« L’administration fiscale est un paquebot, pas un hors bord. Les ajustements prennent du temps ». Cette métaphore de Jean-Marc Leleu, directeur des finances publiques de Mayotte, résume une heure trente d’échanges. Ces changements sont globalement des bonnes nouvelles pour les Mahorais. L’agenda de leur mise en oeuvre, moins.
Les changements les plus pratiques, et les plus utiles dans l’immédiat, participent de la volonté de dématérialisation des services fiscaux. Utile car « il y a beaucoup de monde qui se déplace au SIP de Mamoudzou ». En somme, de plus en plus de démarches peuvent être réalisées en ligne. Presque toutes d’ailleurs, dès lors que l’on est connu de l’administration, et que l’on dispose d’un numéro fiscal.*
Sur le site impots.gouv.fr, on peut aisément déclarer ses revenus, payer ses impôts, retrouver un avis fiscal jusqu’à 10 ans en arrière. Tout cela, depuis un ordinateur ou un smartphone. Facile d’utilisation, la télédéclaration gagne du terrain à Mayotte, où le nombre de télédéclarants est passé en un an de 12 000 à 16000, soit 30% de plus. Sur un total de 70 000 déclarants, on est toutefois encore loin du taux de 50% de déclarations en ligne observé en métropole. Le même site permet de payer ses contraventions, acheter des timbres fiscaux (pour les cartes grises, ce service est prévu pour les prochains mois) ou consulter le plan cadastral.
Une invention mahoraise est même utilisable depuis début septembre : la fisco-carte. Sur ce document officiel figurent deux numéros qui permettent à n’importe qui de retrouver l’avis d’imposition du porteur de la carte. Une manière de fournir ce document à sa banque ou à son propriétaire par exemple, sans avoir à imprimer ou photocopier l’avis. Sécurisant aussi pour le demandeur, puisque le document fourni sur le site du Fisc n’est pas falsifiable.
Cette dématérialisation donc gagne du terrain, et devra en gagner encore plus. En effet, s’il est déjà obligatoire de payer en ligne les impôts supérieurs à 2000€, ce plafond sera abaissé à 1000€ en 2018 et 300€ en 2019. La quasi totalité des ménages imposables devra ainsi payer depuis un écran. « Ca va être quelque-chose à accompagner » admet le directeur des finances publiques locales, conscient que tous les logements de Mayotte n’ont pas un ordinateur ou un accès à internet, et que beaucoup d’habitants restent attachés au paiement en numéraire.
La mauvaise nouvelle porte sur les baisses d’impôts largement médiatisées, mais qui ne sont pas d’actualité cette année. Pour les impôts locaux, on peut citer l’amendement Thani, inscrit au bulletin officiel au mois de mars 2017, qui doit entraîner une baisse de 60% de la valeur locative à Mayotte. Cette baisse substantielle de la taxe foncière ne s’appliquera qu’à partir de 2018. « On a des taux dignes des grandes villes françaises, la loi a été votée comme ça, on est obligés de l’appliquer. Depuis 2014, il y a eu des réclamations et des remises gracieuses » précise Jean-Marc Leleu qui, en attendant l’application de l’amendement Thani, prône une étude « au cas par cas » des contribuables exposés à des « impôts exorbitants ».
Idem pour la baisse de la taxe d’habitation promise par Emmanuel Macron, qui doit faire sortir 80% des ménages de cet impôt. La loi n’étant pas encore voté, elle ne s’appliquera au plus tôt, qu’en 2018. Ce projet de loi devrait s’étaler sur 3 ans, soit une baisse de 30% chaque année jusque 2020. Les éventuelles baisses ou hausses de taux d’imposition cette année ne pourraient donc venir que des communes, mais à ce jour, l’administration fiscale n’a »à ce stade aucune vision sur la campagne de la Taxe d’Habitation ».
Patience donc.
Yohann DELEU
*Pour créer son espace en ligne, l’administration a édité ce dépliant : Dépliant impôts