Ils ont patienté pendant trois mois et ils ont bien fait. Le 18 septembre dernier, le Parc naturel marin de Mayotte, les pêcheuses de Mbouanatsa et Mzouazia et la commune de Bouéni inauguraient la première zone de fermeture à la pêche sur le platier de Mbouanatsa. L’objectif de cette expérimentation pilote était de montrer qu’en quelques mois, les poulpes pouvaient se développer rapidement, permettant d’avoir des rendements plus élevés et des poulpes plus gros. Jeudi dernier, la zone a été rouverte et les premières heures de pêche n’ont laissé aucun doute: ça marche.
Le Parc naturel marin a relevé quelques chiffres. Les poulpes pêchés pesaient en moyenne entre 0,4kg et 0,6kg avant la fermeture. Le jour de la réouverture, leur poids moyen était de 1,3kg avec des poulpes atteignant même 3,5 kg. Le poids moyen a donc été multiplié par 2,5 en seulement trois mois de fermeture.
La comparaison avec des sites qui n’ont pas été fermés est également très claire. A Mbouanatsa, en 3 heures d’action de pêche, le rendement moyen était d’environ 1.5kg de poulpe par heure et par personne, bien supérieur à celui du site témoin à Nyambadao qui n’a pas bénéficié d’une fermeture temporaire.
Record de pêches
Au total, les pêcheurs ont capturé 150kg de poulpe le jour de l’ouverture. «C’est le record sur l’ensemble des enquêtes réalisées dans tout Mayotte concernant la pêche à pied en 2016», note le Parc marin. «Cela montre que l’expérimentation est bénéfique à l’ensemble du platier».
La réussite de cette expérience repose uniquement sur l’implication et la bonne volonté des communautés locales, et sur la collaboration des acteurs du projet pour la surveillance. Ici, par de réglementation. Le projet s’appuie uniquement sur l’implication de pêcheurs et des habitants.
La zone de fermeture temporaire est donc gérée et surveillée par les habitants eux-mêmes avec le soutien du Parc naturel marin et de la commune. Et cette collaboration a commencé bien avant la fermeture.
En effet, pour garantir l’efficacité du dispositif, ce sont les habitants qui ont délimité un espace du platier à fermer temporairement. Cette zone de repos fait environ 1,3km de long et couvre tout le platier, soit une surface d’environ 40 hectares.
Des habitants impliqués
Une fois fermée, la zone a bénéficié de rondes de surveillance des équipes du Parc 2 à 3 fois par semaine. Sur les trois mois de fermeture, une dizaine de personnes a ainsi été observée dans le périmètre. Toutes ont été sensibilisées et ont fini par quitter les lieux.
Des habitants eux-mêmes ont dit avoir sensibilisé des pêcheurs qu’ils ont trouvés à l’intérieur de la réserve. Et même si des braconniers capturent toujours des poulpes à marée haute, la majorité des gens a compris l’intérêt du projet et joue le jeu.
Tout au long de la période, le Parc et la commune de Bouéni ont également organisé des réunions de sensibilisation, en relatant l’exemple des fermetures réalisées à Madagascar. Et peu à peu, d’autres villages de la commune se sont impliqués. Majimeouni, Hagnoundrou et Moinatrindri ont adhéré au projet et ont prévu des réunions de concertation pour décider de la fermeture de nouvelles zones en 2017… De quoi ouvrir des perspectives pour toute l’île de Mayotte.
Bientôt, dans le nord
Les habitants de l’autre site pilote, à Mtsahara (commune de Mtsamboro), s’apprêtent à fermer leur platier début 2017 mais avec méthode. En effet, ayant suivi l’expérimentation de Mbouanatsa, les pêcheuses de Mtsahara ne comptent pas agir dans la précipitation et savent que la réussite du projet nécessite quelques préalables: l’information de tous les habitants des villages environnants, une décision concertée de la délimitation de la zone, une bonne communication et l’organisation d’une surveillance collaborative entre le Parc naturel marin, la commune et les villageois.
En suivant l’exemple de Mbouanatsa, d’autres villages de Mayotte pourraient à leur tour participer à l’expérience. Sans aucun doute, il en va de la préservation du poulpe et des traditions culinaires et de pêche qui y sont liées.
RR
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