Suivre le comportement des poissons, c’est une 2ème nature chez Thomas Claverie, puisqu’il a étudié pendant 3 ans la biologie de la galathée, un crustacé, dans une station marine écossaise après avoir décroché son doctorat à l’université de Londres. Ensuite il a réalisé un post-doctorat de trois ans et demi à l’université de Californie Berkeley et l’université du Massachusetts Amherst aux États-Unis où il a étudié l’évolution des mouvements rapides chez la mante de mer
Evoquant les deux grands chantiers de la planète, « le réchauffement climatique et l’impact anthropique direct par l’activité humaine en matière de pêche ou de pollution », et « le risque lié d’extinction de l’espèce humaine » sur le mode « Il faut que tu respires » de Mickey 3D, Thomas Claverie mettait en garde : « Les 5 crises majeures de notre planète ont vu la disparition de 50 à 85% de la vie à chaque fois, en lien avec un réchauffement climatique, nous en sommes à la 6ème».
A l’heure où les découvertes se multiplient, dont celle en 2015 de la présence d’une forêt tropicale au pôle Nord, la catastrophe est déjà bien engagée selon lui, « nous sommes dans le rouge », qui se traduit notamment par la migration d’espèces à grande échelle, dont les moustiques transmetteurs de maladies, « et par le blanchiment des coraux en Australie », moins à Mayotte, « on ne sait pas encore pourquoi ».
Peu de requins dans le lagon
Justement, pour observer les changements, comprendre à quelle vitesse ils s’opèrent, le chercheur va s’atteler à l’observation du corail et des poissons. Une vidéo tournée à Majicavo Koropa traduirait l’envasement des coraux par les sédiments déposés par les pluies.
Mais il faut filmer sur de longues périodes, et dans les profondeurs, analyser, comparer. Pour arriver à un meilleur résultat qu’avec de simples plongeurs, le recours à un robot s’est vite imposé. Le système de stéréovision a été utilisé, « notamment pour quantifier les requins dans le lagon de Mayotte, il y en a vraiment très peu ! »
Pour analyser les images, les chercheurs ont conçu des algorithmes de reconnaissance automatique, une sorte de reconnaissance au faciès, qui ont permis de traiter les 13 Teraoctets de vidéo, et d’en dégager 230.000 photos de poissons, « avec un taux de reconnaissance de 95% ». Ils ont répertorié 60 espèces, « avec un objectif de 500 en 2018, et l’intention de mettre en place une appli de reconnaissance Whols. En apposant la photo prise par un plongeur, le nom apparaitra immédiatement ».
Robot baladeur
Se pose la question du robot idéal, « sans un câble qui s’accroche partout et qui tire le robot lorsqu’il y a du courant », mais il n’existe pas de drones sous marins. Seul le ROV (Remotely Operated Vehicle), un robot téléguidé, permet de se maintenir au dessus du tombant, mais le mode manuel s’avère compliqué pour garder une altitude constante de 1,50m du fond, il va donc falloir opter pour l’automatisme complet.
Le choix s’oriente donc vers un robot moderne, de 80 cm par 40cm, et dont le prix doit rester inférieur à 25.000 euros. Un investissement prévu en 2018 pour le CUFR ; et qui pourrait rendre plusieurs services : « Il permettra de mener plusieurs types d’études, notamment sur les holothuries ou sur les acanthasters, pourra être prêté au Parc Naturel Marin, ou encore être couplé avec d’autres types de robot, comme les engins de surface qui cartographient le lagon ».
D’autant qu’ils se sont mis dans la peau d’un poisson : « Malgré le bruit du moteur, ils ont moins peur du robot que de nous ».
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com