La semaine dernière, nos confrères de Kwezi TV relataient la libération d’un suspect de braquage à la fin de sa garde à vue. Le parquet expliquait au JDM qu’il s’agissait d’une stratégie d’enquête. Néanmoins, la nouvelle a été mal accueillie et mal comprise par une partie des fonctionnaires du commissariat, mais surtout de la population.
A l’abri derrière leur écran, des internautes se sentent depuis pousser des ailes. Libres d’injurier, de menacer. Certains invoquent la liberté d’expression, mais cette dernière n’autorise pas tout. Alors un rappel s’impose.
En effet, la loi de 1881 relative à la liberté de la presse garantit à chaque citoyen le droit d’exprimer son opinion. Mais les injures, les menaces, la diffamation, l’atteinte à la présomption d’innocence, ne rentrent pas dans ce cadre et sont répréhensibles.
En outre, le déferlement de violence verbale qui cible les magistrats du Parquet et un magistrat du siège sur Internet, est passible de poursuites à plusieurs titres : L’outrage à magistrat est un délit passible d’un an de prison et 15 000€ d’amende ( Article 434-24 du Code pénal). Une peine doublée lorsque le délit est commis dans l’enceinte du tribunal, lors d’une audience par exemple.
L’injure publique, prévue dans la loi de 1881 mise à jour en 2017, prévoit aussi de lourdes amendes (jusqu’à 12 000€) lorsqu’elle est par exemple commise sur les réseaux sociaux.
Enfin, l’article 434-25 du Code pénal stipule que le » fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
En somme, l’incompréhension, voire l’indignation suite à une décision de justice, autorisent parfaitement le questionnement, mais pas la malveillance ou l’agression verbale.
C’est le message que souhaite faire passer le parquet de Mamoudzou qui confirme avoir diligenté une enquête, dans le cadre de laquelle un internaute a déjà été auditionné. Le procureur qui dénonce des propos « éhontés et virulents » précise que cette enquête ne fait que commencer. L’annonce par nos confrères de convocations en justice pour les auteurs de ces injures a entraîné une flopée de réactions d’autant plus violentes en commentaires, comme pour tenter le diable, provoquer la réponse pénale.
Les injures qui ont fleuri de nouveau ce lundi seront donc, elles aussi, étudiées dans le cadre de cette enquête.
La Loi est-elle trop clémente pour les internautes injurieux ?
La possibilité de s’exprimer en ligne émancipe la parole ces citoyens, et l’on ne peut que s’en réjouir. Mais l’apparition de nouveaux outils de diffusion tend à dépasser une législation construite au XIXe siècle à l’âge d’or de l’information sur papier. Ce, malgré de nombreux amendements visant à y intégrer Internet.
En 2016, par exemple, le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi avait déposé avec le sénateur François Pillet (LR) un rapport visant à faire courir le délai de prescription des délits écrits sur Internet à la date de leur suppression, et non à celle de leur publication. Ils proposaient aussi de faire passer cette prescription de 3 mois à 1 an pour l’injure et la diffamation. Actuellement, une injure publique est prescrite au bout de 3 mois, alors qu’elle peut-être encore visible sur Internet. Un non sens.
Responsabilité pénale et morale
Outre l’aspect purement légal, des questions plus civiques et morales sont à soulever.
Ces personnes qui « se lâchent » sur Facebook tiendraient-elles les mêmes propos si elles avaient le magistrat en face d’elles ? Quel sens y a-t-il à attaquer personnellement une personne que l’on ne connaît pas, en raison de son activité professionnelle ou non ? Pensent-elles un seul instant au mal que ces propos peuvent causer ? Aux fonctionnaires visés, à leur famille ? « Ce sont des hommes et des femmes, avec une vie » appuie le procureur Miansoni.
Ces injures sont d’autant plus blessantes pour les victimes qu’elles sont écrites, lues par des milliers de personnes, parfois relayées, avec l’insouciance de l’internaute qui oublie qu’il est parfaitement identifiable. Même avec un pseudonyme.
La responsabilité de ce que chacun publie sur Facebook est d’ailleurs une des raisons invoquées par le réseau social pour motiver l’obligation qui incombe à chaque membre d’y figurer sous son nom propre. Parfois ça ne suffit pas. Et quand le bon sens individuel ne suffit pas à respecter les autres, et à respecter la loi , celle-ci doit s’appliquer.
Yohann DELEU
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