Il ne s’agit d’ailleurs plus seulement d’une idée, mais de dossiers, avec plan de marketing et études de marché pour certains, « depuis les deux sessions précédentes, nous avons amélioré la formule des 5 Jours pour Entreprendre (5JPE), pour que ces chefs d’entreprise en devenir puisse tester leur projet sur le terrain », explique Alexandre Kesteloot, Directeur du Pôle Entreprises à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte (CCIM). L’opération est financée par le Pôle emploi.
Les 14 hommes et femmes qui sont studieusement penchés sur un quizz en attendant l’épreuve fatidique de questions réponses avec le jury, ont été coachés pendant 5 jours à l’issue desquels ils n’ont qu’une obligation, « réussir ».
Et cela passe par un test devant quatre professionnels qui leur font face, et qui commencent par leur détailler la galère qu’ils ont traversée pour mener à bien leurs projets. Pas question de décrire une réalité rose-bonbon sous prétexte qu’il faut un exutoire à un marché du travail bouché.
La réussite au bout du Bac Pro
Première membre du jury à se présenter, Sophiata Souffou, propriétaire du gros douka de Chirongui et de la boulangerie de Tsimkoura, a eu à essuyer des tempêtes quand elle a voulu s’étendre il y a 10 ans : « Je suis mère de 6 enfants, et mon travail me plaît. J’aime les gens ambitieux. Lorsque j’ai voulu installer ma boulangerie, la concurrence a été menaçante, mais j’ai tenu bon. »
Nadine Hafidou est aussi un exemple à suivre, qui a lancé il y a 10 ans son bureau d’études dans le bâtiment Deltah : « Beaucoup de secteurs sont bouchés ici, profitez des réseaux qu’offre la CCIM ».
Se lancer sur le secteur de la sécurité de haut niveau, il fallait oser. Bourahima Ali Ousseni a relevé le défi en créant la SAS UPS Sécurité, « leader sur le territoire », et dont les clients sont « le ministère de l’Intérieur, celui de la Défense ou de l’Agriculture ». Il revient sur son lancement, c’est du vécu : « Ça a été très très très dur pour moi, répètera-t-il à plusieurs reprises, mes concurrents étaient de hauts fonctionnaires qui avaient déjà de solides réseaux. » Et tout ça, avec un Bac Pro en poche. « Je m’adresse à ceux qui dépendront de la commande publique, attention aux délais de paiement et aux concurrents qui cherchent à vous intimider ».
Savoir surmonter les échecs
Christophe Lemoosy est le 4ème membre du jury qui mettra lui aussi en garde : « J’ai renoncé à lancer ma laverie automatique en 2017, puis j’ai retenté en 2004, depuis Nickel Chrome a grossi. J’ai donc créé une société de communication de panneaux publicitaires à led, puis j’ai repris un restaurant, ‘La Mangrove’, zone Nel et le City snack 101. »
Des parcours qui doivent inspirer les candidats à la création d’entreprise, tout en les mettant en garde.
Boutique dédiée au Manzaraka, franchise de remplacement de pare-brises, société d’évènementielle ou encore traiteur à domicile : les projets sont aussi ambitieux que variés. Ils seront passés au crible par le jury qui n’aura qu’un objectif, « en mesurer la crédibilité », nous glisse Nadine Hafidou.
S’imposer en secteur concurrentiel
L’ouverture d’un snack à Mramadoudou par exemple, avec comme débouché, « la livraison de plats locaux et chauds à l’hôpital et aux pompiers », explique la jeune femme qui le porte. Un secteur géographique que connaît bien Sophiata Soufou qui l’interroge sur son équipe de travail, « vous savez que des prestataires livrent déjà à l’hôpital ? Il faut proposer un plus. » Oui elle sait, elle a fait son étude de marché.
Mais le jury poursuit, « il faut se démarquer de l’existant, il vous faut une véritable stratégie pour que les clients potentiels aient envie de vous choisir, vous », appuie Nadine Hafidou, tandis que Christophe Lemoosy lui conseille de prendre contact avec l’organisme de délivrance des tickets restaurant.
L’après-midi se déroulera sur ce ton, mi alarmant-mi encourageant. Il n’est plus question de booster sans assurance que le créneau est bon et que la femme ou l’homme qui est derrière, a suffisamment la niaque pour aller jusqu’au bout.
Ils seront tous les 14 accompagnés pendant deux mois.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte