«Faire travailler un immigré clandestin dans une entreprise est un véritable délit. Cela peut entraîner de graves conséquences”, rappelle Philippe Léonardo, l’adjoint du procureur. Son réquisitoire visait M. Kassim*, 48 ans. Ce chef d’une entreprise de BTP comparaissait ce mercredi pour avoir employé « au noir » Ahmed*, son cousin, ressortissant comorien vivant clandestinement à Mayotte depuis plusieurs années. Le pot aux roses n’a été découvert que lors d’un accident de travail nécessitant l’intervention des pompiers, puis de la gendarmerie.
L’accident était heureusement sans gravité et Ahmed n’a pas souhaité se porter partie civile. Il avait obtenu ce travail de son cousin pour tenter de sortir d’une situation très précaire, avec une femme et trois enfants à charge. Ahmed l’avait même « supplié » son cousin de l’aider, selon Me Saliceti, l’avocate de l’entrepreneur, alors qu’il ne le souhaitait pas vraiment, à cause justement de potentiels ennuis avec la justice.
«Charité» en récidive
Ce n’était en effet pas la première fois que M. Kassim comparaissait pour ce motif. Il a même déjà été condamné deux fois par le passé par la justice. Cependant, plusieurs membres de sa famille étant des ressortissants comoriens clandestins, il était difficile pour M. Kassim de refuser de les faire travailler dans son entreprise. «Vous connaissez tous l’extrême précarité dont souffrent les immigrés clandestins à Mayotte», explique son avocate. «M. Kassim a simplement voulu permettre à son cousin de faire quelque chose de ses journées plutôt que de rester prostré chez lui. Il a également voulu lui permettre de rembourser les nombreuses dettes qu’il a contractées».
La plaidoierie tentait de nuancer le réquisitoire de Philippe Léonardo. Celui-ci remettait en question la nature charitable de l’acte de M. Kassim en affirmant qu’employer Ahmed « au noir » dans son entreprise était également tout bénéfice pour lui, puisqu’il ne payait aucune charge. Devant le constat de récidive, le procureur a également ajouté que « le respect des lois n’intéresse manifestement pas M. Kassim ». Le président Bouvart considérait d’ailleurs que si charité il y a eu, celle-ci était manifestement « mal placée ». L’accusé a donc été condamné à payer 200 jours d’amende à 10 euros.
Une fausse déclaration de paternité
La deuxième affaire mettant en jeu le problème de l’immigration clandestine était celle de M. Maoulida*, 60 ans, accusé d’avoir reconnu frauduleusement les jumelles de sa nièce afin qu’elle puisse obtenir son titre de séjour plus facilement. La déclaration de paternité a été faite normalement et ce n’est qu’un peu plus tard que certains agents de la mairie se sont rendu compte que le pseudo père des jumelles était en réalité… l’oncle de leur mère. Après enquête de la police et interrogatoire, M. Maoulida a reconnu ne pas être le père des jumelles et avoir fait cette déclaration pour permettre à sa nièce d’avoir des enfants de nationalité française.
« Je voulais que les jumelles aient un père », s’est défendu M. Maoulida à la barre. Le procureur n’a cependant pas été dupe de cet argument jouant sur la sensibilité et a rappelé à M. Maoulida qu’il n’avait nul besoin de faire une fausse déclaration de paternité pour s’occuper matériellement des jumelles de sa nièce. Son acte n’avait donc pour seul et unique but que de permettre à celle-ci d’obtenir pour facilement un titre de séjour ou d’éviter des mesures d’éloignement du territoire en devenant la mère d’enfants français.
Prison avec sursis
Les arguments du procureur ont eu gain de cause auprès du tribunal. Il a condamné M. Maoulida à 4 mois de prison avec sursis assortis d’une amende de 1.500 euros.
Les délits liés à l’immigration clandestine à Mayotte sont d’autant plus nombreux que les Mahorais possèdent bien souvent de la famille dans les trois autres îles de l’archipel. Ceux-ci voient comme une aubaine le fait de posséder des cousins, des oncles ou tantes dotés de la nationalité française et comptent sur eux pour les aider à l’obtenir. Le sens de la famille si ancré dans la culture de notre île empêche bien souvent les Mahorais de considérer cette entraide comme un délit, d’où les nombreux cas de ce genre jugés chaque année sur le territoire.
Nora Godeau
* Les noms et prénoms ont été modifiés
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