Les causes sont partagées selon Marine Le Pen, qui tisse des liens faciles, entre causes et conséquences. L’Etat français, qui a « livré Mayotte au chaos migratoire », qui l’entraine dans « un chaos sécuritaire », lui même débouchant sur « le chaos économique et social » que l’on connaît, et des élus locaux qui n’ont plus la confiance de la population, « incapables d’exiger du gouvernement français le minimum ». Il faut dire que par leur inaction, les gouvernements successifs l’ont bien cherché, « de droite et de gauche, ils devraient se cacher de honte d’avoir laissé la situation pourrir à ce point, et demander pardon aux mahorais. Il y a urgence à changer de direction pour Mayotte. »
La représentante du parti d’extrême droite séduit les habitants en dénonçant une départementalisation accordée sans conditions minimums de sécurité, « là, ça va être le couvre-feu à 18h ! » lance-t-elle pour évoquer une insécurité qu’elle lie systématiquement à l’immigration clandestine : « Parce que c’est la réalité que veulent occulter la plupart des médias. » Dommage qu’elle n’ait pas visité la Maison d’arrêt où la moitié des prisonniers sont en situation régulière sur le territoire.
L’orientation qu’elle veut donner en priorité, c’est l’arrêt complet de tout flux migratoire, au moyen de plusieurs mesures, dont certaines deviennent floues à l’épreuve des demandes de précision. Elle évoque « la suppression du droit du sol », mais dont la validité est actuellement examinée par le conseil d’Etat. Si celui-ci le déclare inconstitutionnel, « et bien, je réformerai la Constitution par référendum, c’est d’ailleurs prévu dans notre programme. »
« Ôter tout espoir de régularisation »
Les autres mesures portent sur la suppression de toute forme d’incitation à l’immigration clandestine. Mais du côté des aides, il n’y aura pas beaucoup à réformer, car il n’y en a pas, l’Aide médicale d’Etat, en particulier, n’existe pas.
Il s’agit aussi d’ « ôter tout espoir de régularisation », de renvoyer les étrangers dans leur pays d’origine, ce qui se fait quotidiennement avec des obstructions régulières de l’Union des Comores, de supprimer la scolarisation des enfants de parents étrangers, mais qui sont eux-mêmes français. Et ce serait une fabrique de mineurs isolés, précisément ce que l’on veut éviter. Ce que Marine Le Pen conteste, « nous les renverrons avec leurs parents dans leurs pays d’origine. » Avec le même risque de blocage de la part des autorités comoriennes, si le ton se durcit.
Côté développement économique, elle met enfin en avant ce que nos dirigeants successifs ont toujours laissé de côté, le maritime, « une politique de la mer et des outre-mer de plein exercice. La mer, est une terre laissée en jachère par tous les gouvernants, alors que 97% des marchandises transitent par la mer ». Mais plutôt tournée vers l’exploration de richesses sous-marines, dont les énergies fossiles, et les énergies renouvelables.
Mayotte, en faire valoir
En matière de vie chère, « de 30% de plus qu’en métropole à La Réunion et 50% ici », Marine Le Pen ne veut garder de l’octroi de mer que celui qui protège les productions locales des importations étrangères, elle compensera la recette manquante pour les communes, par une Dotation globale de fonctionnement. »
Son approche de la lutte contre l’immigration, parce qu’elle impacte sur la scolarité et la scolarisation, a séduit les Mahorais. Le FN reste malgré tout un parti qui laisse les habitants frileux, avec seulement 83 adhérents, et 2,77% à la précédente présidentielle, mais dont la présidente veut se défaire de l’image de racisme qui lui colle à la peau, comme l’ont exprimé plusieurs habitants, et que véhiculent certains sympathisants.
Une question qui fait bondir la présidente du FN, qui la juge « insultante et diffamatoire. » En rajoutant : « Bizarrement, quand le membre d’un autre parti tient des propos insultant dans un camp de Rom, personne n’en parle. Quand une ministre socialiste parle à la radio de ‘nègres’, elle n’est même pas condamnée », tout en précisant que lorsque de tels propos sont proférés dans son parti, « son responsable est immédiatement renvoyé. J’ai toujours été stricte à ce sujet. »
Son passage à Mayotte va l’aider à parfaire l’image de brassage des cultures que veut donner le parti, surtout qu’elle n’aura pas été insensible à sa rencontre avec le Grand Cadi, « nous sommes un pays laïc, avec une liberté de culte. L’islam est bien compatible avec la République. » Sur la radicalisation, Marine Le Pen cite même Mayotte en exemple en métropole : « Parce qu’au moins ici, ils ont chassé les fondamentalistes qui avaient essayé de s’implanter. »
Une visite qui aura suscité jusqu’au bout de l’enthousiasme ici, mais qui tient surtout dans un désir intense de se sortir d’une situation qui n’a fait qu’empirer, et que personne n’a su solutionner jusqu’à présent.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte