Avec pas mal de réussites d’ailleurs, puisque les plurilinguisme se décline en anglais, espagnol, italien, portugais, chinois, arabe, et que les shimaore et shibushi sont utilisés comme vecteurs d’apprentissage de la langue française, en attendant que le Parlement en autorise l’enseignement. Puisque des plus en plus de partenariats sont créés, à l’image de celui de l’IEP de Lille et les collèges de Tsimkoura et de Dzoumogné pour initier des parcours d’excellence. Puisque 12 jeunes sportifs repérés en clubs fédéraux pourront partir en Pôle espoir à La Réunion ou en métropole. Puisque 3 Pôles sont définis, avec spécialités scientifiques pour le lycée Younoussa Bamana, langues pour Mamoudzou nord, et Métiers de la santé au lycée de Kwalé.
Mais c’est sur les points chauds qu’était interpellée la vice-recteur cet après-midi par les élus du Conseil économique, social et environnemental (CESEM). L’accusant de vendre du rêve, Riffay Haidouni se fait l’expression de tout une frange de parents et d’enseignants perturbés par la nouvelle organisation des rythmes scolaires, qui fragmente la journée en deux, là où les cours ne se faisaient qu’en matinée, mais surtout en 4 quand l’école est en rotation. L’ancienne organisation qui maintenait l’enfant à l’école 5h30 durant, la représentante de l’éducation nationale n’en veut plus : « Si les parents ne s’en sortent pas, il faut créer des services pour qu’ils y parviennent. » Un agent du vice-rectorat est affecté à la tournée des communes sur ce sujet.
« On bouche les trous »
Quant à la restauration scolaire que ce système implique, l’île part du néant, « et cela permet à des enfants de prendre leur unique repas. » En deux ans de réforme, ce sont 8,3 millions d’euro qui auront été versés aux communes, à raison de la somme annoncée de 90 euros par enfant scolarisé. Ce sont des Contrats uniques d’insertion qui proposent des activités périscolaires aux enfants, avec toutes les difficultés d’organisation liées à leur non renouvellement. Des facilitations financières pour les communes sont à étudier.
Autre sujet d’actualité à Mayotte, le recrutement de 42% contractuels, « comme en 1975, on bouche les trous ! », reproche Dominique Marot évoquant des générations sacrifiées. « Ils ont tous le niveau avec minimum une licence » rétorque Nathalie Costantini, qui évoque un temps pas si lointain où l’on recrutait des 3ème pour enseigner, « et a contrario, certains titulaires sont souvent absents. »
Brebis galeuses
S’il existe des brebis galeuses, il faut malgré tout exiger des brebis au détriment d’agneaux, aussi doux soient-ils. C’est certainement ce que la population a besoin d’entendre pour ne pas avoir l’impression d’une éducation sacrifiée. Quant au recrutement qui favoriserait des extérieurs aux locaux, « c’est faux ! », assène la vice-recteur qui demande des noms. Justement à ce sujet, un tract du SNUipp dénonçait ce jeudi, la prime d’attractivité de 5 mois de salaire pour les contractuels extérieurs, demandant que cette prime soit étendue à l’ensemble des agents du vice-rectorat.
Nous avons rencontré l’ancien maire de Tsingoni, Ibrahim Boinahery, qui a sa théorie et parle de ces 1.400 contractuels comme d’une bombe à retardement : « S’il n’y a pas de professeurs titulaires, ce n’est pas un problème d’attractivité, c’est qu’ils n’existent pas en métropole. Ce déficit de 1.400 profs, l’éducation nationale ne veut pas le combler, car d’ici quelques années, avec la diminution du nombre d’élèves en métropole, il y aura un surnombre d’enseignants que l’on pourra alors affecter à Mayotte. Il faut se demander ce que vont devenir les contractuels d’un niveau Bac+3 que l’on vient de recruter. »
Il propose de déconcentrer un concours à Mayotte. Mais là aussi, le retard doit être comblé peu à peu, puisqu’il faut commencer par le concours de professeurs des écoles, « le premier va avoir lieu cette année », signalait Nathalie Costantini.
La vice-recteur n’en était pas à son premier exercice devant le CESEM, et les questions furent nourries. Le projet académique peut compter sur une fervente avocate, qui parvient à le décliner sur un territoire aux fortes particularités : « Nous avons enregistré 377 grossesses dans le second degré l’année dernière dont 29 étaient scolarisées en 6ème », rapportait-elle. Face à cette situation, un seul rempart, l’éducation…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte