La 3e Journée du Savoir organisée à Tsingoni était l’occasion de mettre en avant certaines individualités aux parcours prometteurs et porteurs d’espoir. Au terme de cette journée, un concours de «portrait-projet» a récompensé 3 personnalités. Au total, cinq personnes avaient présenté leurs parcours, projets et ambitions devant les participants et le jury.
Plusieurs critères permettaient d’apprécier les candidats: l’exhaustivité de la présentation, l’écho et la concrétisation sur Mayotte, la qualité des réponses apportées aux interrogations d’un jury composé de deux journalistes, d’une doctorante, d’un représentant de la BGE et d’Hidaya Chakrina, la directrice de la culture et du patrimoine au conseil départemental.
Ainsi, les trois profils ayant fait l’unanimité possèdent chacun des éléments atypiques attestant de leur courage mais surtout de leur détermination. M’colo Ibrahim, Soula Fatahou et Said Ali Zeinaba ont su convaincre par leur lucidité sur les handicaps et les opportunités de Mayotte. Ils sont parvenus à mettre en lumière la charge revenant à la jeunesse d’aujourd’hui qui doit s’impliquer pour le futur de notre territoire.
La « douche froide » métropolitaine
Le point commun aux trois lauréats est l’obtention du baccalauréat suivi d’un départ vers la métropole. C’est alors que les difficultés liées à l’isolement, l’inadaptation, le niveau scolaires et l’environnement général ont émergé. Pour la seconde lauréate Zeinaba, la transition entre Mayotte et la métropole a été une des étapes «les plus compliqués à vivre».
Et comme pour Soula Fatahou (3ème prix du concours), la première année loin du berceau familial s’est soldée par un échec après lequel il a fallu rebondir. «Après mon baccalauréat scientifique au lycée Younoussa Bamana, je souhaitais absolument devenir sage-femme. Mais en arrivant en faculté de médecine en métropole, ce fut la douche froide. Je n’ai pas réussi à m’adapter et finalement j’ai raté mon année», explique Zeinaba. Mais elle ne s’est pas découragée. Elle s’est réorientée en biologie, a validé une licence avant de se spécialiser en biochimie en Master 1 pour finalement valider un Master 2 en épidémiologie et écologie.
Ne pas se décourager face aux échecs
Si Zeinaba, M’colo et Fatahou ont réussi leurs parcours, il leur aura fallu une détermination sans faille. «Au bout d’un mois en IUT, je voulais rentrer à Mayotte», confie Fatahou. Après une année stérile, il s’est réorienté.
Au terme de sa première année de médecine, Zeinaba avait renoncé à son rêve de devenir sage-femme. Elle ne s’est pourtant pas laissé abattre. «Je tiens à dire que ça a été dur. J’ai dû abandonner une première fois mais j’ai persévéré. Après mon Master 2, j’ai entamé une thèse qui n’a pas été financé et qui finalement n’a pas abouti. Je ne me suis pas découragé et j’ai effectué un second master 2. Ca a été difficile, mais aujourd’hui je suis fière d’avoir tenu. J’ai nommé ma présentation ‘rebondir de nos échecs’ pour que chaque Mahorais parti étudier sache que rien n’est jamais terminé tant que la volonté est là ».
Ancrer son parcours dans la réalité du territoire
Après leurs études et quelques années d’expérience, les trois lauréats ont décidé de «rentrer au pays», notamment pour «apporter sa pierre à l’édifice», prône M’colo Ibrahim. Et c’est fort de son expérience dans le tourisme qu’il a su s’imposer dans de grands projets à Mayotte. «Je suis aujourd’hui fier de dire que j’ai travaillé activement au sein du Conseil départemental pour mettre sur pied le projet du MuMa. Aujourd’hui, la triste réalité du secteur touristique à Mayotte anime chez moi une envie de me lancer par moi-même dans un projet. Je vais donc créer mon entreprise mais je ne veux pas dévoiler mon idée !»
Soula Fatahou, aujourd’hui développeur informatique à la SIM, traduit aussi ses enseignements dans son quotidien à Mayotte. «En tant que Mahorais, je vois le monde qui m’entoure et je vois quels sont les handicaps qui bloquent notre développement. Il nous faut dresser un cap concret d’investissement car les prérequis ne sont pas là ! Donc nos jeunes abandonnent et leurs projets n’aboutissement pas. Je voulais faire passer un message pour que la jeunesse prenne conscience des opportunités sur ce territoire où tout est à faire. Je voulais aussi faire comprendre aux institutions locales qu’il faut vraiment se bouger si l’on veut avancer. Tous les jours, par mes actes et avec mes moyens, je tente de faire prendre conscience de ce problème».
Si ces parcours ont tant touché le jury, c’est parce que le message partagé est clair : malgré les difficultés, il ne faut pas abandonner car notre île a besoin de capital humain. Il s’agissait donc d’une bouffée d’espoir pour les primo-partants présents à l’événement.
Ludivine Ali
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