Monter un resto : les galères et le courage d’Anissa

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Toute la semaine, à l’occasion des 25 ans de l’Adie, le JDM vous propose des portraits de Mahorais qui tentent de créer leur propre emploi grâce au micro-crédit. Aujourd’hui, à Kaweni, rencontre avec Anissa dont le projet peine à aboutir.

Anissa dans le chantier des futures cuisines de son restaurant
Anissa dans le chantier des futures cuisines de son restaurant

«Bienvenue dans mon restaurant !» Anissa vous accueille comme si vous étiez dans une des meilleures tables du département. La jeune femme est capable de vous présenter le menu dans le détail : traditionnel avec mataba, manioc, poulet, viande, mais aussi réunionnais avec des carrys ou encore des pizzas, buffet à volonté certains jours et des serveurs qui vous apportent vos plats en respectant la règle maison : le SBAM, sourire, bonjour, au revoir, merci.
Et pourtant, dans le resto d’Anissa, il n’est pas encore possible de manger. Dans la salle, pas de tables ou de chaises. Dans la cuisine pas d’équipements. Simplement du gravier, des tôles et un vaste chantier.

Le restaurant d’Anissa n’est pas encore ouvert. Depuis un an, elle multiplie les dossiers pour obtenir des aides pour créer son entreprise mais les réponses sont souvent les mêmes : «désolé, trop jeune».

Difficile d’être crédible à 20 ans

Anissa vient d’avoir 20 ans. Et malgré son énergie et sa volonté, elle peine à convaincre de sa capacité à mener à bien son projet. Seule, elle ne peut justifier de suffisamment d’expérience pour être crédible. Quand son père l’épaule, on la soupçonne d’être un prête-nom pour obtenir des aides destinées aux jeunes.

Contre vents et marées, Anissa y croit : «Avec mon père et mon mari, j’ai deux coaches !» Et toute la famille ne cesse de l’encourager. Ses sœurs, étudiantes, son frère qui fait médecine, même les plus jeunes encore au lycée ou au collège. Grâce à eux, le chantier a bel et bien démarré. Ensemble, ils ont rassemblé les 32.000 euros nécessaires au gros-œuvre. L’Adie lui a prêté 4.200 euros, mais il en manque encore un peu pour finir le chantier et s’équiper. Seules la friteuse et la rôtissoire sont déjà achetées. Elle attend le déblocage des derniers dossiers et les fonds qui vont avec.

Restaurateur, un truc de mec

Anissa avec Ali, son père
Anissa avec Ali, son père

La cuisine, elle l’a apprise grâce à son père. «Chez moi, on dit toujours que les hommes savent mieux préparer que les femmes. Donc, je me suis dit, je vais faire un truc de mec. Il n’y a pas beaucoup de femmes qui tiennent des restaurants à Kaweni. Les filles, elles ont surtout des salons de coiffure ou des magasins d’esthétique. Je veux leur montrer qu’on peut faire autre chose.»
En montant ses dossiers, elle a réalisé une petite étude de marché. Elle a fait le tour des nombreuses entreprises, administrations et même des pompiers de kawéni pour savoir s’ils pourraient venir dans son restaurant. La réponse a toujours été positive, certains lui ont promis des commandes dès son ouverture.

«A Kaweni, certains disent que je vais y arriver, d’autres ont des doutes, confie Anissa. Aujourd’hui, il faut évoluer. Beaucoup de jeunes n’ont pas de boulot et ils ont peur de monter leur entreprise. Je veux leur prouver qu’il ne faut pas avoir peur. Il faut fournir beaucoup d’efforts, mais il ne faut pas baisser les bras. En tout cas, moi, je ne les baisserai pas.»

Anissa met toute son énergie pour que tout se débloque rapidement et démarrer dès le mois de mai. Elle espère ainsi nous permettre de déguster son gula gula, son boitam ou ses donas, les pâtisseries qui, pour l’instant, ne font le bonheur que de ses proches.
RR

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