L’atmosphère des fêtes de Noël se fait toujours très discrète à Mayotte. Aucune guirlande lumineuse n’orne les rues de Mamoudzou et encore moins celles des villages de brousse. En revanche, beaucoup de magasins sont décorés à cette période. Et pour cause! De plus en plus de Mahorais offrent des cadeaux à leurs enfants lors d’une fête pourtant étrangère à la culture musulmane de l’île. Une aubaine pour les commerces qui profitent de cette période pour augmenter leur chiffre d’affaires !
«A l’école et dans les émissions à la télévision, on parle beaucoup de Noël à nos enfants», nous explique une habitante de Mamoudzou. «Ils savent donc qu’il est d’usage d’offrir des cadeaux à cette période de l’année… et ils nous en réclament!» C’est donc sous la pression de leurs enfants que de plus en plus de parents mahorais achètent des jouets ou de nouveaux vêtements pour les fêtes de fin d’année. «Cette pratique s’est vraiment démocratisée depuis 5 ou 6 ans», nous précise l’un des commerçants de la ville-préfecture.
Une coutume importée qui s’enracine progressivement
S’il n’est pas encore d’usage de célébrer le réveillon par un repas particulier dans les familles, beaucoup de jeunes, et même de moins jeunes, sortent s’amuser ce soir-là. Si les plus aisés d’entre eux profitent des multiples «soirées de Noël» proposées par les bars, restaurants et boîtes de nuit, la plupart d’entre eux préfèrent faire un voulé sur la plage.
«C’est une occasion comme une autre de s’amuser», nous explique Fatima, une jeune mahoraise rencontrée dans les rues de la capitale. «Les Mahorais aiment faire la fête et profitent de la moindre opportunité, même lorsqu’elles ne font pas partie de nos coutumes d’origine !» lance-telle en riant.
Une coutume qui s’enracine donc avec l’occidentalisation de l’île, mais que ne voient pas d’un très bon œil les «djaoulas». Ces musulmans rigoristes méprisent ou morigènent parfois ceux qui fêtent Noël, ne considérant que son origine chrétienne et une occasion de plus de s’éloigner de l’islam.
Au sein de la communauté indienne, même séparation: d’un côté ceux qui décorent leur maison et offrent des cadeaux, et ceux qui considèrent cette pratique comme une forme d’outrage à l’islam.
Des cadeaux, au dernier moment
Les commerçants quant à eux se frottent les mains! Désormais durant la période des fêtes, leur chiffre d’affaires augmente considérablement, suivant ainsi les traces de la métropole. Le patron de la bijouterie Khodidas confirme: «Noël est rentré dans les mœurs à Mayotte. Les gens profitent de cette opportunité d’offrir», affirme-t-il. «Lorsque j’ai commencé, en 2002, j’avais une clientèle principalement métropolitaine en période de fête, alors que maintenant, j’ai plus de Mahorais que de Mzungus!» Cela s’explique également par le fait que les métropolitains de passage ne tiennent plus à acheter de bijoux coûteux par crainte des cambriolages.
A la boutique «Terre des Indes», dans la galerie de Jumbo Score, «la clientèle de la boutique est très mixte », nous indique une employée. Ici, le chiffre d’affaire augmente d’environ un tiers en période de fêtes… avec une particularité, confiée par la plupart des commerçants: Les Mahorais achètent le plus souvent leurs cadeaux au dernier moment. Dans les commerces, ce vendredi et demain samedi promettent donc d’être changés!
Logiquement, Karim Hassam-Daya, le patron du magasin «JouéClub» est l’un de ceux qui chôme le moins en ce moment. Il déplore toutefois un chiffre d’affaires moins élevé que l’année dernière à la même période, du fait d’un plus grand nombre de départs en vacances. Les jouets qu’il vend le plus sont les poupées et produits dérivés du film d’animation «La reine des neiges», très en vogue auprès des petits mahorais en ce moment, comme les «Pokemons» et les jeux éducatifs Vtech. «En fait, les enfants veulent les produits qu’ils voient dans les pubs à la télévision», résume le commerçant, un brin pragmatique.
Plus de doute, Mayotte a bel et bien changé.
Nora Godeau
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