La couveuse d’entreprises Oudjérébou est en danger

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Nassem Zidini heureux que la couveuse ait donné sa chance à Kalame
En août 2015, Nassem Zidini félicitait un couvé qui créait son entreprise

La crise que traverse la couveuse d’entreprises Oudjérébou est sans précédent depuis sa création il y a 6 ans, au point de menacer son existence même. «On a passé une année à bricoler avec les financements dont nous disposons mais la question de notre survie en 2017 est posée», explique Nassem Zidini, le directeur d’Oudjérébou.

Le cœur du problème, ce sont les financements. Les 160.000 euros de budget annuel de la couveuse sont traditionnellement essentiellement apportés par la DIECCTE* et par le département. Mais cette année, il a fallu jongler avec la trésorerie. «D’habitude, quand on signe notre convention avec la DIECCTE, on reçoit 80% des 90.000 euros de financement. Cette année, au mois de mai, nous n’en avons perçu que 30%», détaille Nassem Zidini. Quant au département, il n’a pas apporté de subvention à la structure l’an dernier et devrait verser 50.000 à la couveuse au titre de 2016… Mais rien n’est encore arrivé sur les comptes.

Résultat, d’accumulations d’impayés en gel des salaires, la couveuse a dû se résoudre à négocier un crédit de 50.000 euros auprès de sa banque pour ne pas mettre la clé sous la porte. «Les financements du département et de la DIECCTE vont arriver d’ici à la fin de l’année, mais ça va seulement nous permettre de finir l’année à l’équilibre. La question qu’on se pose est de savoir si on peut démarrer 2017 sur les mêmes bases».

Le coup de massue d’Ericka Bareigts

Sans visibilité, la structure avait pourtant un beau projet qui devait lui permettre de poursuivre sur la voie de son succès en trouvant de nouvelles sources de financement. Alors que le gouvernement lance un appel à projets dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, Oudjérébou décide de proposer la création d’une coopérative d’activités et d’emplois. Comme cela se pratique dans de nombreux départements, cette nouvelle structure devait venir s’adosser à la couveuse pour proposer un complément d’accompagnement aux couvés. «Nous avons demandé 25.000 euros pour les études de faisabilité et le lancement», précise Nassem Zidini.

L'équipe de la couveuse: Benyamin Msa et Nadjima Ahmed avec Nassem Zidini
L’équipe de la couveuse: Benyamin Msa et Nadjima Ahmed avec Nassem Zidini, en avril 2015, heureux d’accompagner une vingtaine de couvés chaque année

Mais lorsqu’Ericka Bareigts, la ministre des Outre-mer, annonce les lauréats lors de son passage à Mayotte, c’est la douche froide. Une coopérative d’activité est bien retenue pour Mayotte… Mais le projet est celui d’une structure réunionnaise, également retenu pour un projet similaire à La Réunion. «On n’a pas compris. Ca a été un choc, une vraie remise en question. Compte tenu des résultats qu’on a, pourquoi ne pas encourager une structure locale? Est-ce que c’est un désaveu de l’Etat vis-à-vis de notre travail?»

Des acteurs de l’économie

Oudjérébou n’a pourtant pas à rougir de son bilan, bien au contraire. En avril dernier, la couveuse a dépassé le cap des 100 couvés accompagnés. Depuis 6 ans, elle a permis une cinquantaine de créations d’entreprises et une vingtaine de retour à l’emploi. «Cette année, nous allons dépasser nos objectifs annuels de 20 couvés. Nous allons organiser un dernier comité d’intégration et nous devrions arriver à 24 ou 25 couvés pour 2016.»

Kalame et son "diplôme" obtenu après son passage à la couveuse
En août 2015, le JDM vous présentait Kalame qui créait son entreprise à Kawéni après son passage à la couveuse

L’avenir de la couveuse en question, c’est donc aussi celui des 4 salariés et des couvés eux-mêmes qui est en jeu. En effet, le principe de la structure consiste à héberger juridiquement les entreprises qui se développent sous son aile avant qu’elles gagnent en autonomie et qu’elles prennent leur envol. Si Oudjérébou devait être amenée à déposer le bilan, ce sont donc aussi plus d’une vingtaine d’entreprises qui disparaitraient en même temps qu’elle. «Ce sont 20 entreprises en devenir, des clients et des partenaires qui seraient impactés… Les couvés sont de vrais acteurs de l’économie mahoraise», note Nassem Zidini.

La volonté politique et la réalité

Dans les locaux d’Oudjérébou, pas question pour autant de se laisser abattre. «Il est temps pour nous d’alerter sur notre situation. Ailleurs, les structures comme la nôtre bénéficient de financements de la région et des communautés de communes et de pas mal de dispositifs qui ne sont pas encore en place chez nous. On sait que Mayotte est en pleine transition mais il faut qu’on puisse trouver rapidement de nouvelles sources de financement», conclut Nassem Zidini.

Au moment où, plus que jamais, les Mahorais et en particulier les jeunes sont appelés à créer leur propre activité pour avancer et faire avancer le département, la situation d’Oudjérébou fait de nouveau apparaître un fossé, souvent dénoncé, entre les volontés politiques affichées et la réalité.

RR
www.lejournaldemayotte.com

*DIECCTE: Direction de entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

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