C’est un drame qui met en lumière une réalité sociale particulièrement difficile. A Saint-Louis, au sud de La Réunion, un enfant de 22 mois est mort des suites de maltraitances ce lundi. Le bébé d’à peine 15 kilos, avait été pris en charge par les urgences pédiatriques du CHU de Terre-Sainte la semaine dernière, le mardi 29 novembre, alors qu’il se trouvait dans un état désespéré.
A son arrivée, les médecins avaient constaté la gravité des blessures infligées à l’enfant qui portait déjà une attèle à son bras. Cette fois-ci, les traces ne laissaient pas de doute: on avait tenté de l’étrangler «à l’aide d’un objet», probablement une cordelette. Mais les équipes médicales découvrent également des traces de sévices remontant à plusieurs semaines, des séquelles de coups dont le bébé aurait été «habituellement» victime.
Deux jours plus tard, sa mère et son beau-père sont interpellés puis placés en garde à vue avant d’être mis en examen et placé en détention provisoire suite à un signalement à la justice. L’enfant aurait donc subi une strangulation de la part de son beau-père qui aurait reconnu les faits, admettant avoir perdu tout contrôle alors que l’enfant n’arrêtait pas de pleurer. Il nie cependant les violences habituelles.
Poursuivi pour homicide volontaire
Placé en détention provisoire, l’homme, âgé d’une vingtaine d’année, est désormais poursuivi pour homicide volontaire aggravé par les circonstances que les faits ont été commis par un ascendant sur un mineur de moins de 15 ans. L’individu est déjà poursuivi pour violences habituelles comme la mère de la victime.
«C’est très compliqué. Ce sont des milieux socialement défavorisés qui n’ont pas une prise totale avec le réel, indique Bruno Raffi, l’avocat de la jeune femme qui est aussi mère de deux autres enfants immédiatement placés. Même si elle est accusée de violences volontaires, une maman reste une maman. Elle n’est pas complètement détachée de toutes émotions.»
La femme âgée d’une trentaine d’années a été mise en examen pour violences habituelles sur son enfant.
Violences, alcool et misère
Les parents du petit avaient pourtant été placés sous assistance éducative, ce qui n’avait pas mis un terme à leurs agissements, dans un contexte de violences verbales et physiques sur fond d’alcoolisation, amplifié par une certaine misère sociale.
Car c’est aussi la vie d’un quartier qui se dévoile avec cette affaire. Le lieu s’appelle «le Gol». Il est composé de plusieurs blocs de logements dont la résidence Kayamb, où vivait la famille, couramment baptisée «cité Prétoria». Ici, tout le monde se connaît et tout se sait… mais c’est le silence qui semble malgré tout prévaloir.
Un «ghetto» mahorais
C’est un îlot de grande misère, particulièrement délabré, où les encombrants et autres carcasses de voitures trônent sur les parkings. Ces barres de logements encerclent une cour centrale, la fameuse «cité Prétoria», ce qui lui donne une allure de «ghetto» fermé.
La presse réunionnaise note qu’on ne trouve pas dans cette zone de mixité sociale ou même communautaire. «Les tenants de l’attribution des logements sociaux semblent avoir décrété qu’il fallait y ‘parquer’ des familles mahoraises», écrivent nos confrères du JIR. «Un ostracisme autant dérangeant qu’explosif. Les gendarmes, qui prennent leurs précautions dès qu’il doivent intervenir dans le quartier, ne diront pas le contraire».
Les deux autres enfants placés
Certes, plusieurs voisins admettent avoir remarqué que l’enfant avait eu le bras cassé dernièrement. Mais personne n’imaginait l’ampleur de ce qui se jouait derrière les portes de l’appartement.
Ce contexte, les deux autres enfants de la mère, témoins directs du calvaire de leur petit frère, l’ont également subi. Agés de 5 et 7 ans, les petits vivaient dans l’appartement et sont désormais placés en famille d’accueil, sans qu’on sache si eux aussi ont subi des violences. L’enquête devra le déterminer, comme la responsabilité de chacun dans le calvaire de cet enfant de 22 mois.
Quant à la «cité Prétoria», elle est actuellement au cœur d’un vaste projet de rénovation urbaine. Un renouveau que les habitants, délaissés depuis des années, attendent avec impatience.
RR
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avec le JIR.