« Hé ben ! Ils en ont mis du temps à casser le dojo, c’est pas trop tôt ! » Cet agent de la mairie de Mamoudzou est tout sourire devant le ballet des deux tractopelles : « Je n’osais plus passer par ici après 18 heures. On risquait de recevoir une pierre, même quand un vieux se faisait attaquer, on n’osait rien faire tellement on avait peur d’eux ».
« Eux », ce sont les squatters du bâtiment qui abritait jadis les entrainements de judo, « mais depuis deux ans, il est désaffecté et sert de repère aux délinquants qui y recèlent la marchandises volée », nous explique un policier municipal. Pour preuve, à l’intérieur, les policiers ont découvert le matériel du parfait petit chimiste, spécialité drogue « chimique », ainsi qu’ « un engin de nettoyage de chez Jumbo, et un tracteur-tondeuse de la ville ».
Un habitant nous explique que la police y fait régulièrement des descentes, « une fois, ils ont attrapé plein de chiens, mais il y en avait autant le lendemain ! »
Si le repère n’a pas été démantelé plus tôt, c’est que le conseil départemental qui en est le propriétaire, comptait le réhabiliter. Mais d’hésitations en tergiversations, les actes de délinquances se multipliaient, et la mairie de Mamoudzou a commencé à voir rouge. Elle a commencé à émettre un arrêté de péril imminent au regard de la dangerosité du site, mettant en demeure le Département de déconstruire le dojo, sous délai. Au delà duquel, la mairie se substituerait. C’est ce qui s’est passé ce mardi, sous le regard réprobateur du représentant du CD lors du premier assaut des engins de chantier.
Un hôtel de passe à la belle étoile
La question se pose désormais pour les petits immeubles avoisinants, qui sont dans le même état. Tout ce qui pouvait être vandalisé l’a été, la toiture a disparu, et ils se peuplent la nuit d’habitants divers, avec un rôle essentiel de squat-hôtel de passe. Là encore, la SPL 976 du conseil départemental doit réhabiliter, « nous allons pour l’instant grillager le site pour le protéger de toute intrusion », indique la police municipale, partenaire de la police nationale sur cette action. Le manguier qui s’élève sur le côté est abattu, « il servait d’échelle ».
En arrivant à 6 heures au dojo, les policiers ont été agressés à coup de jets de pierre « par un mineur qui a été interpellé et placé en garde à vue, nous informe le commandant Demeusy qui supervise l’opération, et l’association Gueule d’amour qui nous accompagne sur ces opérations, a attrapé 10 chiens. » A noter que la mairie a également pris un arrêté pour que les chiens circulant sur la voie publique soient tenus en laisse.
Bandrajou retrouve sa sérénité
Une volonté politique forte dont se réjouit le policier : « On ne peut pas financer un équipement comme le stade de Cavani et laisser à côté un squat dont les occupants menacent les joggeuses et la population. »
C’est la 2ème action fortement médiatisée ce mois. Et loin d’être un coup d’épée dans l’eau, à entendre un policier municipal : « Je suis de Bandrajou, quartier où nous sommes intervenus avec la police nationale il y a 10 jours. Je peux vous dire que le quartier a retrouvé sa sérénité. Certaines mamans comoriennes qui sont à Mayotte depuis très longtemps, ont compris que si les jeunes faisaient parler d’eux par des actes de délinquance, il y aurait des descentes pour contrôler tout le monde et expulser ceux qui ne sont pas en règle. Du coup, maintenant, ce sont elles qui dénoncent les délinquants ». Il y a eu 60 reconduites à la frontière sur les deux actions menées à Bandrajou.
Et pas facile d’être policier et habitants du quartier où on intervient, « j’ai même eu des menaces de mort, et je sais qui en est l’auteur. » Ses collègues de la « nationale » comme il les appelle, l’ont incité à déposer plainte. Est notamment suspecté un jeune récemment sorti de prison, qui serait tête de réseau dans le quartier.
Le partenariat entre les deux polices, nationales et municipales, est de plus en plus fort, « avec une coproduction sécuritaire. Elle entre dans le contexte d’une montée en compétence de la police municipale qui va se concrétiser par l’arrivée d’une brigade cynotechnique, avec deux maîtres-chiens en formation, et d’une unité motorisée », explique le commandant Demeusy.
Le dojo n’est plus qu’un tas de gravats enlevés par la mairie, « et c’est pas fini ! », lancent les policiers qui préparent de nouvelles interventions, toujours en partenariat avec la mairie et la police municipale.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com