Le code du travail national va entrer en application à Mayotte dès le 1er janvier 2018, mais pas en intégralité. 95% de ce cadre réglementaire sera transposé chez nous. Pour les 5% restant, il faut encore attendre quelques mois supplémentaires. Il faut encore adapter d’autres textes, comme par exemple le code de la sécurité sociale. Parfois ce sont des raisons économiques qui ont été été jugées suffisamment importantes pour décaler des mesures dans le temps.
C’est ce qui ressort du tout dernier projet d’ordonnance du gouvernement qui vise à adapter le code du travail national à Mayotte. Le texte est actuellement présenté aux organes consultatifs et aux partenaires sociaux. Et le changement le plus spectaculaire est la durée du travail.
Les 35 heures vont entrer en application à Mayotte à partir du 1er janvier prochain pour les entreprises de plus de 20 salariés. Les entreprises de moins de 20 salariés passeront obligatoirement aux 35 heures un an plus tard, le 1er janvier 2019, mais celles qui basculeront plus tôt recevront des aides.
Un délai pour les petites entreprises
17 ans après la métropole, Mayotte qui est encore aux 39 heures, rejoint donc la durée légale nationale du travail. Pour les salariés, ce grand changement se fera sans réduction de salaire. Ce sera donc 35 heures payées 39. Ce qui permet au SMIG mahorais de s’aligner sur le SMIC national en taux horaire.
Pour les entreprises, Bernard Cazeneuve, Premier ministre jusqu’à ces derniers jours, a décidé qu’un dispositif d’accompagnement sera mis en place, sur le modèle de ce qui avait été fait par Martine Aubry en métropole lors de la réduction du temps de travail. Cela devrait limiter l’augmentation du coût de la main d’œuvre.
Le décalage de ce passage aux 35 heures en fonction de la taille de l’entreprise s’explique par les problèmes d’organisations des plus petites structures. Elles disposent d’une année supplémentaire pour imaginer une nouvelle organisation en lien avec ce nouveau temps de travail.
Le tribunal du travail jusqu’en 2022
D’autres mesures sont également reportées, d’une ou de deux années. Ainsi, pour que la médecine du travail entre en vigueur, le code de la sécurité sociale doit encore être adapté, décalant au 1er janvier 2019 l’entrée du dispositif.
Quant au Conseil des Prud’hommes, il ne sera mis en place qu’au 1er janvier 2022, le tribunal du travail de Mayotte continuant de gérer les litiges jusque-là. Les partenaires sociaux auront ainsi le temps de s’approprier le nouveau texte et Mayotte sera callée sur les échéances nationales. La prochaine élection de ces conseils prudhommaux étant fixée en 2022.
Le nouveau gouvernement
Ce projet d’ordonnance est donc la fin d’un très long travail mené depuis la départementalisation et plus encore depuis 2015, pour transposer à Mayotte le code du travail national à Mayotte. Mais deux éléments viennent troubler cette fin de processus. Le premier, c’est le changement de gouvernement. C’est bien le gouvernement de Bernard Cazeneuve qui a signé le projet d’ordonnance. Mais avant qu’il soit validé par le Conseil d’Etat, il va devoir être également approuvé par l’actuel gouvernement d’Edouard Philippe.
L’autre élément, c’est la réaction des organisations syndicales. Elles se montrent hostiles à cette ordonnance, ne retenant que les reports d’application et oubliant un peu vite les nombreuses mesures qui sont incontestablement des avancées sociales majeures pour Mayotte.
FO hostile au texte
Leurs prises de position visent, par exemple à émettre des avis négatifs dans les organes consultés. Ainsi, en fin de semaine dernière, FO a quitté la commission consultative du travail (CCT). Pour l’organisation, ce texte «bat en brèche le contrat social et la volonté du législateur en osant favoriser le report à 2019, 2020 voire 2022 d’une grande partie des dispositions législatives concernant les droits des salariés.»
La CCT doit se prononcer à la fin du mois et FO a déjà fait savoir qu’elle émettra un avis négatif, parlant «d’humiliations» et d’une «déchéance de nos droits sociaux au grand profit du patronat et aux grands préjudices des salariés de Mayotte.»
La CGT contre les reports
La position est la même pour la CGT Ma. De façon probablement très excessive, elle évoque «un code du travail vidé de tout droit pour les salariés de Mayotte avec des renvois des droits après janvier 2018». Elle «n’accepte pas que les salariés de Mayotte soient des salariés français de seconde zone». Elle s’y opposera.
Même chose à la commission de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, où FO et CGT ont voté contre, la CFDT et l’union nationale des associations familiales (UNAF) ont voté pour, les organisation patronales se sont abstenues.
Reste que, malgré ces réactions, le code du travail va effectivement très largement s’appliquer dans notre département au 1er janvier, faisant entrer l’économie mahoraise dans une ère radicalement nouvelle. Le temps du droit commun est venu.
RR
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