Y. Omarjee sur le Brexit: «L’Europe est en danger mortel, elle a un défi à relever»

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Younous Omarjee lors de sa dernière visite à Mayotte
Younous Omarjee: « Une fracture entre les aspirations populaires et les élites européennes. »

Les électeurs britanniques ont envoyé un électrochoc à L’Europe. Une entité pensée initialement comme protectrice, privilégiant la solidarité entre Etat contre les conflits, sans porter atteinte à leurs souverainetés.

Younous Omarjee, eurodéputé du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, classé très à gauche, représente la circonscription outre-mer, et il est surtout membre de la Commission du budget du Parlement européen. Il revient pour le JDM sur le vote à 51,9% des britanniques en faveur de la sortie de l’Union européenne.

Il analyse la sortie de la Grande-Bretagne sous deux angles : « Ce vote est la traduction d’une fracture entre les aspirations populaires et les élites européennes, on le voit dans les villes qui ont plutôt été favorable au maintien, alors que les zones rurales ont voté en faveur de la sortie. Et ensuite, c’est la conséquence d’un repli identitaire face aux phénomènes migratoires que nous avons connus ces derniers mois. »

Déjà Thatcher…

Le Parlement européen
Le Parlement européen

Une sortie qui peut d’ailleurs donner des idées à d’autres pays, ou d’autres régions. « Certains, comme le Danemark, ont déjà annoncé leur intention de lancer une consultations. Quand on observe que sur l’ensemble des referendums proposés sur les thèmes européen au sein de l’Union, aucun n’a été favorable à l’Europe, je le dis, l’Europe est en danger mortel. Elle a un défi à relever. C’est l’avenir de l’Union européenne qui se joue », alerte-t-il.

On peut évidemment se demander quel impact peut avoir l’ « exit britannique » sur le budget européen et donc sur la contribution des Etats. « Peu de conséquences en vérité sont attendues. Tout simplement parce que si la Grande-Bretagne contribue pour 9% en moyenne au budget, on lui rend les deux tiers de son apport. Le différentiel est de 2 milliards d’euros » Notamment en raison du « rabais britannique », obtenu par Margaret Thatcher qui entendait récupérer sa mise, selon sa formule célèbre « I want my money back ! ».

L’intérêt pour Mayotte de rester européenne Cabinet CD drapeaux

Une attitude, qui couplée avec leur maintien en dehors de la zone euro, en dit long sur le sentiment d’appartenance de la Grande Bretagne à l’Union européenne. Car si les Etats occidentaux acceptent qu’une partie de leur contribution partent vers les pays les moins développés, de l’Est par exemple, ou les régions éloignées, comme les RUP, c’est dans l’idée de participer à un développement le plus harmonisé possible. Tout en en récoltant aussi des bénéfices : ces pays en se développant, consomment, importent, voient leur niveau de vie et leurs salaires augmenter, freinant notamment les délocalisations vers leurs contrées.

Pour Younous Omarjee, les autres Régions ultrapériphériques européennes (RUP) que Mayotte « ont vu leurs visages changer sous l’impulsion des fonds européens. »

Notre île n’ayant pas bénéficié de structuration suffisante avant de basculer vers les fonds européens, qu’elle consommera en réalité plus que modestement, contre beaucoup de contraintes, a-t-elle intérêt à rester RUP ? Younous Omarjee répond en parlant valeurs, « celles que l’Europe transmet par la solidarité avec les peuples, et qui nous protègent contre les sentiments xénophobes qui enflent face à la crise des immigrés syriens. C’est une crise d’appartenance qui peut poindre partout. »

Décompte nation par nation…

François Hollande devant le "Oui" de Mayotte, après un décompte île par île
François Hollande devant le « Oui » de Mayotte, après un décompte île par île

Mais faire un procès à l’Europe, c’est accuser ses Etats membres : « Ils n’ont aucune propositions en réponse à la crise, aucune audace. » Il reproche surtout à François Hollande d’avoir suivi Angela Merkel sur le Traité de stabilité budgétaire qui a fermé les robinets en France, comme dans les autres pays européens. « L’Union européenne ne doit pas être qu’une institution qui surveille et qui punit. On ne peut pas gagner le cœur des peuples en ne parlant que déficit et dette. »

A l’inverse, certains veulent y rester. L’Irlande du nord, qui fut très soutenue lors de sa crise intérieure de 1998 par l’Europe, a voté pour le maintien à 56% et l’Ecosse à 62%. Sa première ministre a d’ailleurs indiqué que le pays voyait « son avenir au sein de l’Union européenne. »

Le vote sera donc peut-être regardé territoire par territoire. Tiens, tiens, cela ne vous rappelle rien ? Sans aller plus loin dans la comparaison, c’est en prenant en compte le vote de rattachement à la France, contrairement aux autres îles des Comores, que l’avenir de Mayotte s’est joué… Méthode toujours contestée par l’ONU.

« Une Europe plus proche des peuples »

Une forte proportion de pêcheurs artisanaux à Mayotte
Une majorité de pêcheurs artisanaux à Mayotte

« Si on assiste peut-être au début de la remise en cause du Royaume Uni, il faut éviter à tout prix la déconstruction de l’Europe », avertit l’eurodéputé. Qui appelle à l’unisson de plusieurs de ses pairs, comme Louis-Joseph Manscour, eurodéputé socialiste, « à construire une Europe plus démocratique, plus proche des peuples. » Le petit exemple mahorais, de transposition aveugle de la politique communautaire des risques de surpêche, lui interdisant de développer une flottille de pêche encore majoritairement artisanale, en est un exemple.

Younous Omarjee se projette : « Nos dirigeants européens doivent être à la hauteur, en tirant les conséquences de ce vote. L’idée même de l’Europe est un pari difficile et s’inscrit à contretemps des tendances actuelles de repli sur soi, mais elle est le meilleur moyen de nous protéger contre les désordres du monde. »

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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