Les 200 personnes qui suivaient en cordon la présidente du Front National, Marine Le Pen, contrastent avec le nombre d’adhérents, 83, au parti, présidé à Mayotte par Soiderdine Madi. Un accueil chaleureux, sans manifestations d’hostilité, c’est ce que les Mahorais ont réservé à la candidate aux présidentielles, de l’aéroport à l’accueil populaire de la barge.
Au mieux, une leçon de tolérance, au pire, la désignation d’un porte-drapeau des souffrances de l’île, c’est ce qui se dégage des commentaires et pancartes qui entourent la présidente du Front National.
Un tapis rouge, une voie royale… les qualificatifs n’étaient pas assez nombreux pour résumer les convergences de vue de beaucoup d’habitants de l’île en direction de la candidate FN.
Le flou habituel de l’Etat
Le parti a vite compris qu’en matière d’immigration, il y avait des voix (relativisons, il n’y a que 78.500 électeurs) à récupérer des habitants de ce territoire où naît chaque jour l’équivalent d’une salle de classe. Avec en corolaire un accès de plus en plus difficile aux services publics pour les habitants, que ce soit l’hôpital, ou les classes qui repassent en rotation malgré les constructions et rénovations. Les cases en tôles délogent peu à peu la forêt, s’implantent chez les propriétaires terriens, le tout sans réaction ou presque des autorités.
Non seulement le budget de l’Etat n’augmente pas en proportion de l’accueil du flux migratoire, mais aucune solution n’est ouvertement proposée d’un projet de vie commune. C’est ce qui inquiète des habitants qui n’en peuvent plus d’attendre, et qui se tournent vers des solutions comme l’aménagement du droit du sol, demandé par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, ou son annulation proposée par Marine Le Pen.
Deux poids deux mesures… non argumentés
Une chef d’entreprise, originaire de l’île, nous interpelle : « Je viens d’immatriculer ma société de restauration, et j’ai aussitôt sur le dos la commission d’hygiène et de sécurité, et les services vétérinaires. En descendant dans la rue, les bouénis sur le trottoir, vendent des œufs en plein soleil, un des aliments les plus périssables ! » Là encore, il faudrait une prise de parole forte pour expliquer l’évolution vers une économie formelle.
Mais comment le pourrait-on à Mayotte, quand cette expression n’est pas formulée en métropole, où l’on navigue de Calais en centre de migrants bis (le terme de jungle ou de camp ne choque personne), sans qu’une orientation claire d’intégration ne soit donnée. « Un sentiment d’abandon », résumera Marine Le Pen au milieu de son bain de foule.
« Pas besoin de garde du corps »
Dans la cohorte qui accompagne la fille de Jean-Marie Le Pen, certains métropolitains, présents à Mayotte depuis plusieurs années, aux propos radicaux, et des élus qui n’ont rien à leur envier.
D’autres espèrent, attendent beaucoup : « J’ai laissé mon parti pour le FN, parce que j’en ai marre des clandestins », annonce une femme devant les caméras. « Pas besoin de garde du corps, vous êtes ici chez vous », « Marine présidente ! », scande la foule. Plus loin, sur le marché que traverse la candidate, pour honorer les commerçants qui paient leurs patentes, a contrario de ceux qui vendent à l’extérieur et que la mairie a chassés pour un jour, un homme grommelle derrière son étal « ça, c’est la raciste numéro 1 ! »
L’Union des Comores se vide de sa population, que Mayotte peine de plus en plus à accueillir. Sans qu’aucune solution diplomatique ne soit trouvée, ni véritablement recherchée. Avec cet accueil de Marine Le Pen, la population exprime quelque chose qu’il ne faut pas négliger.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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