Concours d’écriture: Voici les 3 nouvelles primées

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On est de son enfance comme on est d'un pays Antoine de Saint ExupéryPour la première édition de son concours d’écriture, le vice-rectorat de Mayotte a donné comme thème une phrase de Saint-Exupéry: «On est de son enfance comme on est d’un pays». Libre ensuite aux collégiens et aux lycéens de rédiger une fable ou une nouvelle, individuellement ou collectivement.

Voici, les 3 Prix «Nouvelles».
-Prix de la nouvelle collective : Collège Kawéni 2 avec Saïd Mohamed Houdhoiyfa, Nabouhani Sophie, Soufiani Fatima, Soulaimana Némati (3ème 2) encadrés par Madame Tahiri.

-Le Prix de la nouvelle individuelle est en réalité un double prix: un destiné à un collégien et un 2e pour un lycéen :
•Lycée Bamana, Emma Gressier, 2e 8, encadrée par Monsieur Loillier,
•Collège K2, Youmna Bouyahiaoui, 5e 1, Madame Bourhane.

Le JDM se joint au vice-rectorat pour féliciter l’ensemble des participants et, bien entendu, les vainqueurs. Nous vous proposons de découvrir ci-dessous les nouvelles lauréates de ce 1er concours d’écriture.
Les fables récompensées sont également à découvrir par ici.

 

Vainqueur nouvelle collective
«Je m’appelle Tris»,
de Saïd Mohamed Houdhoiyfa, Nabouhani Sophie, Soufiani Fatima, Soulaimana Némati (3ème 2) encadrés par Madame Tahiri (Collège Kawéni 2).

« Nous sommes tous sortis un jour d’une forêt, d’une île, d’un jardin, d’un quartier oublié d’une ville… »

Je m’appelle Tris. J’ai tout quitté, mon pays, ma culture et les gens que j’aime pour tout oublier.
On dit souvent que l’enfance ne s’oublie pas pourtant moi, j’ai envie que la mienne parte en fumée. Je mettrai toute mon énergie pour oublier celui qui m’a presque détruite mais ce n’est pas si évident parce que dans la foulée je veux tout oublier, les bons comme les mauvais souvenirs de mon enfance car même les bons font référence aux mauvais. Ce qui me fait le plus mal c’est de constater que je renie mon identité en voulant m’en créer une autre à cause du mal qu’on m’a fait un jour dans mon enfance.

Aujourd’hui j’ai 25 ans. De l’extérieur, on peut dire que je mène une vie paisible et agréable. J’ai un boulot d’avocat, le travail que j’ai toujours aimé faire, cependant personne ne sait ce qui se passe à l’intérieur de moi. Je réalise que toute ma vie est basée sur un mensonge étant donné que pendant ces dix ans passés je suis devenue quelqu’un d’autre, qui n’est pas moi, et le pire c’est que j’en ai conscience. A chaque fois que je pense avoir réussi, le doute s’installe ! Ai-je bien fait de le faire ? Pourquoi ne suis-je pas restée pour affronter mes peurs ? Et tout d’un coup la réponse me vient à l’esprit tel un choc électrique : la douleur que j’ai ressentie, cette même douleur, que m’a fait subir cet homme à qui je faisais pleinement confiance. Rien qu’au souvenir de cet effroyable moment, je me persuade que j’ai fait le bon choix. À cause de cet incident de malheur je ne fais plus confiance aux gens, aux hommes en particulier.

Je suis au travail et je marche dans ce couloir tous les jours laissant mes pensées déraper. Tous les jours c’est la même chose, ces hommes dont je me méfie, ils sont trop nombreux je sens une tension monter mais je prends sur moi. Parfois je me dis que j’ai tort de condamner tous les hommes de la terre juste parce qu’un seul homme a bousillé mon enfance et gâché ma vie par la même occasion. Mais je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi. Je croise leurs regards, ils me sourient je sens une colère bouillonnante grandir en moi j’ai envie de leur cogner dessus pour effacer ce sourire artificiel de leurs lèvres. Je leur rends quand même leurs sourires, du moins j’essaie. Ils veulent se faire passer pour des gentils mais au fond ce sont des gens cruels sans scrupule et ce sont des sadiques. Pourquoi faire semblant ? Je croise certains de mes collègues en train de discuter. Les filles gloussent à tout ce que Jones dit « le plus beau des collègues masculins » paraît-il. Je plains ces filles mais elles sont trop stupides. Elles sont collées à lui vingt quatre heures sur vingt quatre.

– Hey Tris, m’appelle une des filles, Dora. Viens.
Je fais non de la tête et dis :
– Non, j’ai une réunion.
Elle hausse les épaules puis retourne à ses occupations. Je dois dire que cette réunion me sauve. C’est d’ailleurs ma première réunion au sein de ce cabinet. Je pousse la porte où il y a écrit « salle de réunion ». En entrant je me pétrifie : il n’y a que des hommes assis autour de la table ! Où sont les filles ? Suis-je la seule fille dans cette salle ? Entourée d’hommes ? Mon pire cauchemar. Mon dieu j’ai le cœur qui bat. Trop. Trop d’hommes. Non. Non. Non. Que faire dans cette situation. Je vais sortir. Non je dois rester. Bon. OK. Je me calme.

– Tris, entrez s’il vous plaît on n’attendait que vous.
– Euh… oui, oui, répondis-je vaguement.
J’entre dans la salle et à chaque pas j’ai le tournis.
– Pouvez-vous vous asseoir, s’il vous plaît, juste à côté de notre cher nouveau venu ?
Nouveau !!??
Je pose mon regard à l’endroit que mon patron m’a indiqué. Mon cœur s’arrête de battre net. Oh mon dieu !! S’il vous plaît… Faites que ce soient mes yeux qui me jouent des tours. Je cligne des yeux. Une. Deux. Trois fois. Non rien ne change. Je vois toujours pareil.
– Alors vous attendez quoi pour vous asseoir ?
– Euh !! Oui oui…

J’ai peur, c’est vraiment lui. Toutes les images de cet horrible jour me reviennent… Que faire ?

– Bonjour mademoiselle.
Quoi comment ça mademoiselle ? Il ne me reconnaît pas ! C’est peut-être normal. En même temps je me demande comment il a pu faire pour demeurer aussi jeune, même à l’époque il avait des cheveux blancs. Ce n’est pas lui. C’est juste quelqu’un qui lui ressemble.

– Ehoo, il y a quelqu’un ?
Hein ? Quoi ? Il me parle ? Non non…. c’est la même voix. Non non. Comment ? Il se met à rigoler. Pourquoi il rigole ? Qu’est qu’il y a de drôle ?
– Être sur la lune n’est pas souvent une bonne chose. Car on pourrait y tomber et se casser la figure…

Oh, non… Cette expression… Les larmes me viennent… Cette expression, ma mère me la disait tout le temps quand je m’asseyais dans la cuisine. Je faisais mes devoirs en la regardant cuisiner. J’ai toujours adoré faire ça. Elle me racontait plein d’histoires passionnantes. Je pouvais rester des heures à l’écouter. Mais parfois elle ne disait rien et cuisinait tranquillement, je me mettais à réfléchir à tout ce qu’elle faisait pour moi. Et c’est là qu’elle me disait cette phrase. Ce souvenir me fait couler des larmes. Depuis cet accident et mon départ, je n’ai jamais appelé ma mère. Ni revue. La dernière fois que je l’ai vue, elle avait le visage rempli de larmes. Je n’osais même pas la regarder. Elle non plus ne me regardait plus, elle fouillait mon regard. Je suis partie sans pouvoir l’embrasser, ni lui dire au revoir. La réunion a commencé depuis longtemps. Je n’entends rien à ce qu’ils disent. Je ne vois rien non plus. J’ai les yeux brouillés à cause de mes larmes. Je n’arrive pas à me concentrer. L’air me manque. Il n’y en a pas assez ici. Il faut que je sorte.

– Que pensez-vous du projet… Euh vous êtes sûre que ça va?
– Euh, non excusez-moi je ne me sens pas bien.

Sans attendre une seconde de plus je sors dehors. J’ai besoin d’air. Mes larmes continuent toujours de couler. Je me mets à courir, je dois quitter cet endroit. Je dois partir d’ici. Aller très loin. Très très loin. Je continue de courir. Je ne sais pas où je vais aller. Il faut que je sois là où il n’y a personne. Je réfléchis. Non je n’y arrive pas. Mes idées sont trop embrouillées.
Je ne sais pas comment mais je me retrouve dans le parc. Ici il n’y a jamais personne. Il y a même une légende qui dit que tous ceux qui ont des problèmes quelconques peuvent les régler ici… c’est du n’importe quoi. Je n’y crois pas trop. Ce n’est qu’une légende. Je pleure de tout mon être. Tout ce que j’ai fait toutes ces années ne m’a servi à rien ? Toute cette année passée à oublier me retombe dessus. Je n’ai pas tout abandonné pour en revenir au tout début non ? Je n’en peux plus. Le visage de ma mère. Plein de larmes et ses yeux me reviennent en boucle dans ma tête. J’ai mal, très mal…
– Vous êtes très mal à ce que je peux voir.
J’essuie mes larmes rapidement. Qui c’est ? Je le cherche, je ne vois personne.
– Ici. Regardez en haut.
Je le vois c’est lui. Qu’est-ce qu’il fout là ? Il m’a suivie ?
– Vous m’avez suivie ?? Que faites-vous là ?
– Oh ! Mais je me rends compte que je ne vous ai pas dit mon nom ! Alors voilà je m’appelle Kevin.
Il me tend sa main, il croit vraiment que je vais lui serrer la main ? Je croise mes bras sur ma poitrine.
– Qu’est-ce que vous faites là ??
Il sourit. Il a un très beau sourire d’ailleurs. Il descend de là où il était.
– Et bien ! Tris c’est ça ?… Je voulais m’assurer que vous alliez bien ! Et je ne voulais pas que vous soyez seule dans cet état. Mais à ce que je vois vous n’êtes pas du tout seule.
Il donna une tape à l’endroit où il était perché. Et c’est là que je me rendis compte que je m’étais assise sur une statue. Une très belle statue qui représentait une femme en pleurs. Elle me rappelle moi il y a à peine quelques secondes. Je me ressaisis et lui répondis avec un air de défi :
– Et vous vous inquiéteriez pour moi ? On ne se connaît même pas que je sache.
– Je n’ai pas besoin de vous connaître pour m’inquiéter. Vous êtes un être humain tout comme moi.
– Et alors ? lançai-je.
– Et alors je voudrais vous aider, comme ça, mieux vous vous porterez, mieux on peut avancer sur le projet qu’on doit faire ensemble. Vous ne croyez pas Tris ? demanda-t-il calmement.
– Quoi ? Quel projet ?
– Le cabinet nous a confié une affaire sur une petite fille qui a été violée, dit-il le regard vide.
Tout d’un coup mon cœur se serre, une douleur m’écrase la poitrine. Je n’arrive plus à respirer.
– Ça va ? me demanda-t-il.
– Euh… oui oui c’est juste que je m’étonne qu’autant de violence puisse se produire encore dans ce monde, dis-je en ordonnant à ma voix de trembler le moins possible.
– Vous savez de nos jours il y a des gens qui ne se soucient pas de la vie des gens et du mal qu’ils font aux autres, dit-il calmement. Des gens qui n’ont pas de respect pour les autres êtres humains, continua-t-il.
– Oui, répondis-je, il y a des gens qui gâchent des vies sans se soucier de ce qu’ils détruisent, parfois ils arrivent même à faire en sorte que tu regrettes ta vie, que tu veuilles oublier des moments de ta vie, renchéris-je avec rage.
– C’est étrange, à vous entendre on dirait que c’est ce qui vous est arrivé, c’est ça ? dit-il dans un murmure.
– Non mais vous vous entendez ? Bien sûr que non je suis juste compréhensive c’est tout. Alors on commence quand à travailler sur… le projet ? dis-je en changeant complètement de sujet.
– D’accord, je pense qu’on pourrait commencer demain, ça vous va ?
– Oui maintenant pouvez-vous me laisser seule à présent s’il vous plaît ?
– Comme vous voulez, répondit-il en s’en allant.

Pourquoi le passé me poursuit-il ? Pourquoi à chaque coin de rue je rencontre mon passé ? C’est étrange on dirait que quelqu’un met tout en œuvre pour que je me souvienne de ce que je veux oublier. Je ne me sens plus à l’aise nulle part c’est comme si je n’avais plus ma place dans le monde, je me sens aliénée. Ce garçon lui ressemble tellement et il se montre gentil avec moi, exactement comme avec le type qui m’a mis dans cette situation. Kevin me perturbe. Pourquoi cette ressemblance ? Je n’arrive pas à réfléchir. Des larmes coulent en silence sur mes joues. C’est comme si quelqu’un voulait me donner une leçon. Je n’aurai peut-être pas dû fuir mon pays, ma famille pour en fin de compte souffrir ainsi. Je n’ai pas fait le bon choix, il me semble, car j’ai voulu fuir quelque chose qui finalement me poursuis où que j’aille. Maintenant je ne sais plus rien à présent. Comment une personne peut-elle souffrir autant dans sa vie ? Ma vie a été un échec. J’en ai marre de pleurer tout le temps.

Je me lève et j’essuie mes larmes. A partir de maintenant je ne vais plus pleurer. J’ai épuisé toutes les larmes de mon corps à force de pleurer. Il faut que je prenne mon courage à deux mains. Je n’ai plus envie de pleurer c’est fini, cette vie est derrière moi. Si ça se trouve la ressemblance ne veut absolument rien dire, OK je dois absolument me ressaisir : ce n’est pas parce que quelqu’un ressemble à l’homme qui hante mes cauchemars qu’il doit forcément avoir un lien avec cet ignoble type.

Je prends le chemin qui mène chez moi, je suis fatiguée et j’ai besoin de dormir pour oublier cette mauvaise journée. Je n’y crois toujours pas : une seule chose a pu gâcher dix ans d’entraînement pour pouvoir oublier qui je suis et en seulement quelque heures tout s’est écroulé, dix ans d’efforts réduits à néant ! J’arrive chez moi, je rentre dans l’appartement puis je m’effondre sur mon canapé, j’ai juste besoin de dormir mais l’envie n’y est pas, je n’ai pas sommeil. D’ailleurs qui pourrait avoir sommeil avec autant de problèmes à gérer ? Je me rends compte que peut-être l’enfance est importante pour se forger une personnalité ou un avenir. Peut-être qu’en fait l’enfance c’est la base de toute une vie. Mais ce ne sont que des suppositions, on peut très bien se faire une vie sans les souvenirs de l’enfance, n’est-ce pas ? Mais qui pourrait me rassurer ? Je suis toute seule.

Personne pour m’aider, personne à qui je peux parler de mes problèmes, à qui me confier, la seule amie que j’ai, la seule personne en qui je peux me confier n’est pas là, ma Véronica est en voyage depuis une semaine. Définitivement, elle me manque et elle me manquera. C’est difficile de vivre sans une personne qu’on aime et qu’on aimera toujours car j’ai déjà fait l’erreur de laisser, oublier, cesser d’aimer des personnes, en me rendant compte que c’étaient des personnes avec lesquelles j’aurai pu construire une belle amitié, peut-être y trouver l’amour aussi, oui j’ai fait cette erreur regrettable, en laissant les personnes de mon pays la France, de ma ville Marseille pour venir vivre ici, en Espagne, et pour au final ne recevoir que cela ?
Mes paupières deviennent lourdes. Elles se ferment toutes seules. Cela est peut-être une bonne chose, le sommeil pourrait tout me faire oublier. Oui, tout oublier c’est tout ce que je souhaite, oublier. Puis je m’endors.

Je me lève en sursaut. M’endormir en paix comme je le voulais, ce n’est pas ce qui s’est passé. Au lieu de ça, j’ai dû revivre un cauchemar. C’était le plus horrible des cauchemars. J’accours dans la salle de bain. Je me nettoie le visage avec l’eau tiède. Je croise mon reflet dans le miroir. Je ne me reconnais plus. Mon visage est tout abîmé par les larmes que j’ai fait couler par la fatigue. J’ai appelé au bureau pour prévenir que je ne me sentais pas bien et leur ai dit que je serai là-bas demain. Je prends une bonne douche froide. Je dois me débarrasser de tout cela. Je dois me ressaisir. Je sors de ma douche avec ma serviette. On frappe à la porte. Qui pourrait bien venir ici de bon matin ?
– J’arrive ! dis-je, alors qu’on continuait toujours à frapper à la porte. J’ai dit que j’arrive ! répétais-je. J’ouvre la porte. Qu’y a-t-il ?
– Coucou !!
– Oh non ! Que faites-vous ici ?

C’était Kevin, devant ma porte avec un sachet de chez le boulanger d’en face avec un café sorti de je ne sais où.
– On avait un rendez-vous aujourd’hui si je ne m’abuse, dit-il calmement.
– Mais on devait se retrouver au cabinet non ? ripostai-je.
– Oui mais vous n’y étiez pas. J’ai même entendu dire que vous n’y seriez pas toute la journée. Vous alliez me poser un lapin. Alors je me suis dit pourquoi ne pas venir à vous quand vous ne pouvez pas venir à moi ?

Le temps de me dire tout cela, il s’était déjà introduit dans mon appartement sans autorisation, bien entendu. Je trouve ça malpoli !
– Vous vous ne gênez pas dites donc, je ne vous ai même pas invité, lui criai-je alors qu’il entrait dans la cuisine.
– On va faire comme si d’accord ? C’est bien, je peux me faire un thé je n’aime pas leur café, ça n’a pas de goût, dit-il avec désinvolture.
Non mais qu’est-ce qu’il me raconte celui-là ?
– Quoi qu’il en soit on ne peut pas travailler aujourd’hui, je suis trop malade pour ça, dis-je en feignant de tousser.
– C’est pas une toux qui va nous stopper quand même, vous pouvez tousser en travaillant non ? Ce ne sera pas trop dur pour vous, je suppose.
– Mais vous ne comprenez pas… j’ai la grippe et je suis très contagieuse, je n’ai aucune envie de vous refiler ma maladie, ce serait égoïste de ma part, répondis-je en essayant d’être plausible.
– Oh ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai tous mes vaccins ; en outre j’ai une santé de fer, répondit-il en souriant.

Il ne comprend pas que je veux me débarrasser de lui, je baisse la tête pour trouver une autre solution pour qu’il me laisse en paix et là je me rends compte que je suis en serviette.

Je vais directement dans ma chambre pour me changer.
– Mais où allez-vous ? me demande-t-il.
– Me changer, répondis-je un peu trop sur la défensive, vous ne voyez pas que je ne suis pas habillée ? J’ai juste une serviette sur le dos.
– Je n’avais pas remarqué, dit-il. Dépêchez-vous, on a du pain sur la planche.
J’entre dans ma chambre et je m’habille aussi vite que possible. Il faut absolument que je me dépêche, je ne dois surtout pas faire attendre monsieur !!! Après avoir fini, je sors de la chambre et je trouve Kevin assis dans le canapé avec plein de dossiers sur ses genoux. Je vais m’asseoir en face de lui et il me dit :
– Alors il s’agit d’une enfant qui s’est faite violée par leur voisin qui d’ailleurs nie tout, donc on doit prouver que ce type est coupable et pour cela on doit…
– Attendez de quoi vous parlez là ? dis-je.
– De l’affaire qu’on doit résoudre ensemble, vous n’avez pas lu le dossier que je vous ai donné l’autre jour ? Vous n’êtes pas très professionnelle dites donc !
– Moi pas professionnelle ? C’est l’hôpital qui se moque de la charité j’ai envie de dire vous ne m’avez donné aucun dossier !! dis-je indignée.
– Je ne vous ai pas donné le dossier ? Oh alors désolé je me suis trompé, bon maintenant vous êtes au courant. Donc pour pouvoir prouver que cet homme est coupable on doit faire parler la petite fille. Problème : elle est trop traumatisée pour en parler, elle est dans un état très critique.
– Donc si je comprends bien il s’agit d’une petite qui s’est fait… que leur voisin lui a fait du mal et ce dernier nie les faits. Mais comment savez-vous que c’est le voisin qui est à l’origine de cet acte effroyable ?
– On a plusieurs preuves, toutes irréfutables. Déjà le voisin se nomme Marc Zwin Zwin – un nom auquel on ne peut pas vraiment se fier, n’est-ce pas ? – et la petite fille était allée chez lui comme d’habitude puisque c’est un ami de leur famille. À ce qu’il paraît la petite ne s’est pas méfiée et c’est alors que l’incident s’est produit : on a trouvé un vêtement que les parents ont identifié comme appartenant à leur fille, on en a déduit que c’est lui, dit-il tout simplement.
– Qu’est-ce qui vous fait dire que c’est lui ? Ça pourrait être quelqu’un d’autre vous ne croyez pas ? Et vous le jugez à partir de… son nom ? rétorquai-je.
– Bien sûr que non, c’est juste que Zwin Zwin c’est pas un nom commun il était seul avec la petite fille et vous savez quel est son alibi ? Il dit qu’il était aux toilettes au moment où ça s’est produit. La petite a sûrement dû crier, c’est évident et il insinue n’avoir rien entendu ce qui est totalement impossible. Vous êtes d’accord avec moi j’imagine ? Et le vêtement vous l’oubliez ?

Il se lève alors et arpente la pièce.
– En conclusion reprend-il, il ment.
– Ça se tient, dis-je, mais s’il nie les faits et que la fille ne veut pas témoigner on n’a aucun moyen de prouver que c’est lui, on est dans la galère. En plus le vêtement ne signifie rien puisque vous l’avez dit vous-même la petite allait souvent chez lui, donc on est dans la galère.
– Réfléchissez, on peut toujours convaincre la petite de témoigner mais ça va prendre un bout de temps, dit-il en soupirant.
– Un bout de temps ??? On doit absolument prouver que c’est lui le coupable, je n’ai vraiment pas envie de travailler plus longtemps avec vous, déjà que je vous tolère !!
– Dis juste que tu m’adores qu’on en finisse, me dit-il avec un sourire aux lèvres.
– D’où vous me tutoyez on n’est pas potes que je sache, lui lancai-je sèchement et sans retenue.
– On a passé notre matinée ensemble je me suis dit que…
– Vous ne vous êtes rien dit du tout, le coupai-je, bon prenez votre manteau, vos documents, vos… enfin toutes vos affaires. On sort.
– Quoi ? Pourquoi ? On va où ? demanda-t-il.
– On va aller faire une enquête, répondis-je en prenant aussi mes affaires.

Il avait l’air de ne pas du tout comprendre. Je soupire, lui prend la main pour le guider vers la sortie. Je dois avouer que je ne me serais pas du tout crue capable de toucher la main d’un homme un jour. Pas après cet incident.

Nous sommes sortis dehors et nous marchions pendant à peu près dix minutes sans parler, enfin je devrais dire sans que je m’intéresse à ce qu’il racontait. Puis d’un coup je ne l’entends plus parler, je me retourne puis je le vois courir vers un camion à glace.
– Hé mais qu’est-ce que vous fabriquez ? lui hurlai-je dessus.
– Bah quoi ce sont des glaces et j’en veux une. Vous en voulez une ? Je secoue la tête en signe de désapprobation. Il revient avec deux glaces à la main. Je ne comprenais pas. Il me la tendit.
– Je vous ai dit que je n’en voulais pas non ?
– Non, tu n’a rien dit du tout, dit-il en souriant.

J’allais riposter, lancer une pique quand je me suis rendue compte qu’il avait raison, alors je me tus. Il continuait toujours à me tendre la glace avec ce sourire scotché sur la figure. Ce qui me fit sourire par la même occasion. Je pris la glace qu’il me tendait. Je dois avouer que je n’aurais jamais cru un jour me sentir à l’aise avec un homme mais chez lui il y a quelque chose qui… qui… dépasse mes préjugés, je ne vois pas comment l’expliquer.
– Il ne faut quand même pas oublier le merci ! me rappela-t-il.
– Ah oui merci de m’avoir donné quelque chose que je ne voulais pas.

J’ai ramené la glace à ma bouche. C’était une glace goût vanille, ma préférée.
– Même si on sait tous les deux que tu en avais envie, dit-il puis il se met à rire. Bon alors tu vas te décider à me dire ce qu’on va faire.
– J’ai appelé Dora et je lui ai demandé de nous obtenir un mandat de perquisition, dis-je.
Cette glace est délicieuse, pensai-je.
– Quoi ? Mais ces choses-là c’est pour les policiers, s’exclama-t-il, les détectives, mais pas pour nous, les avocats.
– Ah ça. Je ne peux pas te l’expliquer. Comme le fait que je suis à côté de toi sans rien ressentir de flippant, pensai-je en mon for intérieur.

Nous arrivons devant la maison, Dora nous y attendait. Elle était très habillée. Ce qui ne devrait pas trop m’étonner puisque quand je l’ai appelé, elle m’a d’abord demandé si Kevin était là.
– Salut ! Alors ?… m’empressai-je de demander.
– Waouh, même pas de « ça va » ! Bon pas grave. Ça va Kevin ?
– Oui, oui. Je suppose que c’est toi Dora, ravi de faire ta connaissance, dit ce dernier.
Puis ils se font la bise.
– Bon tu l’as eu ou pas ? demandais-je avec impatience.
– Oui je l’ai eu c’est bon calme-toi, répondit-elle avec un ton qui m’a fort déplu. Puis elle m’a passé un document.
– Je resterais bien plus longtemps mais j’ai un rendez-vous, alors tchao !

Elle partit, nous laissant Kevin et moi. Ah je comprends mieux sa belle tenue. Avec les clés que m’a passées Dora j’ouvris la porte de la maison de Zwin Zwin. À l’intérieur, ce n’était pas si grand que je l’imaginais mais pas petit non plus. C’était une maison normale sauf que ça dégageait des ondes négatives qui ne me disaient rien qui vaille. On était directement entré dans le salon, qui était trop chargé à mon goût, la décoration n’était pas très commune non plus. C’était une décoration originale mais quelque peu effrayante, en tout cas moi ça me donnait la chair de poule. La maison ressemblait typiquement à la maison du type qui ne se comporte pas bien ou alors, c’était seulement une impression.

– Bon voilà ce qu’on va faire, dis-je finalement.
– Ah il était temps, me répondit Kevin.
– Vous pouvez aller aux toilettes s’il vous plaît ? lui demandais-je.
– Non ! Je n’ai pas d’envie qui me mènerait aux toilettes, gémit-il.
– Ce n’était pas une question, répliquai-je.
– Bon tu vas m’expliquer ?
– Vous m’avez dit ce matin que Zwin Zwin a témoigné qu’il était aux toilettes quand cela s’est produit. Alors nous allons vérifier si quand l’on est aux toilettes on n’entend vraiment rien expliquai-je.
– Ah je comprends mieux. D’accord j’y vais.
Il se rendit aux toilettes, ferma la porte. J’ai commencé à parler assez fort si bien que l’on pouvait croire que je hurlais. Mais ce traître ne me répondait pas. Comme s’il ne m’entendait pas. Je commençais à me demander si Zwin Zwin ne disait pas la vérité. Après que j’eus appelé Kevin trois fois sans réponse, je me précipitai vers les toilettes. J’ouvris la porte et il se cogna dessus. Je crois que lui aussi ouvrait de son côté.
– Aïe. Mais fais attention quand même ! se plaignit-il.
– Désolée. Ça va? Il secoua vigoureusement la tête pour me signifier que oui. Je peux savoir pourquoi vous ne me répondiez pas. Ne me dîtes surtout pas que vous ne m’avez pas entendue, repris-je.
– Mais si je t’ai entendu. C’est toi qui ne me réponds pas.
– N’importe quoi ! Vous ne m’avez pas du tout répondu.
– Si ! insista-t-il.
– Attendez ça veut dire que quand on est aux toilettes, on entend tout de ce qui se passe à l’extérieur, mais que les bruits à l’intérieur ne peuvent pas s’entendre de l’extérieur.
– Peut-être bien, concéda-t-il.
– Bon d’accord. Sortez dehors, je voudrais vérifier quelque chose dis-je au bout d’un moment.
– Oui chef.

Il sortit et ferma la porte derrière lui. J’avais marché sur quelque chose : je regardais ce que c’était. Un porte-feuille. Il était ouvert par terre. Et il y avait une photo qui était sortie alors je la ramassais. Et… et dessus… il y avait la photo de… de… ma tête se mit à tourner. J’ai l’impression de tomber de haut. Non ce n’est pas une impression je tombe vraiment de haut, ma vie entière est en train de basculer. Qu’est-ce que cela signifie ? Que fait cette photo ici, dans le portefeuille de Kevin ? Je ne sais pas pourquoi mais je sentis une rage énorme monter en moi. Je sortis de la pièce d’un coup sec et me postai devant Kevin et me forçai à articuler le plus possible :
– C’est… c’est qui ? Vous le connaissez ? dis-je d’une voix rageuse.
– Oui, c’est mon père pourquoi ? Qu’est-ce qui t’arrive? Tu es livide.
– Je… je ne sais pas quoi dire. Je me sens faible.

Une énorme boule s’est installée sur ma poitrine, le monde me tombe dessus et je tombe par terre sur les genoux, cette photo a réveillé beaucoup de souvenirs douloureux que je n’avais plus ressentis depuis deux jours. C’est son père. Ce qui voudrait dire qu’il a le même sang que ce type répugnant. Comment ça se peut, ils sont trop différents l’un de l’autre. En étais-je vraiment si sûre ? Je ne connais Kevin que depuis deux jours. Mais ils ont l’air trop différents. Des larmes coulent sur mes joues, je n’arrive pas à les arrêter ou je ne veux pas les arrêter, je crois que ça me soulageait de pleurer. Maintenant je pleure à chaudes larmes en émettant des sanglots bruyants. Ma vue se brouille et par-dessus les larmes je vois Kevin s’accroupir devant moi.
– Qu’est-ce qui se passe ? dit-il en me secouant. Qu’est-ce qui se passe ? répéta-t-il presque en hurlant.
Je… je ne suis pas sûre que je puisse lui faire confiance mais je me sens vraiment trop mal il faut absolument que je sorte ce poids énorme de mon cœur, j’en ai marre de garder tout cela, je sens que j’explose avec tout cela.
– Je… (je reprends mon souffle et me force à poursuivre) votre père je le connais.
Il fait mine de vouloir parler mais je l’interromps en levant la main.
– Quand j’étais petite… c’était un ami de ma famille et… et je lui faisais confiance puis un jour en France, il m’avait proposé de sortir pour aller au musée je ne m’étais pas méfiée parce que je pensais vraiment que je pouvais me fier à lui… » (je fis une pause pour me calmer et pour obliger ma voix à ne pas trembler)… mais c’était une grave erreur au lieu de me conduire au musée comme prévu il m’a emmenée dans un endroit dont je… ne connaissais pas l’existence et il… il m’a…. je n’arrive même pas à prononcer le mot…
– Il t’a violée c’est ça? me demanda-t-il.
J’ai acquiescé avec difficulté. J’ai vu dans ses yeux qu’il était furieux et blessé.
– Mon père a toujours été comme ça, reprend-il, c’est pour ça que ma mère s’est enfuie avec moi, il a toujours été comme ça, avec ma mère et moi, il était violent.
– Après cet… accident, continuai-je, j’ai voulu oublier mon enfance, tout ce qui me rappelait cet homme, c’est pour ça que j’ai si peur des hommes en général, dis-je en baissant la voix.
– Je te comprends tout à fait sauf que je pense que tu as fait une terrible erreur en voulant oublier ton enfance parce que l’enfance c’est ce qui nous façonne, qui détermine notre personnalité, ce que nous sommes. Les choix que tu as fait t’ont conduite à un tel point que tu ne te reconnais pas, tu as peur de l’inconnu, tu es tout le temps effrayée mais si tu affrontais ce qui t’a fait tant de mal tu irais de l’avant : ce sont nos choix qui font de nous ce que nous sommes.

Ces paroles vibrent en moi comme de l’écho. Serait-ce moi qui ai gâché ma vie en voulant à tout prix fuir la souffrance que j’éprouvais ? À présent je n’ai plus envie de faire des allers-retours entre le passé et le présent. À quoi sert de ressasser le passé si ensuite je suis déçue par moi-même… Je suis arrivée à un stade où ma propre vie, mes propres choix me font peur, des choix que je regrette et une vie où j’ai l’impression de ne pas être à ma place. J’ai aimé sans être aimée en retour. En dépit de la souffrance que j’ai éprouvée, je n’oublierai pas les personnes qui me sont chères «mes amis, ma famille, les potes avec lesquels je traînais sans que je sache pourquoi mais c’était tout de même mes potes». Peut-être que je sais qui je suis ou peut-être pas, je suis perdue mais au moins je sais une chose, je ne peux pas oublier les erreurs du passé elles m’ont permis de ne pas refaire les mêmes erreurs. J’ai cru que je pouvais tout oublier en partant mais non le passé ne fait que me poursuivre. Aujourd’hui, le plus important pour moi ce sont mes origines, mon enfance et mon pays je comprends que… On est de son enfance comme on est de son pays.

 

Vainqueur nouvelle individuelle, collège.
«Kamardine et l’eau sacrée»,
par Youmna Bouyahiaoui, Collège K2, 5e1, Madame Bourhane.

Des enfants sortaient de la brousse, entraient dans les villes, allaient le long des routes et des chemins… Dans un village au fin fond de la brousse, en Afrique, l’eau manquait et les morts s’enchaînaient, voyant cela, les enfants se réunirent sous un baobab et décidèrent de partir à la recherche de l’eau. Le lendemain matin, ils se mirent en route à la conquête de cet élément précieux. Ces derniers devaient marcher plusieurs jours sans eau ni nourriture, sous un soleil de plomb.

Après plusieurs jours de marche, les enfants arrivèrent enfin devant un village et là, à la surprise générale un vieil homme se tenait assis sous un manguier. Il était très vieux, et il avait une case minuscule, les enfants avaient l’impression qu’il était le seul habitant du village. Ils dirent alors :
– Bonjour Monsieur.
– Bonjour mes enfants, installez-vous, faites comme chez vous.
– Merci pour votre amabilité, dirent les enfants les plus courageux.
Et voilà comment ceux-ci se retrouvèrent chez le vieux sage. Ce dernier les accueillit avec gentillesse et bonté. Au bout d’une journée passée avec le vieil homme, les enfants savaient où ils devaient se rendre pour trouver la clé de leur problème.
Après avoir fait leurs adieux au sage, les enfants prirent congé et partirent vers le point d’eau indiqué par le vieil homme. En route, les enfants sentirent qu’ils étaient observés mais à leur grande surprise chaque fois qu’ils se retournaient, il n’y avait personne.

Un matin alors que tous les enfants dormaient, la « personne » qui les espionnait les réveilla. Ils se retrouvèrent face à « l’espion » qui n’était en réalité qu’un garçon d’une douzaine d’années. Il se présenta :
– Bonjour, je m’appelle Aboudou et j’ai douze ans et demi, je suis le petit-fils de Kamardine le vieux sage du village M’kimoulaléti.
– D’accord, et pourquoi nous espionnes-tu ? dit Daoudi le plus courageux des enfants.
– Car mon grand-père me l’a ordonné. Il a bien peur que vous ne vous perdiez au fin fond de la savane, là où les animaux sauvages sont omniprésents.
– Tu insinues que nous sommes idiots et sans sagesse ?!
– Non, ce n’est pas ça mais vous n’êtes pas à la hauteur de cette quête…
– PARDON ?! Tu es en train de dire que nous ne sommes que des bons à rien !!, hurla Daoudi.
– Oui tout à fait, dit Aboudou qui restait toujours impassible.

Les enfants indignés ne lui adressèrent pas la parole pendant quelques heures. Mais après cela, ils marchaient en discutant de tout et de rien, et ils s’étaient réconciliés avec Aboudou sauf Daoudi qui était très rancunier, ce dernier ne parlait à personne.
Après un temps de réflexion, Aboudou qui regrettait ses paroles prit Daoudi à part et lui présenta ses excuses :
– Excuse-moi, je n’aurais pas dû te dire ça mais je n’ai pas aimé ton air… comment dire… hautain.
– Oui c’est vrai, je m’excuse, mais il faut que toi aussi tu fasses un effort car tout à l’heure tu te vantais d’être le fils de Kamardine, et je n’aime pas les personnes qui se comportent comme cela.
– Je reconnais que je n’ai pas été aimable, donc à partir de maintenant nous nous comporterons comme deux personnes sensées, car en ce moment nous sommes les responsables de cette quête étant les plus âgés.
– Tu as raison, maintenant il faudrait songer à retrouver l’eau car bientôt nous mourrons de faim et de soif.

Les enfants en voyant que leurs aînés étaient revenus après leur discussion, criaient, hurlaient ayant aperçu deux lions qui s’avançaient lentement vers eux, ces derniers n’étaient qu’à un kilomètre et les enfants étaient épouvantés.
Daoudi hurla :
– Calmez-vous, mettez-vous en rang, et suivez Aboudou !!!
Malgré les cris Daoudi réussit à réunir les enfants, il se mit derrière, prit les plus petits dans ses bras avec l’aide d’Aboudou, et ils sprintèrent. Au bout d’une dizaine de minutes, les enfants étaient essoufflés, et les lions étaient toujours derrière eux…
Alors Daoudi hurla :
– Cachez-vous dans les herbes hautes, et dans les broussailles, dépêchez-vous !!!

Les enfants se jetèrent dans les bras des plus grands qui couvrirent les plus petits et les cachèrent de leur mieux. Après être restés environ trois quarts d’heures dans les broussailles, les enfants sortirent, et marchèrent sans un bruit. Au bout de plusieurs heures de marche, la fatigue se fit ressentir chez les plus jeunes, mais on les obligeait à avancer plus vite et plus loin, au milieu de la nuit, ils aperçurent enfin leur but.
Il y avait une grande chute d’eau et avant même de se réjouir les enfants se déshabillèrent et sautèrent dans l’eau, ils pouvaient enfin boire à leur soif, et miracle, plusieurs arbres fruitiers poussaient, il y en avait à profusion, ainsi ils pouvaient manger à leur faim.

Les enfants ne pouvaient pas rapporter l’eau à leur village, alors ils restaient là à se lamenter sur leur sort. Quand soudain, il y eut un éclair aveuglant, et à la surprise générale le vieux sage se tenait assis, près de l’arbre fruitier, il déclara :
– Je vois que vous avez réussi votre quête… Alors je vais vous faire cadeau d’un talisman que mon arrière-grand-père m’avait confié, il contient toute la sagesse du monde.
Les enfants le regardèrent avec de gros yeux, comme si c’était un animal de cirque. Mais au fond d’eux ils ressentaient une joie intense, une joie qu’ils n’avaient pas ressentie depuis bien des semaines.
Après cela ils dirent :
– Monsieur Kamardine, on vous doit quelque chose car vous nous avez fait retrouver l’eau, l’eau qui nous manquait depuis bien longtemps, et sans laquelle aucun être humain ne peut survivre.
– Je vous en prie, vous ne me devez rien du tout car c’était ma volonté de vous aider. Mais si vous insistez… Moi et mon petit-fils nous voudrions que vous et vos familles vous installiez avec nous, ici sur ce lieu symbolique.
– Mais bien sûr, nous avons beaucoup de chance, dirent les enfants en cœur.
– Merci, merci beaucoup.

Après ces remerciements, les enfants, le sage et Aboudou reprirent le long chemin du retour. A leur arrivée, les parents, les proches et les amis criaient de joie, car on leur avait annoncé la grande nouvelle : non seulement les enfants avaient retrouvé de l’eau mais également des arbres fruitiers.

Par la suite tous les adultes se réunirent près de la chute d’eau et aménagèrent un nouveau village sur ce site providentiel. Ils commencèrent à offrir des cadeaux à Kamardine, à Aboudou et à Daoudi. Ils élirent Kamardine comme chef et sage du village. Ce dernier était ému par la bonté et la gratitude des habitants du village.

Voilà comment ce village fut enfin alimenté par l’eau et ce, grâce à un groupe d’enfants, vaillants et courageux, qui sortaient de la brousse allaient dans les villages allaient le long des villes et des chemins.

Que serait la vie sur Terre sans eau ?

L’eau est un bien précieux, elle est source de vie, et c’est un crime de la gaspiller. Des milliers de personnes dans le monde n’ont pas la chance de l’avoir, juste en ouvrant un robinet, ils doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied. Un jour, elle vaudra dix fois plus cher qu’un diamant, alors économisons-la et ne la gaspillons pas inutilement, car c’est notre vie que nous mettons en danger…

 

Vainqueur nouvelle individuelle, lycée.
«La Cabane»,
par Emma Gressier,
Lycée Younoussa Bamana, 2e8, encadrée par Monsieur Loillier.

Nous sommes tous sortis un jour d’une forêt, d’une île, d’un jardin, d’un quartier oublié d’une ville. Et pourtant, nous n’en parlons pas. Depuis notre transfert à la Cabane, c’est comme si rien n’avait jamais existé avant. Les regards ne mentent pas, nous savons tous au fond que nous ne voulons pas perdre ces souvenirs. Moi le premier.

Je suis arrivé à la Cabane il y a douze ans. J’ai été dans les premiers à être transféré, peu après les Événements. Plus rien n’a fonctionné correctement, la nature ne nous répondait plus. Lorsque certains ont suggéré l’idée d’enfermer les populations dans des blocs de béton placés en lieu sûr, tout le monde a applaudi ; je crois qu’on était tous un peu paniqués. J’habitais près d’une forêt, ils m’ont donc tout naturellement envoyé à la Cabane : ce bloc-ci reproduit en son intérieur les atouts d’une forêt, tu le sais sans doute aussi bien que moi. Pourtant je t’assure que ma forêt n’était pas comme ça. Lorsque l’on marchait, on pouvait à tout moment marcher dans des toiles d’araignées, croiser un moustique ou un serpent sur une branche d’arbre. L’air n’était pas fabriqué et, crois-le ou non, le sol était généralement un amas de terre et de feuilles mortes. Rien d’autre.

J’étais heureux, au début. Bon, pour dire vrai, cette fausse forêt dans ce bloc de béton, ça n’a rien à voir avec celle dans laquelle j’ai grandi. Pourtant, ici j’étais à l’abri des caprices de la météo ; plus de météorites, plus de tornades, plus de tsunamis. Ils l’ont promis. Cette forêt était aseptisée et rassurante. Loin des dangers, je me suis senti revivre.

Ce n’est que la deuxième année que j’ai commencé à en ressentir le manque : n’avaient-ils toujours pas régulé la situation ? J’ai été aux bureaux du Contrôle de la Cabane, j’ai demandé quand on sortirait. Ils m’ont assuré que le gouvernement faisait son possible, que la situation n’était pas stabilisée mais que si je voulais je pouvais sortir. Ils ont ricané – bien sûr, toute personne qui sort ne peut pas revenir, au cas où elle attraperait dehors de mauvais microbes qui puissent mettre en péril la sécurité des habitants de la Cabane. C’est logique ; alors je suis resté.

Certains de mes voisins ou amis avaient choisi de rester dans ma forêt. Au début je les disais fous, maintenant je crois que je les envie. La sécurité ne divertit pas et ici, ma vie manque de palpitations. Plus rien ne me fait vibrer, je me sens mort avant l’heure.

Lors de la cinquième année, ils nous ont annoncé que l’on ne pouvait plus sortir : le monde était trop instable et il était probable que l’on passe notre vie ici. Par ailleurs, ceux qui n’avaient toujours rejoint aucun bloc étaient morts. Tout du moins l’ont-ils dit. Le moral de la Cabane en a pris un coup : sans promesse de libération, cette sécurité perdait de son attrait. C’est à ce moment-là que notre silence indigné s’est installé : nous ne communiquions avec d’autres personnes que dans un but purement pratique ; nous ne parlions pas de nous, de nos ressentis, de nos émotions. Chacun s’est muré dans un silence pesant, chacun s’est mis à porter sur ses épaules le poids du deuil : le deuil de nos libertés.

La huitième année, le premier suicide a eu lieu. Une fille – il me semble que son étiquette indiquait Laure – s’est étranglée avec les manches de son pull. L’agitation qui a suivi, je ne l’oublierai jamais : le bloc ne nous garantissait donc pas une sécurité à toute épreuve alors, à quoi bon rester ici ? Ils ont donc installé des vigiles armés, maintenant que certains se mettaient à penser que sortir était vraiment la meilleure solution. Nous étions coincés et les quelques tentatives d’évasion se sont toutes soldées par un échec meurtrier.

Au bout de la dixième année, cela faisait donc cinq ans que plus personne ne parlait. Nous passions nos journées à regretter amèrement notre forêt et ses quelques dangers plutôt que ce bloc à l’air modifié…

Voilà, aujourd’hui je fête ma douzième année à la Cabane. Je repense aux récits de mon grand-père syrien et de sa difficulté à vivre après son arrivée en Europe. Je me dis qu’au final il a fait comme moi : il a quitté le danger en espérant se mettre en sécurité, et s’est retrouvé dans une condition qui n’a rien d’enviable. Il a quitté son pays et j’ai quitté mon monde : nous n’étions que des hommes en quête d’une vie meilleure.

Aujourd’hui j’écris ces lignes car je vais tenter de partir. Je laisse cette lettre que quelqu’un trouvera peut-être, dans l’espoir de n’être pas totalement effacé de la surface de la Terre. Parce que oui, je m’attends à mourir : sous les balles des soldats ou sous une météorite. Après tout, qu’est-ce que ça change ? Aujourd’hui je refuse de continuer à vivre dans cette fausse forêt.

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