Depuis le 15 décembre, la moitié des communes de l’île, celles du sud, dépendantes de la retenue collinaire de Combani, ne peuvent ouvrir leur robinet qu’un jour sur trois. C’est à dire qu’il faut anticiper pour les douches, les déplacements aux toilettes, fermer les écoles, économiser les lavages de main… Les images des sanitaires du Centre universitaire diffusées par nos confrères de Mayotte 1ère sont éloquentes.
En métropole, ce n’est pas la fourniture de l’eau, mais d’électricité qui est menacée. Ce lundi, un titre barrait la Une du journal des Echos: «Électricité: la France menacée de pénurie». On y apprenait que le gestionnaire du réseau RTE indiquait vendredi dernier envisager d’avoir recours notamment aux importations face à la tension probable sur le réseau électrique.
On importe bien de l’électricité
Pourquoi cette solution n’a pas été mise en place à Mayotte? L’importation par tankers d’eau douce avait été envisagée lors de la presque pénurie de 2010, alors que le risque était moins fort qu’en cette fin 2016. Commencer par publier des arrêtés préfectoraux de restriction de ressource en eau était un premier pas, mais avec les prévisionnels inquiétants de Météo France, l’importation pouvait sembler inévitable, sous peine de provoquer une réelle discrimination. Mais elle n’a pas été décidée.
Chaque phrase, chaque mot de la loi Egalité réelle met encore plus en évidence cette injustice dans le traitement. «Nos compatriotes doivent disposer des mêmes droits et, au-delà, des mêmes opportunités de développement et d’épanouissement. C’est cela l’égalité réelle», déclarait même ce mardi Ericka Bareigts, la ministre des Outre-mer, en séance publique au Sénat.
Pas de réflexion sur le stockage des eaux de pluies
Dans son édito, le rédacteur en chef des Echos David Barroux, s’interrogeait «à qui la faute?», en avançant un «cocktail de mesures fortes» pour ne pas retomber dans le risque de pénurie, que nous pouvons aisément transposer. «Le plus important est sans doute de commencer à consommer moins», soumet-il. Ce qui mériterait à Mayotte des campagnes régulières d’économie d’eau dans un territoire insulaire.
Autre solution, l’investissement plus poussé dans les énergies renouvelables. Mais alors que l’installation des panneaux photovoltaïques et chauffe-eaux solaires ont été largement subventionnés, aucune aide pour les systèmes de récupération des eaux de pluie, de réducteurs de pression au robinet. Toutes les campagnes sont pensées pour la métropole, mais pas pour les Outre-mer.
Une retenue collinaire appelée Arlésienne
Quant à savoir qui est fautif de cette situation de pénurie, entre les atermoiements fonciers de la 3ème retenue collinaire (dont on entend parler depuis 10 ans) aux millions nécessaires que le conseil départemental n’a pas mis lors du précédent contrat de projet et ceux que l’Etat aurait du mettre depuis longtemps, se glissent les retards des liaisons nord-sud que le Syndicat des eaux avait entamées lors de l’alerte de 2010.
Ericka Bareigts dénonçait les différences de traitement entre la métropole et les territoires ultramarins en ces termes: «Ces écarts ne peuvent pas être acceptés au sein de notre République. Imagine-t-on les Vosges bénéficier d’une prestation sociale mais pas la Haute-Vienne?» En effet, imagine-t-on la région parisienne sans eau courante?
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte