Ansoirdine Ahamada vient d’avoir le bac. A Dzoumogné, il a décroché son diplôme en filière technicien d’études du bâtiment (TBEE). Son dossier a été accepté dans une école professionnelle à côté de Grenoble. C’est là qu’il compte poursuivre ses études et acquérir des qualifications qui pourraient le mener vers des postes d’encadrement dans le secteur du bâtiment… Et pourtant, il ne pourrait ne pas partir. Ansoirdine n’a pas de passeport français ni même de titre de séjour. Il fait partie de la centaine de bacheliers étrangers sans papiers de Mayotte, bloqués dans la poursuite de leurs études supérieures.
L’an dernier, des étudiants dans la même situation avaient créé un collectif, après une manifestation et une pétition envoyée à la préfecture. Une rencontre avec le préfet avait débouché sur la création d’un dispositif, renouvelé cette année, pour accélérer les démarches administratives des futurs étudiants.
«La préfecture avait posé des conditions : décrocher le bac, trouver une place dans un établissement supérieur et avoir un numéro de dossier complet à la préfecture. On a essayé de faire tout ce que la préfecture demandait, comme envoyer les relevés de notes. Mais à ce jour, nous n’avons aucune nouvelle», explique Ansoirdine Ahamada.
Le silence de la préfecture
«L’année dernière, les étudiants qui passaient par ce dispositif ont été contactés par les services de la préfecture dans un délai de 5 à 15 jours alors que cette année aucun étudiant n’a été contacté sachant que dans un mois, ils doivent reprendre les cours», explique le collectif dans un communiqué. Une situation que confirme Ansoirdine: «C’est vrai que les cours commencent début septembre. Mais beaucoup d’entre nous sommes confrontés à un autre problème. Nous sommes préinscrits mais il faut se rendre sur place pour confirmer notre inscription».
Le «collectif des étudiants étrangers vivant à Mayotte» explique cette situation de blocage par la longueur des procédures de demande de titre de séjour étudiant. «Même si les étudiants ont fait leur demande de titre avant leur année de terminale, beaucoup de temps s’écoule pour qu’ils obtiennent une convocation ou un récépissé de demande. En vérité, la préfecture ne respecte pas les délais de traitement des dossiers», regrette le collectif.
Et si l’accession de ces bacheliers aux études supérieurs est ainsi remise en cause, le collectif rappelle aussi que «sans la carte de séjour, les jeunes sont bloqués dans leurs démarches administratives auprès des autres organismes scolaires qui s’occupent de l’attribution de la bourse nationale et des billets pour les poursuites d’études supérieures (LADOM et le CROUS)».
«Sans études, sans avenir»
Comme Ansoirdine, la plupart de ces jeunes vivent avec leur famille dans notre département depuis longtemps et ils y ont effectués toute leur scolarité. Lui par exemple, est arrivé en 2005, il y a 12 ans. Et pour ces étudiants en stand-by, les solutions ne sont pas très nombreuses. Certains vont probablement obtenir des documents dans les semaines ou mois qui viennent, ce qui leur permettra de commencer une année post-bac avec du retard. D’autres vont rester dans leur famille pour une année blanche. Et certains, comme Ansoirdine, se préparent à refaire une année de terminale. «Si je n’ai pas le titre de séjour à temps, le lycée de Dzoumogné m’a proposé de refaire une année pour repasser le bac dans une autre filière. C’est la seule solution que j’ai. Parce que rester dehors à ne rien faire… ce n’est pas du tout mon premier choix !»
Le collectif a écrit au préfet et s’il n’obtient pas de réponse dans les deux semaines, ces bacheliers privés d’études ont promis d’organiser une manifestation sous le slogan : «sans études, sans avenir».
«On a travaillé pour construire quelque chose. On ne veut pas être coincés. On ne veut pas qu’on nous prive de nos chances», conclut Ansoirdine.
Pierre Mansencal
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