C’était une absurdité européenne dénoncée sans relâche par les Outre-mer français: nos flottes de pêche ne pouvaient pas recevoir de subventions nationales et européennes pour leur renouvellement et leur modernisation pour cause de surpêche… auxquelles elles ne participent pas! Ce jeudi, le parlement européen a voté un texte qui entrouvre la porte à une adaptation des textes pour les régions ultrapériphériques (RUP). Le «rapport sur la gestion des flottes de pêche dans les régions ultrapériphériques» préconise la mise en place d’une politique adaptée pour nos territoires, en particulier grâce à un amendement porté par de nombreux eurodéputés dont Younous Omarjee.
L’idée est donc de permettre «le financement des navires de pêche artisanale et traditionnelle des RUP qui débarquent la totalité de leurs prises dans les ports de ces régions et qui contribuent au développement local et durable, et ainsi de renforcer la sécurité des personnes, respecter les normes européennes en matière d’hygiène, lutter contre la pêche INN (non déclarée et non réglementée) et améliorer l’efficacité environnementale». L’amendement ajouté au rapport précise également que «ce renouvellement de la flotte de pêche doit rester dans les limites de la capacité autorisée, se limiter au remplacement d’un ancien navire par un nouveau, assurer la durabilité de la pêche et permettre d’atteindre l’objectif de rendement maximal durable».
Pour Younous Omarjee, «une fois de plus, c’est au Parlement européen que sont enregistrées les principales avancées pour les RUP. C’est 5 ans de travail, c’est 3 mois de mobilisation permanente au Parlement européen, c’est notre engagement sans faille auprès de tous nos pêcheurs, c’est le fruit d’un travail collectif, et c’est une victoire pour les RUP.»
Réparer une injustice
Comme ses collègues des RUP françaises, espagnoles et portugaises, l’eurodéputé était monté au créneau dans l’hémicycle européen pour défendre ce texte. «De quelles surpêche les Outre-mer seraient-ils coupables?» s’interrogeait-il. «Dans l’océan Indien, d’où je viens, les Réunionnais pêchent 0,16% du total de ce qui est pêché… 0,16% ! Soit pas plus de 2.500 tonnes sur les 1.600.000 tonnes pêchées dans nos eaux par les flottes internationales et européennes. Voilà, l’injustice et voilà ce que notre amendement veut corriger.»
Il dénonçait ainsi l’argument d’une surexploitation de la ressource qui, lorsqu’elle existe, n’est pas causée par les pêcheurs locaux. Comment les pêcheurs artisanaux de Mayotte pourraient-il rivaliser avec les flottes de thoniers qui agissent dans notre région? «Ce que nous demandons est raisonnable car conditionné, vous le savez, au respect scrupuleux des principes de durabilité», avait fait valoir Younous Omarjee.
Le député parle d’un «long combat» et pourtant, face aux «caractéristiques et contraintes particulières» des RUP, le Traité de l’Union reconnaît dans son article 349 que des «mesures spécifiques» peuvent y être mises en œuvre, notamment «dans les domaines de l’agriculture et de la pêche». Ainsi, pour l’agriculture, les RUP bénéficient de compensations financières via des programmes spécifiques comme le POSEI. En revanche, à ce jour, aucun dispositif adapté n’existe dans le domaine de la pêche, malgré l’importance de cette activité dans nos régions du fait de notre insularité.
Face aux lobbys
Contre ce document, les associations de protection des océans étaient à la manœuvre, expliquant que la solution n’était pas de permettre des aides mais de lutter contre les pêches illégales. Elles craignaient aussi que le lobby des industriels du secteur s’engouffre dans la brèche, alors que les subventions européennes ont été interrompues dans ce secteur depuis 2002.
Pour Younous Omarjee, ces arguments relevaient de «campagnes mensongères» pour tenter de faire échouer le texte. L’eurodéputé Isabelle Thomas, citée par nos confrères du Monde, était sur la même ligne: «Il s’agit juste de remplacer un bateau vétuste par un bateau neuf. La question n’est pas d’augmenter la capacité de pêche dans les outre-mer, où 70% de l’activité concerne de toutes petites embarcations de deux à quatre mètres de long. Seulement il n’y a pas d’investisseurs privés prêts à mettre de l’argent pour cela. Ce sont des zones qui connaissent la grande pauvreté, pourquoi ne pourraient-elles pas bénéficier d’un traitement d’exception comme c’est déjà le cas de l’agriculture des RUP?» plaidait-elle.
La balle dans le camp de la Commission
Le rapport est donc voté mais «le combat n’est pas encore gagné», relève néanmoins Younous Omarjee. Il appartient désormais à la Commission européenne et aux représentants des gouvernements des états membres «de se mettre à l’écoute du vote fort» du Parlement européen. «Nos demandes sont très claires: un POSEI pêche et l’autorisation des aides pour le renouvellement des flottes des RUP», conclut l’eurodéputé.
Plus que jamais accusée de surdité face aux différentes crises que traversent les pays de l’Union, l’Europe pourra-t-elle restée sourde à cet appel conjugué des RUP et du Parlement européen? Il faut encore faire preuve de patience pour connaître la réponse.
RR
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