-end. Des représentants de tout l’échiquier politique réunionnais se sont prononcés pour aider au développement des Comores et même pour un codéveloppement de Mayotte, des autres îles de l’archipel des Comores et de La Réunion», souligne-t-il.
Pour lui, à Mayotte, «la source de cette immigration déstabilisatrice est la misère qui règne aux Comores. Si celle-ci ne recule pas, comment imaginer que les Comoriens ne seront pas attirés par Mayotte et La Réunion et ne tenteront pas de s’y installer, quoi qu’il en coûte?»
Il préconise «de mettre en place une gouvernance partagée pour conduire les actions en bonne intelligence avec les autorités comoriennes. Il appartient à l’Etat de prendre l’initiative d’une rencontre avec les collectivités de Mayotte et de La Réunion pour lancer le processus. S’il saisissait la main tendue par les élus, ce serait une nouvelle donne en Indianocéanie. Une lueur d’espoir s’élèverait du côté du canal de Mozambique».
A La Réunion, Mayotte est l’exemple à éviter
Par ailleurs, l’éditorial du Journal de l’Île de La Réunion se fait l’écho de ces «débats qui sentent la poudre».
«Les semaines passent et pas une ne se termine sans une nouvelle polémique sur le thème du ‘priorité aux Réunionnais’», écrit le journal.
D’un côté, le CReFOM et Patrick Karam qui agitent «le chiffon de la discrimination des Domiens aux postes de commandement de l’administration», en portant «une double revendication un peu tortueuse: l’égalité absolue sur le sol métropolitain mais la préférence régionale sur le sol réunionnais (ou antillais ou guyanais etc.)».
De l’autre, la polémique qui revient chaque année sur les mutations de profs. De jeunes Réunionnais qui décrochent leur concours sont pour partie affectés en métropole, organisation nationale oblige, alors que des postes sont vacants à La Réunion.
Pour le JIR, «la polémique ne laisse pas de place à l’exactitude des faits». «Ces entrelacs de postures, d’arguments, de logiques sont en fait trop complexes pour être jetées en vrac dans l’opinion publique. Au diable les nuances, la prudence, les décodages de réseaux, les statistiques. On attise plus qu’on ne construit».
Le journal somme les politiques d’attendre les propositions de la secrétaire d’Etat à l’égalité réelle avant de rajouter de l’huile sur le feu. «Parce qu’une fois la mèche populiste et xénophobe allumée, il sera bien difficile de l’éteindre. Dans le baril voisin, à Mayotte, la flamme est déjà bien vive. On y chasse les ‘étrangers’ comme on débusque les tangues (hérissons) dans leurs terriers. Est-ce le destin que nous voulons pour la Réunion?» conclut le journal.
RR
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