Huit ans de prison ont été requis contre Nail Varatchia, dont une période de sûreté des 2/3 et son inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes. Le procureur de la 16e chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris, spécialisée dans les affaires liées au terrorisme, n’a pas été convaincu par la «rédemption» revendiquée par le jeune Réunionnais. Nail Varatchia est poursuivi pour «apologie du terrorisme» et «association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste».
Le magistrat a estimé que le prévenu a bien œuvré aux départs de jeunes vers des zones de combat et qu’il a encore un potentiel d’influence sur des personnes faibles et qu’il conserve des idées pro-djihad.
Nail Varatchia est donc accusé d’être un prédicateur salafiste. Jusqu’en 2015, ce jeune homme aurait embrigadé et envoyé plusieurs Réunionnais au djihad en Syrie et en Irak. Deux ans après son arrestation, il est le premier Domien poursuivi dans ce type d’affaire.
Les faits qui lui sont reprochés débutent en 2013. À l’époque, Naïl Varatchia, dont la famille installée à Saint-Denis, présente une réputation irréprochable, revient de plusieurs voyages en Europe et à l’étranger pour parfaire sa connaissance de l’islam, à l’instar de nombreux jeunes Réunionnais musulmans. Mais Naïl Varatchia aurait enchaîné les mauvaises rencontres. Après un passage dans un institut à l’image sulfureuse en Angleterre (la structure a d’ailleurs été fermée depuis), c’est en métropole que, de son propre aveu, il se laisse embrigader.
Un influent prédicateur, qui préside une association de la région parisienne -et qui, là encore, a beaucoup fait parler d’elle par la suite-, le convainc de rallier l’idéologie d’Al Qaïda. La plongée dans l’obscurantisme est ensuite scellée lors d’un nouveau voyage, en Egypte cette fois. Là-bas, il suit les cours d’un institut théologique aux contours douteux.
17 élèves
À partir de ce dernier voyage, Naïl Varatchia aurait épousé complètement les théories salafistes et, de retour à Saint-Denis, se serait lancé rapidement dans une démarche de propagande : prêches et recrutements dans les mosquées, ses activités débouchent sur son exclusion de ces lieux de culte.
Mais il dispose alors de plusieurs disciples, jusqu’à 17 élèves, auprès desquels il va assurer ses séances d’enseignement plusieurs fois par semaine, dont des entraînements au combat avec musculation et exercices de type militaire, y compris au tir avec des carabines à plomb.
L’homme reconnaît avoir fait l’apologie du terrorisme, via ses cours et de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, mais réfute toute incitation à partir au djihad en Syrie et en Irak, dans les rangs de Daesh (Etat islamique) ou du front Al-Nosra (filiale syrienne d’Al Qaïda). Mais plusieurs de ses élèves, interpellés en même temps que leur prédicateur et également poursuivis, affirment le contraire.
Délibéré le 28 juin
L’enquête a par ailleurs démontré que le Dionysien entretenait des contacts réguliers, toujours via les réseaux sociaux, avec des figures du djihadisme. Certains de ses anciens adeptes ont également affirmé qu’il leur aurait confié un projet d’attentat à La Réunion.
Le jeune homme qui encourt 10 ans de prison sera fixé sur son sort le 28 juin. Mais déjà, la presse réunionnaise relève que ce procès pose de nombreuses questions.
Pendant les 6 heures de son procès, Naïl Varatchia a présenté ses actes comme «des bêtises» ou «des erreurs d’un jeune homme qui se cherchait à l’époque». Sauf qu’ici, «l’égaré» est présenté comme d’«une intelligence hors du commun».
Expliquer un tel basculement
Nos confrère du JIR estiment qu’il est «loin d’être un de ces délinquants perdus et convertis qui cherchent une reconnaissance immédiate dans ce djihad trompeur et meurtrier». Sa dérive viendrait «d’une certaine crispation de la communauté musulmane de la Réunion» et de frustrations accumulées. Dépassées, la communauté comme sa famille ont balayé ces interrogations d’un revers de main, laissant malgré elles le champ libre aux prédicateurs spécialisés dans le ralliement de ces ‘égarés’ aux thèses les plus extrêmes, notamment sur internet».
Naïl Varatchia se serait ensuite créé «un personnage pour exister», estime un avocat. Comme le souligne des experts qui l’ont suivi en détention pour rédiger un rapport sur sa radicalisation, Naïl Varatchia présente un profil de «leader positif et ouvert au débat» : «Ses connaissances lui permettent de développer un argumentaire construit face aux thèses extrémistes. Il rejette la violence et n’a pas de ressentiment».
Son «personnage» doit aujourd’hui questionner la communauté musulmane de La Réunion, pour résoudre ce qui reste malgré une énigme : le basculement vers le pire de jeunes sans histoire.
RR
le JDM, avec le JIR.