Acheter de la farine, du sucre ou des sardines* à prix défiant toute concurrence en déposant en contrepartie, des sacs de cannettes usagées, voilà comment Laurent Beaumont a traduit ce qui correspond pour lui à un besoin du territoire : « Il faut d’un côté proposer une solution aux personnes en difficulté sociale, d’un autre, répondre à la saleté de l’île. »
Un barème de prix est établi en fonction de la quantité de cannettes collectées, « il en faut 50 pour pouvoir acheter son paquet de farine à 50 centimes. Certaines mamans en déposent 1.000 à la fois. » Et en 8 mois, il en a collecté 120.00. Avec un problème majeur, leur évacuation vers le recyclage. « La STAR, société mandatée par la mairie de Mamoudzou pour la collecte, ne passe pas, nous les apportons donc par nos propres moyens. »
Qui dit cannette, dit consommation de sodas, et parfois de façon exacerbée sur l’île. Avec les risques inhérents pour la santé sur lesquels il faut communiquer. Et ça aussi, Laurent Beaumont se l’approprie : « Diabète, obésité, hygiène buccodentaire… Nous devons faire de la prévention auprès du public qui fréquente l’épicerie, et insister sur les consommations à risque et addictives. »
Objets artisanaux en alu
Mais pour aller plus loin, il a besoin de sang neuf. En l’espèce, de deux volontaires du service civique (VSC), Lisa Faipoux et Issoufa Mabouroukou, 24 ans tous les deux. La première est titulaire d’un master de biodiversité et écosystèmes tropicaux et le second d’un BTS Gestionnaire de paye.
Ils vont intervenir auprès des usagers de l’épicerie, mais aussi des scolaires pour les sensibiliser au tri sélectif et à la prévention de l’environnement. Pour toucher les plus jeunes, une nouvelle identité visuelle d’une cannette qui se trémousse sur fond noir sera déclinée sur des teeshirts.
L’épicerie est soutenue en crowfunding (financement participatif) par la plateforme Kisskissbankbank, par des dons en nature ou des acteurs privés. Son concepteur réfléchit à un maillage plus important sur le territoire, et, à investir un peu plus le secteur de l’économie social et solidaire. A la demande de la mairie de Mamoudzou, il entame une réflexion sur l’artisanat autour des cannettes en alu comme matériel de récupération.
Et « Yes we can nette » sera bientôt membre de Mayotte nature environnement, aux côtés de laquelle elle exposera le 19 novembre à l’occasion de la Semaine Européenne de réduction des déchets.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* L’épicerie est installée dans la rue qui part du stade de Cavani