L’intense développement du parc automobile à Mayotte ces dernières années nous a tous rendus dépendants à la voiture, particuliers comme entreprises. Grâce aux transports, l’activité économique s’est structurée à l’échelle du département. Conséquence, il suffit que les grévistes de Total coupent les vannes du carburant pour qu’en une semaine, Mayotte frôle l’asphyxie. La plupart des secteurs économiques sont désormais en danger : les entreprises du BTP tournent déjà au ralenti, quand les entreprises ne sont pas à l’arrêt, comme les commerces et les grandes surfaces qui constatent que leurs clients ne peuvent plus se rendre chez eux… les clients et leurs salariés.
De nombreux pêcheurs se plaignent également de ne pas avoir accès au carburant. Ainsi, ce samedi après-midi à la station marine de Petite Terre, malgré l’arrêté préfectoral permettant « aux professionnels de la mer » d’en bénéficier, seuls les prestataires nautiques pouvaient effectivement se servir.
L’agriculture est aussi très fortement impactée. A Mayotte, les agriculteurs de métier doivent souvent se déplacer sur des parcelles très éloignées les unes des autres sur lesquelles se trouvent leurs cultures et leurs élevages. Se déplacer, un véritable tour de force actuellement quand on ne peut mettre que 30 euros de carburant dans son véhicule après des heures et des heures d’attente. Et dès demain, la crise du carburant va se transformer en crise de l’élevage.
«Nous élevages de poulets vont mourir», alerte Naouiroubbine Matoir, des Jeunes agriculteurs (JA) de Mayotte. «Nous ne sommes plus en mesure de ravitailler les exploitations de poulets de chair en aliment. Dès demain dimanche, certaines exploitations de productions de volaille seront en rupture d’aliment».
Des poulets condamnés, les agriculteurs responsables
Contrairement aux exploitations de poules pondeuses qui disposent généralement de silos à grains, les élevages de poulets fonctionnent avec des stocks très réduits. Les groupements de producteurs se ravitaillent auprès d’Ekwali, le producteur mahorais d’aliments pour animaux installés à Ironi Bé. Les camionnettes des groupements distribuent ensuite l’aliment aux exploitations. Le site de production de volailles de Naouiroubbine Matoir, à Combani, fait partie de ces fermes en crise.
«Moi, je n’ai plus d’aliment à partir de demain et nous sommes plusieurs dans ce cas. Les autres vont suivre rapidement. Ce qui va se passer, c’est que les poulets, privés de nourriture, vont commencer à se piquer et on va avoir une forte mortalité. Le problème concerne bien sûr les animaux mais nous, agriculteurs, nous sommes pénalement responsables. Quand on prive un animal de nourriture, c’est considéré par la justice comme de la maltraitance animale.»
Et les conséquences pourraient impacter toute la chaîne de production, y compris l’atelier de transformation agroalimentaire de Coconi, avec des emplois à la clé. «Nous avons alerté la DAAF* et le préfet. Et ce qui me touche le plus, c’est que ce samedi matin, nous n’avons toujours pas eu de réponse». Comme tous les jours depuis le début du conflit social chez Total, une réunion de crise doit se tenir ce samedi en fin d’après-midi à la préfecture. Il sera donc peut-être question de dispositions pour sauver du naufrage une filière qui ne plus tenir très longtemps sans carburant.
PM
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*DAAF/ direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt