Alors que Mayotte travaille pour le classement d’une partie de sa barrière corallienne au patrimoine mondial de l’UNESCO, les huit sites* déjà classés pourraient être également rejoints par une curiosité géologique sous-marine. L’endroit s’appelle le Banc Atlantis (Atlantis Bank en anglais) mais il est bel et bien situé au fond de l’océan Indien, au sud de Maurice et de La Réunion.
L’Atlantis Bank est une île fossile abritant une incroyable richesse de faune sous-marine de grande profondeur.
Situé sur la dorsale sud-ouest indienne, Atlantis est souvent considéré comme l’un des meilleurs endroits au monde pour l’étude scientifique de la géologie de la Terre pour un raison très simple : à cet endroit, l’épaisseur moyenne de la croûte océanique est beaucoup plus faible (5 à 8 km) que celle de la croûte continentale (25 à 60 km). Ce que les scientifique appelle la «discontinuité de Mohorovičić» (Moho en abrégée), qui est la limite entre la croûte terrestre et le manteau supérieur de la Terre, est donc bien plus accessible. Le Moho est en moyenne situé à 35 km de profondeur.
Malgré ses richesses et son intérêt particulier, le site ne peut pas aujourd’hui prétendre figurer sur la liste du patrimoine mondial. Il est en effet situé en haute mer, en dehors de toute juridiction nationale. Mais les choses pourraient changer.
Appliquer les conventions à l’océan
Un rapport lancé par le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) explore les différentes voies qui permettraient d’appliquer un jour la Convention pour la protection du patrimoine mondial aux océans. L’idée est loin d’être absurde compte tenu du fait qu’ils recouvrent plus de la moitié de la planète.
Le rapport présente cinq sites qui illustrent la variété des écosystèmes, allant de la richesse de la biodiversité de ces espèces aux phénomènes naturels observables uniquement dans les fonds marins. Chacun de ces sites pourrait se voir reconnaître une «valeur universelle exceptionnelle», une notion au cœur de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, selon laquelle le caractère remarquable de certains sites transcende les frontières nationales.
Cinq sites exceptionnels
Outre l’Atlantis dans l’océan Indien, quatre autres sites seraient ainsi susceptibles d’intégrer le patrimoine mondial rapidement: Le Dôme thermal du Costa Rica dans le Pacifique (une oasis océanique unique au monde qui sert de lieu de ponte et d’habitat à de nombreuses espèces menacées), le Café des requins blancs toujours dans le Pacifique (seul lieu connu de rassemblement des requins blancs dans le Pacifique nord), la mer des Sargasses dans l’Atlantique nord (Seule mer au monde sans côte et dotée de particularités telles que des algues à sa surface et de très faibles vents), et le Champ hydrothermal de la Cité perdue également dans l’Atlantique (un lieu situé à 800 mètres de profondeur et surplombé de monolithes de carbonate pouvant atteindre 60 m de haut).
«Au même titre que sur terre, les profondeurs et les zones les plus reculées de l’océan abritent des lieux uniques qui méritent d’être reconnus», souligne Mechtild Rössler, la directrice du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco, dans la préface du rapport.
Modifier le processus d’inscription
Bien qu’éloignées des côtes, ces zones ne sont pas à l’abri des menaces, qu’il s’agisse du changement climatique, de l’exploitation minière des grands fonds, de la navigation, de la surpêche ou encore des pollutions plastiques. Pour que ces sites puissent bénéficier de la reconnaissance et de la protection de la Convention de 1972 sur le patrimoine mondial, des modifications quant au processus d’inscription sont nécessaires. Jusqu’à présent, seuls les États peuvent proposer des sites pour inscription. Or, ces zones situées en haute mer sont des zones internationales sans souveraineté particulière.
Le rapport propose donc des pistes pour étendre la protection de la Convention à ces zones. Et il y a des chances que les auteurs de ce travail trouve un écho favorable du côté de l’UNESCO. D’après Dan Laffoley, conseiller principal en sciences et conservation marines pour l’UICN et co-auteur du rapport, «la haute mer présente une valeur mondiale exceptionnelle, bien qu’elle bénéficie de peu de protection. Il est donc crucial de mobiliser la communauté internationale afin de garantir sa conservation sur le long terme.» Atlantis pourrait donc rejoindre la fameuse liste bien avant notre lagon.
RR, Le JDM
avec Alain Dupuis, le JIR.
*Les huit sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO dans l’océan Indien: Les pitons cirques et remparts de la Réunion, la réserve naturelle intégrale du Tsingy de Bemaraha, la colline royale d’Ambohimanga et les forêts humides de l’Atsinanana à Madagascar, l’Aapravasi Ghat et le Morne à Maurice, l’atoll d’Aldabra et la Vallée de Mai