Le profil du patronat à Mayotte est considérablement différent de celui de la métropole. Certains ont créé leurs entreprises il y a plusieurs dizaine d’année, dans ce qui ressemblait à un Far West tropical. Chacun faisait sa loi, et c’est en petit comité qu’avait été négocié le code du travail applicable à Mayotte le 25 février 1991, et peu de dirigeants de cette époque sont encore en place.
D’autres sont à la tête de filiales de grands groupe, de passage à Mayotte, et s’ils peuvent compter sur une expertise maison, peu sont préparés à entamer des négociations sur des sujets aussi pointus. Et à négocier avec des syndicalistes pas mieux lotis, en dehors d’un ou deux leaders syndicaux.
Enfin, et dans une grande majorité, les Petites et Moyennes entreprises ont été créées dans des secteurs porteurs, et leurs 20 salariés fait basculer leur patron dans l’adaptation du code du travail en matière de durée légale du travail, sans qu’ils y aient été préparés.
Surtout qu’avec les ordonnances Macron, ils ne peuvent plus se reposer sur leurs branches professionnelles, mais doivent au préalable avoir négocié un accord d’entreprise. Quitte ensuite, à se rattraper aux branches… Pas simple comme sport !
Avec qui négocier ?
Les 8 parties du code de droit commun mises en place par l’ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017 portent pour certaines des évolutions considérables pour Mayotte.
Elle assoit notamment la possibilité d’une rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée, en garantissant une indemnité et des allocations chômage. Des avancées qui le seront si patrons et syndicats arrivent à se mettre d’accord.
« S’il y a un représentant syndical dans l’entreprise, il doit être intégré à la négociation. Sinon, ce sera la représentant du personnel, mais qui aura du être désigné avec plus de 50% des voies aux élections professionnelles pour garantir la légitimité de l’accord », éclairait Dominique Ledemé, Chargé de mission au ministère du travail pour la transposition du Code du travail de droit commun à Mayotte, qui connaît bien les problématiques pour avoir été directeur du travail sur le territoire au moment de la rédaction du code du travail applicable à Mayotte. Une compétence précieuse dans la préparation de cette évolution.
Pour comprendre le silence dubitatif qui régnait dans la salle bondée du Comité du Tourisme, il suffit de se pencher sur un point, la convention collective. Ce texte, cosigné par patrons et salariés, établit les conditions de travail et les garanties sociales. Pour prendre l’exemple des heures supplémentaires, leur majoration peut atteindre 25%, mais aussi 10% accompagnés de compensations, comme l’octroi de RTT, ou de jours fériés chômés.
Après les explications fournies et passionnées de Véronique Martine, Chargée de mission Dieccte pour l’application du code de travail de droit commun à Mayotte, vous pouvez vous demander dans quelle catégorie vous allez vous ranger ? Celle des chefs d’entreprises qui ont signé un accord d’entreprise et qui veulent appliquer les conventions collectives dès le 1er janvier 2018 ? Celle des entreprises qui ont déjà été intégrées par un accord entre partenaires sociaux nationaux ? Celle d’une entreprise exclue par le texte, comme c’est le cas des déchets ? Celle qui vont suivre un accord métropolitain avec le délai d’entente de 6 mois prévu par la loi ? Ou celle qui optent pour la rédaction d’une convention collective dès la 1ère commission mixte paritaire venue ?…
Complexe, et les avantages acquis dans une entreprise pour reprendre l’exemple des heures supplémentaires, ne vont-elles pas faire loucher les salariés d’autres entreprises qui pourraient revendiquer un alignement ? Le must serait donc d’obtenir une convention collective à l’échelle du territoire.
Sainte Dieccte, priez pour nous !
Beaucoup de questions sur la durée légale du travail qui passe OBLIGATOIREMENT à 35h pour les entreprises de plus de 20 salariés au 1er janvier. Une aide est prévue pour les entreprise, « elle sera environ de 1.400 euros par an et par salarié ». Pas la peine de modifier le contrat de travail si celui-ci fait mention d’un taux horaire de rémunération, « comme c’est le cas de 90% d’entre eux ». Par contre, il vaut mieux avertir les salariés dès maintenant qu’au delà de leur 35ème heure, ils seront payés en heures sup.
Dominique Ledemé le répètera à plusieurs reprises, les partenaires sociaux ont la main sur quasiment tous les chapitres. Il va donc falloir s’entendre et éviter les conflits. Il n’y aura plus de Commission consultative des conflits, mais une Commission Paritaire régionale Interprofessionnelle, où sont représentés à parts égales salariés et employeurs. « Pourra-ton demander la protection de la Dieccte en cas de difficulté ? » ironisait un chef d’entreprise.
La Dieccte de Mayotte organise un autre atelier collectif de présentation du code du travail sur le thème « Connaître les principales nouveautés pour bien appliquer le code du travail à Mayotte », qui aura lieu le 13 décembre à la salle Trémouille et Buffière de la Dieccte de 8h à 12h.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com